Rendez-vous au Grand Café – Catherine et Olivier Marchal – Bouffes Parisiens
Légèrement « dyslexique des doigts », Emmi tape plus vite les e que les i. aussi son courriel n’atterrit-il pas aux éditions du Signe mais dans la boîte mail de Léo Segne. Énervé mais poli, il lui signale son erreur en retour. Elle lui répond donc avec un humour enjoué qu’elle ne l’importunera plus. Dont acte. Léo se calme. Las, ou heureusement en l’occurrence, dès que nous adressons un mail, l’adresse utilisée se stocke automatiquement… et Emmi adresse ses vœux de bonne année à Léo via un envoi groupé. Autre échange de mails du même acabit, jusqu’à ce que Léo, qui est psychologue du langage, assène quelques assertions dogmatiques…. qui titillent Emmi.
S’ensuit alors une relation épistolaire (ou plutôt courriélaire ») à travers laquelle les traits d’esprit sont autant de piques qui font mouche. A tel point que les correspondants commencent à éprouver l’un pour l’autre une réelle fascination. Ils vont peu à peu se livrer jusqu’à l’inévitable : Léo tombe raide dingue d’Emmi… qui est mariée avant que celle-ci n’envisage très sérieusement une relation véritable. Comment cette histoire va-t-elle évoluer ? Vont-ils se rencontrer, enfin, au Grand Café ? Pas question de vous en dire plus car je tiens à vous laisser le plaisir de la découverte ! Et de plaisirs, vous en aurez d’autres.
Le plaisir dû à une mise en scène, signée Alain Ganas et Hervé Dubourja, qui transforme subtilement une scène de théâtre en espace mental. Les protagonistes ayant une relation virtuelle, ils se retrouvent à travers un échange de mails, parfois instantanés, parfois en décalage horaire. Puis ils sont obsédés l’un par l’autre jusqu’à ce que cela interfère dans leur quotidien propre. Ce qu’ils partagent, ils l’écrivent. Ils ne se parlent pas. Ils se lisent. Cela aurait pu devenir fastidieux or, c’est à la fois vivant et prenant, surtout pour tous ceux qui ont vécu cet étrange état dans lequel nous met, via le téléphone, les mails, — voire des lettres, mais cela devient de plus en plus rare —, l’absence de présence réelle. J’ai nommé le fantasme… attisé par ce moment privilégié qui est celui de la découverte de l’autre. Aussi l’ambiance est-elle ici vouée à la sensualité de corps qui se frôlent, de cœurs qui se cherchent.
Le plaisir dû à un texte coloré qui manie l’humour et l’humeur. Léo est grognon (il est sous le coup d’une rupture) et, en ours mal léché, il balance des griffes acérées. Son ton mordant semble être son remède. Emmi, au contraire, est toute joie de vivre. Femme et mère heureuse, son babil va peu à peu apprivoiser la bête. Son désamorçage préféré étant l’humour, elle va redonner à Léo son sens aigu du bon mot… et de la tendresse. Cela les amenant tout droit à une remise en question de leur vie actuelle.
Le plaisir dû à la présence de deux magnifiques comédiens qui sont là bien loin de l’image qu’ils nous donnent via le petit ou grand écran. Ils sont ici comme dans la vie, d’où ce naturel époustouflant. Tous deux sont tendres et drôles. Lui dans le genre bourru. Elle toute en féminité. Pourtant, on oublie vite qui ils sont pour voir des personnages qui leur collent à la peau et à l’âme. Aussi sommes nous suspendus à leurs lèvres pour savoir si, un jour, elles se toucheront.
J’ajouterai enfin que cette pièce est l’adaptation de Quand souffle le vent du Nord de Daniel Glattauer et qu’il y a une suite. Les deux tomes sont édités chez Grasset. Nul doute qu’après l’avoir vue, vous allez vous précipiter dessus !!!
Caroline Fabre
Rendez-vous au Grand Café
De Daniel Glattauer
Mise en scène d’Alain Ganas et Hervé Dubourjal
Avec Olivier Marchal et Catherine Marchal
Du 9 octobre au 16 décembre 2012
Mardis et Mercredis à 20h30
Du jeudi au samedi à 19h
Le dimanche à 17h30
Tarifs : 37€ en 1ère catégorie et 27€ en 2ème catégorie (hors frais de réservations)
Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Les pièces à voir à Paris en novembre 2012
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