Sabine Moritz – galerie Marian Goodman
Ce travail a été initié au moment des attaques du 11 septembre 2001. Sabine Moritz se trouvait alors dans un vol pour New York qui dût être dévié vers la Nouvelle Ecosse au Canada, pour une escale forcée de quelques jours. Depuis ce lieu étranger, elle a suivi comme chacun les répercutions de l’événement dans les médias. La mutation actuelle de la nature des conflits influencera dès lors sa pratique artistique.
A l’exception de Gelbes Kleid I et II (inspirées d’une photographie des années 40 de Robert Capa), toutes les peintures de l’exposition ont été créées à partir de photographies découpées dans la presse au cours de ces dix dernières années. Ses peintures sont, pour ainsi dire, des réinterprétations de l’actualité puisque Moritz ne cherche pas à documenter la guerre mais s’attache plutôt à représenter les moments de trêve et des scènes intimes au cours des conflits armés. A partir d’images documentaires, Moritz donne à voir des scènes fictionnelles détachées de tout contexte historique. C’est avant tout l’atmosphère en temps de guerre qui transparaît de cet ensemble d’œuvres sur toile.
« Au contraire, elle affirme son désir de libérer les motifs de leur histoire immédiate et des mots qui les accompagnent. Dans ses peintures, elle ne s’attache pas à la spécificité des incidents, des personnes, des guerres ; ses toiles reflètent plutôt des phénomènes historiques plus vastes, tels que les nouvelles guerres de notre temps et, par extension, la guerre froide. » (1)
L’absence totale de violence, de scènes de combat, de vision d’horreur caractérisent les peintures de guerre de Sabine Moritz. Ce parti-pris n’empêche pourtant pas la perception d’une violence ténue et imminente, d’une tension latente rendue par l’omniprésence des engins de guerre, des armes, des uniformes militaires…
« Les hostilités sont interrompues dans toutes ses peintures de guerre, parfois – ainsi dans Mantel et Handschuhe (Zigarette) – pour un seul instant, semble-t-il ; pour plus longtemps, en général. A cette fin, Moritz peint ce qui est souvent considéré comme étant en marge de la guerre, mais qui en est partie intégrante, en réalité : le temps qui précède, suit les actions de combat ou s’intercale entre elles. En dépit de leur nature prétendument périphérique, ces moments peuvent recéler une grande concentration. » (2)
La mise à distance de l’actualité immédiate, la représentation anhistorique de la guerre et le refus de livrer au regard une violence explicite, donnent aux scènes de guerre peintes par Sabine Moritz un caractère indéterminé et flottant, nous renvoyant à un espace-temps interstitiel qui s’apparenterait aux Limbes.
Une sélection de près d’une soixantaine de dessins au fusain, graphite et pastel est également présentée au sous-sol de la galerie. Presque tous datés, ils rendent compte de sa pratique régulière du dessin et constituent une forme de journal intime.
Les premières séries de dessins de Sabine Moritz sont autobiographiques. Dans le cycle « Lobeda » (1991-1992), elle a dessiné de mémoire les lieux de son enfance passée dans la petite ville de Lobeda en Allemagne de l’Est. Dans un esprit similaire, « JENA Dusseldorf » (1992-1994) est constituée de dessins inspirés de photographies des lieux qu’elle a fréquentés avant et après son arrivée en Allemagne de l’Ouest. Son enfance passée en Allemagne dans le contexte de la guerre froide l’a sans doute prédisposé à saisir la complexité des conflits modernes, qui deviendront un des sujets majeurs de ses œuvres récentes.
Sabine Moritz est née en 1969 à Quedlinburg et a grandi en Allemagne de l’Est. Avec sa famille, elle émigre à l’ouest à l’âge de 16 ans, d’abord à Darmstadt, puis à Offenbach et Düsseldorf où elle étudie respectivement à la Hochschule für Gestaltung et à la Kunstakademie. Plusieurs expositions personnelles lui ont été consacrées en Allemagne et au Royaume Uni. Sabine Moritz vit et travaille à Cologne.
Un catalogue intitulé Sabine Moritz: Limbo 2013 comprenant un texte de Christine Mehring sera publié à l’occasion de cette exposition. Cette première monographie dédiée aux peintures de Sabine Moritz compte 124 pages dont 64 reproductions d’œuvres réalisées depuis 2001.
1 Christine Mehring, « Old War, New War, Cold War: The Art of Sabine Moritz » in Limbo 2013, Marian Goodman Gallery, 2013. (Traduction française Ela Kotkowska et Agnès Clerc.)
2 Ibid
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=28uR63yCV98[/embedyt]
Sabine Moritz – Limbo
Du 22 mars au 4 mai 2013
Galerie Marian Goodman
79, rue du Temple
75003 Paris
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