Signes – Opéra Bastille
Grâce à ce ballet écrit en 1997, Carolyn Carlson, précurseur du mouvement de la nouvelle danse dans les années 70s, a fait de Marie-Agnès Gillot la première danseuse nommée étoile sur un contemporain.
Le ballet offre une succession de tableaux dont les danseurs animent les somptueuses toiles réalisées par Olivier Debré, un amoureux de la matière et du naturel.
Pour parfaire cette œuvre « totale », c’est le père de ses enfants que Carolyn Carlson choisit pour écrire la musique. Ils ont déjà travaillé sur Red Dress ou le chef d’œuvre Blue Lady, des œuvres où la couleur prédomine. Que l’œuvre picturale prenne le devant, là réside le sublime geste créateur de cette bien belle chorégraphe.
L’ensemble danse, peinture et musique emporte le spectateur dans une poésie toute carlsonienne. A 70 ans, notre américaine a déjà donné quelques coups de pinceau sur ses chorégraphies. Alors que le rouge convient plus particulièrement à Marie-Claude Petragalla, le bleu sied à merveille à la figure plus lointaine et introvertie de Marie-Agnès Gillot livre-t-elle (1). Peu étonnant alors que l’émotion la plus forte du spectacle Signes jaillisse sur « L’esprit du bleu », un duo où la toile est si proche du public qu’il plonge lui-même dans cette immensité envoûtante, dans ces remous sensoriels et émotionnels où les danseurs finissent par ne faire plus qu’un.
La muse étoilée Marie-Agnès rend une très grande grâce à la chorégraphe poétesse Carolyn qui recherche dans cette composition à faire émerger une « expérience visuelle extrême » (2).
Donner vie à la peinture, tel est l’univers onirique dans lequel chacun se laisse transporter, une féérie de la matière où chaque pas, chaque tour, chaque jeté procure un relief envoûtant au décor.
Les tableaux défilent, les danseurs s’allègent, les vibrations de guitare nous réchauffent.
On s’émeut donc devant « L’Esprit du bleu », on rit devant les pantomimes des « Couleurs de Maduraï », on s’électrifie devant le rouge et noir des « Moines de la Baltique ».
Contrairement à Sous apparence, chorégraphie où Marie-Agnès Gillot s’attachait à faire danser les hommes sur des pointes, à gommer les différences corporelles, ici dans Signes, les rôles féminins et masculins ne s’échangent pas. Plutôt qu’une opposition, il en ressort une complémentarité
Tel un courant d’air, notre danseuse étoile s’élève et nous soulève, encore et toujours, rendant la matière plus légère que le geste et nous faisant sentir cet espace de liberté où toile et scène se confondent.
Quand retrouver Carolyn Carlson ? Dès 2014 au théâtre de Chaillot dans une œuvre dédiée à l’air. Pour les plus impatients, rendez-vous à la Bibliothèque Nationale de France à laquelle certains des cahiers de création ont été confiés, s’inscrivant désormais dans le patrimoine de la danse. Leur numérisation a été finalisée, Joël Huthwohl les commente (3).
Marine de Baillenx
Notes
(1) Marie-Agnès Gillot, étoile sculpturale, Le Monde Style, 24 mai 2013
(2) Vidéo. Carolyn Carlson à l’Opéra, francetvinfo.fr, 10 juillet 2013
(3) Les archives de la chorégraphe Carolyn Carlson numérisées, France Inter, 23 mai 2013
Signes
Chorégraphie : Carolyn Carlson (Opéra national de Paris, 1997)
Décors et costumes : Olivier Debré
Lumières : Patrice Besombes // Musique originale : René Aubry
Les Étoiles, les Premiers Danseurs, le Corps de Ballet
Musique enregistrée
Du 3 au 15 juillet 2013
Tarifs : de 5 à 92 euros
Opéra Bastille
M° Bastille
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