David Rodriguez, un “artiste criminel” au salon de Montrouge
David Rodriguez, un “artiste criminel” au salon de Montrouge Du 30 avril au 28 mai 2014 Le Beffroi En savoir plus sur le salon de Montrouge |
Le Colombien David Rodriguez est l’un des 72 artistes à avoir été sélectionné pour la 59ème édition du Salon de Montrouge. Du 30 avril au 28 mai 2014, cet évènement présente au public les jeunes talents les plus prometteurs du monde de l’art contemporain.
« Le peintre est un voyeur, et je suis un voyeur discret. Je peins de petites images pour que le spectateur se penche attentivement sur elles. Cela le met lui aussi dans une position de voyeurisme et c’est cela qui m’amuse : observer la réaction des gens face à des pratiques considérées comme taboues ». David Rodriguez, la barbe sombre et fournie, pose avec précaution une dizaine de petites boites sur la table de son atelier étroit du XIXe arrondissement. A l’origine commercialisées pour contenir des bonbons, les objets sont détournés par l’artiste colombien, qui y peint des scènes pornographiques. Sur l’une d’elles, le peintre a sous-titré par « Ceci mérite une pipe », le dessin d’un large pénis. Sur l’autre, une femme est en plein ébat avec…un squelette. « Cette image me tient beaucoup à cœur, elle reprend en fait le thème connu de la jeune fille et la mort ». Le trentenaire, un peu nerveux, les mains qu’il ne cesse de frotter l’une contre l’autre, aime s’interroger sur la question de l’image de soi, et la façon dont elle se retranscrit dans nos mœurs actuelles. « Le selfie par exemple, c’est une façon de capturer un état de soi, de lutter contre la mort, le vieillissement ».
Trop longtemps étouffé par la tradition catholique de sa famille, le créateur quitte Bogota juste après son bac, en 2002, et rejoint aussitôt la France. C’est l’occasion pour lui de trancher de façon brutale avec cet environnement conservateur. « J’avais besoin d’étudier la sexualité pour apprendre à m’accepter ». La pornographie, même. Il n’est pas surprenant de le retrouver en train de feuilleter un livre de Pierre Louis (un auteur pornographique) dans la file d’attente de l’opéra. Ou de peindre une femme en burka en train d’apprécier un cunnilingus. « Tout le monde pense que je vais me faire flinguer » dit-il en éclatant de rire. Je veux faire quelque chose de démocratique. Et quoi de plus démocratique que le sexe ? Il y a de tout, pour tout le monde », se plait à imaginer David. Parfois je tombe dans le subversif et ma peinture devient politique. » Pas étonnant de savoir que parmi ceux qui ont influencé le jeune talent il y a le photographe, peintre, et poète Pierre Molinier, ou le réalisateur David Cronenberg. « Comme moi ils sont obsédés par le corps et la sexualité » reconnaît-il. L’humour comme gage de liberté Il le confesse humblement, David Rodriguez ne s’est jamais senti suffisamment à la hauteur pour représenter l’humain, et encore moins le nu. Ses deux années à l’école de la Villa Arson de Nice ne l’ont pas aidé sur ce point. Ses enseignants lui répétaient que le temps de la peinture était révolu, et sacralisaient l’exercice du nu. Le master d’art contemporain qu’il entrepris en 2009 à la Sorbonne Paris IV ne l’y encourageait pas plus. Mais l’artiste, tenace, s’est accroché à ses pinceaux, et aujourd’hui il peint des corps dévêtus. Qu’il traite avec un certain second degré. Le regard très animé, il explique son point de vue : « Par l’humour on peut tout dire, tout représenter. Cela permet de garder une distance tout en disant des choses essentielles ». L’un des dessins du créateur résume bien l’ensemble de sa démarche artistique. Sur celui-ci, trois détectives se tiennent sur une scène de crime, appareils photos à la main, mais le cadavre qu’ils observent n’existe pas. « J’ai beaucoup été influencé par les films d’action américains des années 90, dans lesquels on voue un culte aux bandits. Nous aussi, parfois, on peut avoir envie de faire une bêtise, mais notre éducation et une certaine autocensure nous l’interdit. Donc la peinture, la toile, devient le lieu du crime, où tout est possible. Et si la toile est la scène du méfait, le pinceau est l’arme, et l’artiste le criminel. » Et la prochaine scène de crime du peintre, c’est le Salon de Montrouge. « Je vais pouvoir expérimenter mes idées loufoques. J’ai envie de jouer sur le voyeurisme. J’ai prévu une installation très particulière, qui risque de mettre le spectateur dans une position assez inattendue… ». Pour en savoir plus sur le Salon de Montrouge: www.salondemontrouge.fr Juliette Jean [ Visuels: © Heather Goodchild ]
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