Avant-première de La Porte du paradis de Michael Cimino
Carlotta films distribue ces trésors du 7ème art auxquels les cinéphiles acharnés vouent un véritable culte. Leur catalogue de films — qui sortent en salle en version restaurée puis rapidement en dvd assortis de bonus d’une exceptionnelle qualité- parcourt un impressionnant delta. Des Chaussons rouges (dans une version restaurée étourdissante) de Michael Powell à Pulsions et Blow Out, pièces maîtresses de De Palma en passant par des piliers des cinématographies coréenne, italienne, africaine, indienne, ce distributeur est un peu le chouchou des cinéphiles et des critiques.
Avec La Porte du Paradis, les choses ont été faites en grand, grand, grand…
Centre Pompidou, mardi 17 février, 18h30. Une attachée de presse nous tend le carton d’accès assorti d’un « Vous restez aussi pour le film ? ». Manière courtoise de dire « Vous ne vous tirez pas après avoir vidé douze verres et descendu un plateau de petits fours ? ». Au taux de remplissage de la salle de projection (bondée), force sera de constater que les pique-assiette avaient jeté leur dévolu sur un ailleurs quelconque pour se sustenter. Même si l’absinthe coulait (au goutte à goutte comme il se doit) et que les agapes méritaient un absolu satisfécit, le hall qui nous accueillait résonnait plus que de coutume de considérations directement liées à l’objet de la soirée. On y parlait d’échec, on y discutait de banqueroute, on y évoquait son expérience de « Heaven’s gatophile ». « C’est mon film culte », « Je l’ai vu peut-être dix fois », « Je ne m’en lasse pas, je le redécouvre à chaque fois ». Ambiance fébrile palpable. Aucun doute, cet aéropage s’apprête à vivre plus de deux cents minutes qu’il attend depuis de longues années.
En 1979, Michael Cimino vient de recevoir une flopée d’Oscars pour Voyage au bout de l’enfer. Hollywood est à ses pieds. Il met en chantier La Porte du paradis. Tournage interminable, pharaonique, dépassements des délais, explosion du budget, coupe de plus d’une heure avant la sortie, lynchage médiatique puis four retentissant dans les salles. Le film rapporte trente fois moins qu’il a coûté. Faillite des studios. Le film tombe aux oubliettes. Cimino perd son auréole.
Quelques ressorties de ce film que les ans ont chargé d’une légende tenace n’ont pas suffi à satisfaire les attentes des inconditionnels. Mardi soir, en présence du réalisateur et sa comédienne principale Isabelle Huppert et une semaine avant le retour sur les écrans (dont le Max Linder Panonorama, une des plus belles salles parisiennes), cette attente fut plus que comblée. Dans la salle 1 du centre Pompidou, la tignasse argentée de Bertrand Tavernier se devine malgré l’immense modestie de ce grand bonhomme. Christophe, qui ne cherchait pas le retour d’Aline, fait une entrée remarquée qui ne surprend personne, les cinéphiles savent qu’il est des leurs (ses chansons en témoignent). Directeur de chez Carlotta, Vincent Paul-Boncour, visiblement ému, présente la soirée avant de laisser la parole aux invités vedette.
Rayonnante et décontractée, Isabelle Huppert, l’épaule solidement serrée par la main de Cimino qu’il ne lâchera pas, va rapidement se faire la traductrice du cinéaste, dans une ambiance résolument joyeuse. Cimino, après des remerciements notamment à la productrice Joann Carelli, également présente, raconte comment s’est effectué le choix de l’actrice. « J’étais en casting à New York. Je n’en pouvais plus. Des comédiennes me suppliaient pour avoir le rôle. Epuisé, je suis sorti de l’immeuble où se passaient les auditions pour prendre l’air. Je me suis engouffré dans un cinéma pour me changer les idées. J’ai regardé un film avec une actrice que je n’avais jamais vue. Dès les premières images, j’ai dit « Mais c’est elle qu’il me faut ! ». Personne ne voulait d’elle à part moi. ». Isabelle Huppert, qui avait rendu un vibrant hommage à Claude Chabrol à la Cinémathèque lors des obsèques du père de « La Cérémonie », lui doit décidemment une sacrée chandelle, le film dont Cimino parle (« Je ne me souviens même plus du film » a-t-il ajouté mardi soir) étant « Violette Nozières ». Beaucoup de rires. Salves d’applaudissements accompagnent la sortie.
Elles accompagneront, presque quatre heures plus tard, le générique de ce film mythique. Nous en reparlerons à sa sortie…
Franck Bortelle
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La Porte du paradis
De Michael Cimino
Avec Kris Kristofferson, Christopher Walken et John Hurt
Durée : 186 min.
Sortie le 22 mai 1981
Ressortie en salle le 27 février 2013
A découvrir sur Artistik Rezo :
– la sortie du film en dvd et blu-ray (novembre 2013)
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