Librairie Thomas Scheler – Biennale des Antiquaires 2012
Quelle est l’orientation, la particularité de votre librairie ?
Le livre ancien et précieux en général. Depuis l’incunable, donc depuis les origines de l’imprimerie jusqu’au XIXème s., parfois au XXème s. Les textes qui ont marqué la littérature, la pensée ou l’histoire, en général. Dans les meilleures reliures, si possibles, il y a aussi les manuscrits. En tout cas les grands textes philosophiques, scientifiques et littéraires qui ont marqué l’histoire de l’humanité.
Depuis combien de temps êtes-vous dans ce domaine ?
La librairie Thomas Scheler, et avec elle la famille Clavreuil, a fêté son centenaire il y a quelques années.
Que pourriez-vous dire du marché du livre ancien sur Paris ?
C’est probablement une, sinon la première place où il se passe quelque chose dans le livre ancien : New York, Londres, Paris. Mais Paris c’est énorme. Nous avons des clients qui sont à l’étranger, ce ne sont pas forcément des touristes mais des gens avec qui nous avons déjà des relations de confiance, d’amitié, avec qui on travaille, ce sont des collectionneurs, des relations de longue durée.
Le collectionneur n’est donc pas un acheteur compulsif…
Non, ce n’est pas forcément le flâneur, ça c’est quelque chose qui disparaît de plus en plus avec les nouvelles technologies, Internet etc. C’est plutôt un contact avec des nouveaux acheteurs ou de vieux acheteurs collectionneurs mais sur la longue durée.
C’est très particulier, le milieu des collectionneurs et c’est amusant de vous voir exposer comme ça dans la clarté ! Vos librairies font souvent penser à d’obscures échoppes où on vendrait des produits prohibés comme l’opium !
Non traditionnellement la librairie de livres anciens elle est remplie de livres avec de vieilles reliures, donc c’est vrai que c’est un peu obscur mais maintenant il y a des librairies spacieuses et bien éclairées.
Quel est votre ressenti quant à votre place au sein de la Biennale des Antiquaires, qui fait quand même la part belle à la joaillerie, au luxe… ?
Le livre ancien, je ne pourrais pas dire exactement, mais je pense qu’il fut accueilli à la Biennale à partir des années 80 mais il y a très très peu de libraires par rapport aux marchands de tableaux, meubles, sculptures…
Alors comment êtes-vous choisi parmi vos confrères ?
Il faut être présenté et accepté. Nous avons une commission de contrôle des objets qui garantit la conformité et l’authenticité des livres, des estampes, des manuscrits. Nous sommes peu nombreux et les librairies changent d’une année sur l’autre. La librairie Thomas Scheler a participé au moins 10 fois à cette Biennale.
Prévoyez-vous des animations, peut-être des ventes aux enchères pendant le Salon ?
Non, pas du tout. Chaque fois que nous exposons nous éditons un catalogue, nous envoyons une invitation à nos clients. Nos clients viennent nous voir. Et en plus de nos clients invités qui sont très nombreux, en plus du catalogue que nous avons envoyé, nous avons les gens qui s’intéressent aux tableaux, aux bijoux, qui profitent d’un premier contact avec le livre.
Est-ce l’occasion de nouveaux acheteurs, est-ce pour vous une question de rayonnement dans le fait s’être ici ou y a-t-il un réel enjeu commercial tout de même ?
La question de l’image bien sûr et elle se concrétise avec un ou deux clients, ce qui suffit. Avec lesquels on tisse un lien ensuite sur le long terme.
Pensez-vous faire des ventes pendant ce Salon ou de premières approches ?
Là nous avons vendu trois livres par exemple. Mais peut-être au terme des quinze jours, des clients vont nous appeler, pour nous dire qu’ils ont réfléchi… L’idée c’est de faire un beau stand, de montrer de beaux livres et après le client décide.
Que pensez-vous de l’avenir du livre ancien ?
Tout le bien possible. Il y a une scission qui se créé actuellement avec un Internet, avec tous les canaux de vente : il y a le livre très précieux et tout le livre ancien en général qui a été pris par le créneau d’Internet, AB Books…
Et quelle est la différence ? La préciosité du livre est déterminée par un autographe de l’auteur, la reliure ?
Ça peut être la reliure, ça peut être l’édition originale, ça peut-être la rareté, peu importe mais les prix montent parce qu’il y a moins de livres et il y a des clients. Et la baisse du pouvoir d’achat des classes moyennes fait que les gens qui achetaient des livres anciens, sur une tranche de prix un peu moyenne autrefois, ont moins la possibilité de le faire. Et tout ça a pris une autre circulation, c’est à-dire que nous nous vendions aussi des livres moins importants.
Donc vous devenez vraiment marchands de luxe, d’où votre place à la Biennale des Antiquaires ?
Le marché nous entraine un peu vers cela et c’est aussi notre vocation. Non pas parce que c’est le luxe mais parce que nous aimons le livre ancien dans sa pureté dans son état originel, dans le rapport entre le texte, la reliure et la rareté et cela nous contraint à faire des choix financiers.
J’ai une question, je ne sais pas si vous voudrez me répondre : comment vous procurez-vous ces livres ? Est-ce une véritable chasse au trésor ?
Ouh ! Alors là ! … vous avez les ventes publiques, vous avez les collectionneurs qui vendent, vous avez vos anciens clients qui vous revendent des livres que vous leur aviez vendus il y a 40 ans. Pas forcément un revers de fortune mais un changement de cap. Vous avez des gens qui sonnent à votre porte et vous dise : j’ai quelque chose à vendre. Des successions… Tout est possible.
On a toujours l’image du marchand de livres anciens qui va spolier la veuve âgée…
C’est bien fini. Ça n’existe plus. Internet a beaucoup aidé. Les gens vont frapper pensant qu’ils ont des trésors alors que ce n’est pas le cas mais c’est une autre question !
Quelles sont ou quelle est votre pièce phare exposée sur ce stand, ou les plus précieuses ? Y en a-t-il sur lesquels vous misez ?
Ca je ne peux pas vous dire parce que nous avons vendu un livre qu’on ne pensait pas vendre par exemple. On a mis 26 livres absolument extraordinaires donc il y a de tout. Un que j’aime particulièrement c’est une bible latine manuscrite du XIIIe s. enluminée, avec des petites images qui représentent des saints, des patriarches, des scènes de la Bible. Elles sont parfois répétées, elles sont parfois continuées dans la marge, par des figures un peu grotesques ou alors par des filigrammes très élégants. C’est sur parchemin, une écriture semi gothique très soignée, sur deux colonnes. Et cette Bible qui est du XIIIe s. a été reliée après, au XVe, en Espagne, dans une reliure Mozarabe, une reliure qu’on appelle Nu de jade ( ?). C’est-à-dire des reliures qui ont été faites à Cordoue ou ailleurs par des artisans arabes d’Espagne.
Et là, vous avez une des premières éditions imprimées de la lettre de Christophe Colomb annonçant la découverte de l’Amérique.
Quels sont les grands événements du livre anciens, les grands marchés, les incontournables et donc la place de la Biennale parmi eux, selon vous ?
La foire de NY est une jolie foire. Il y a la foire de Maastricht mais il n’y a pas énormément de libraires. Il y a une jolie foire internationale à Paris organisée par le Syndicat de la librairie ancienne et moderne française. Généralement en mars-avril, chaque année, au Grand Palais. Et il y a la Biennale mais il y a peu de libraires. Nous adorons la Biennale, nous méditons sérieusement sur Maastricht, même si c’est surtout l’art qui y est mis en valeur. Et la foire de New York est une jolie foire vraiment marchande, à l’américaine, avec de jolis échanges, de belles rencontres. Il y a aussi la foire de Londres qui est plutôt un marché.
Gaëlle Le Scouarnec
Ouverture au public du vendredi 14 au dimanche 23 septembre 2012
Tous les jours de 11h à 20h
Jusqu’à 23h les mardi 18, jeudi 20 et samedi 22 septembre
Fermeture à 16h le dimanche 23 septembre
Tarif : 30€
Grand Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
M° Champs Elysées-Clémenceau
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