Molière
Jean-Baptiste Poquelin voit le jour dans une famille de la haute bourgeoisie parisienne, baptisé en 1662. Son père, « tapissier », travaille notamment au service du roi. C’est à l’âge de 21 ans, et sous le nom d’emprunt de Molière, que le jeune ambitieux fait ses premiers pas dans le monde du théâtre. Il fonde l’ « illustre théâtre » avec Madeleine et Joseph Béjart, membres d’une illustre famille de comédiens. Une première entreprise qui se solde par un échec.
La troupe croule sous les dettes et fait faillite. Le dramaturge quitte alors la capitale pour sillonner la France. De ses pérégrinations, naissent ses premières courtes pièces, Le Docteur amoureux, Le Médecin Volant, puis des comédies en cinq actes et en vers, L’Étourdi (1655) ou Le Dépit amoureux (1656).
De retour au bercail en 1558, Molière, remarqué par le frère du roi, obtient sa protection. Il épouse la comédienne Armande Béjart, de vingt ans sa cadette. Sa nouvelle troupe, baptisée « Troupe de Monsieur » interprète les œuvres d’auteurs et de genres aussi divers et variés que Scaron, Pierre et Thomas Corneille, Rotrou ou Tristan l’Hermite. C’est en 1659, grâce au succès retentissant de sa pièce, Les Précieuses ridicules, que l’auteur accède à la notoriété. Dès lors, dans les salles mises à sa disposition par Louis IV, comme le Palais-Royal, les succès s’enchaînent. L’artiste s’illustre aussi bien en tant qu’écrivain que directeur de troupe ou comédien.
Molière a la dent dure. Très critique, il ne se fait pas que des amis. Son œuvre fustige et moque de nombreuses franges de la société. Il s’attire les foudres des dévots dont il dénonce allègrement l’hypocrisie ; sa pièce Tartuffe (1664) est interdite. Le trublion rit sous cape et s’en donne à cœur joie. Contre vents et marées, il persiste et signe. La bourgeoisie est sa cible privilégiée ; des mariages arrangés aux prétentions nobiliaires, elle en prend pour son grade. Si Don Juan (1665) triomphe, la pièce suscite un scandale sans précédent.
Le répertoire de Molière offre un éventail de genres, de la comédie de mœurs proches de la farce, comme Le médecin malgré lui (1666) ou Les Fourberies de Scapin (1671), à des comédies plus psychologiques, L’École des femmes (1662) ou L’Avare (1668). Associé aux grands musiciens Lully et Marc-Antoine Charpentier, il donne également naissance aux comédies-ballets Le Bourgeois gentilhomme (1670) et Le Malade imaginaire (1673). Enfin, certaines de ses pièces, à l’instar du Misanthrope ou du Tartuffe, en prose ou en vers, approfondissent l’étude de caractères sociaux. Si Molière puise, tout comme ses contemporains, dans la culture antique et étrangère, s’il s’inspire par exemple de Plaute, il s’avère également un inventeur de formes nouvelles, d’intrigues originales.
Ce grand passionné connaît une fin qui participe à sa légende, alors qu’il meurt, frappé d’un malaise sur scène, à l’âge de 51 ans. Auteur dramatique le plus joué et le plus étudié en France, fondamental dans l’histoire de la littérature et du théâtre occidental, il inspire de nombreux artiste européens à commencer par Goldoni ou Dario Fo. Sans cesse réactualisé, son théâtre et les figures qu’il critique s’avèrent aussi vivantes qu’éternelles. Molière n’a pas dit son dernier mot ni fini de nous faire rire, pour le plus grand bonheur des petits et des grands.
Jeanne Rolland
Bibliographie sélective
- 1655 : L’Étourdi ou les Contretemps
- 1656 : Le Dépit amoureux
- 1659 : Les précieuses ridicules
- 1660 : Sganarelle ou le Cocu imaginaire
- 1661 : Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
- 1661 : L’École des maris
- 1661 : Les fâcheux
- 1662 : L’École des femmes
- 1663 : La Critique de l’école des femmes
- 1663 : L’Impromptu de Versailles
- 1664 : Le Mariage forcé
- 1664 : La Princesse d’Élide
- 1664 : Tartuffe ou l’Imposteur
- 1665 : Dom Juan ou le Festin de pierre
- 1665 : L’Amour médecin
- 1666 : Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux
- 1666 : Le Médecin malgré lui
- 1666 : Ballet des Muses : Mélicerte
- 1667 : Ballet des Muses : Pastorale comique
- 1667 : Ballet des Muses : Le Sicilien ou l’Amour peintre
- 1668 : Amphitryon
- 1668 : George Dandin ou le Mari confondu
- 1668 : L’Avare
- 1670 : Les Amants magnifiques
- 1670 : Le Bourgeois gentilhomme
- 1671 : Psyché
- 1671 : Les fourberies de Scapin
- 1671 : La Comtesse d’Escarbagnas
- 1672 : Les femmes savantes
- 1673 : Le Malade imaginaire
Citations
- « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. » (Les femmes savantes)
- « Non ; on est aisément dupé par ce qu’on aime. Et l’amour-propre engage à se tromper soi-même. » (Tartuffe)
- « Il est si doux de vivre ! On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps !… » (Le Dépit amoureux)
- « L’écriture ressemble à la prostitution. D’abord on écrit pour l’amour de la chose, puis pour quelques amis, et à la fin, pour de l’argent. »
- « Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. » (Le Malade imaginaire)
- « Un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant. » (Les femmes savantes)
- « Le plus grand faible des hommes, c’est l’amour qu’ils ont de la vie. »
- « Quand on sait entendre, on parle toujours bien. » (Les femmes savantes)
- « – Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? – Qui parle d’offenser grand’père ni grand’mère ? » (Les femmes savantes)
[Visuel : Fontaine Molière dans le 1er arrondissement de Paris, édifiée en 1844 par une souscription publique. La statue de bronze de Molière est de Bernard Gabriel Seurre et les deux statues latérales la Comédie Légère et la Comédie Sérieuse sont œuvre de James Pradier. Photo : 26 November 2011 – travail personnel de Moonik. This file is licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license]
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