Festival du film asiatique de Deauville – le 8 mars 2012
C’est déjà la quatrième fois, entre le festival du film asiatique et celui du film américain, que je me rends à Deauville pour voir des films. J’ai déjà mes habitudes, que ce soit pour les sandwichs ou la résidence, de très bons souvenirs (de films, de rencontres et d’errances à la recherche d’une soirée digne de ce nom) et toujours de grands espoirs. Le CID, point névralgique des festivals, n’a même plus de secret pour moi. C’est aussi pourquoi cette année, je me rends avec grand plaisir dans ce festival et à plus forte raison puisque deux de mes réalisateurs préférés y présentent leurs derniers films.
Jeudi matin, à l’aube. Je profite cette année des vacances scolaires pour amener dans mes bagage la petite famille (chat mis à part, en grande partie à cause de son mal des transports). Plus de 3h de voiture pour arriver quelques minutes avant la première séance de la journée, à 11h. La bouche encore pâteuse du voyage, les yeux à peine ouverts, la playlist matinale de Nostalgie dans la tête, je me rue en solo sur le bureau des accréditations. Sur mon badge, la photo est flatteuse mais celui-ci, de toute façon, sera à peine regardé. J’ai en effet l’air chez moi. Dans la salle pour Death is my profession, premier film iranien prometteur, les relents de naphtaline côtoient les effluves de déodorants Axe. En effet, le public deauvillais typique se compose principalement de vieilles bourgeoises en quête d’exotisme mais aussi d’ados en sortie pédagogique ravis de sauter quelques heures de cours. Un public souvent vierge (on entend parfois de sacrées réflexions consternantes) mais enthousiaste. C’est donc parti pour les premières heures de voyage.
Death is my profession
Quoi que vous ayez comme cliché en tête sur le cinéma iranien, Death is my profession les compile. Techniquement d’abord, le film souffre d’une pauvreté sonore crispante (les voix des acteurs sont souvent ajoutées en post synchronisation) et si les bourrasques de vent dans les micros pourraient passer pour un effet de style, le son parasite omniprésent étouffe de sa désagréable présence des images d’une laideur à pleurer. Et c’est bien ici le sentiment qui prédomine, la souffrance, les pleurs, la tragédie humaine poussé à son paroxysme qui se transforme peut à peut en farce grotesque. Tout est dans le titre d’ailleurs, du chômage nait la misère qui crée la souffrance et finalement la mort (dans d’atroces souffrance sinon ce n’est pas drôle). Le propos est donc aussi tristement véridique qu’il est convenu, la vision du film est alors autant un chemin de croix pour le spectateur que pour ses pauvres personnages…
Pause déjeuner. Le hasard de la programmation me donne aussi le temps de prendre un bain pour oublier les heures sur la route et les paysages glacés iraniens, luxe suprême. Mais il est vite temps de retrouver la belle salle du CID pour deux films, cette fois ci.
Baby Factory
Eduardo Roy Jr est scénariste du réalisateur Brillante Mendoza avant de présenter son propre long métrage à Deauville cette année. Le Philippin place une histoire, des histoires, de fiction dans un décor réel. Et quel décor ! La maternité de Manille est la plus grande maternité du monde en matière de naissance (plus de 100 par jour), une usine à bébés où le taux de mortalité de la mère et de l’enfant est encore bien élevé. Si les décors, les méthodes, les femmes en arrière-plan, leurs bébés, et les naissances sont véridiques, l’équipe imaginée par le réalisateur est aussi fausse qu’elle est décalée. La souffrance de ces femmes infirmières, la pression et le poids de la vie privée qui pèse sur leurs épaules aurait été bien plus touchante et juste si celui ci avait creusé dans le véritable quotidien de ces ouvrières zélées. Le tout est donc un mélange déstabilisant de jeu décalé et peu naturel et d’un décor on ne peut plus passionnant. On attend donc les scènes “vierges”, on guette le détail et on s’enferme pendant 1h30 dans ces murs moites, cet univers bruyant où la vie grouille, s’acharne, transpire.
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Warriors of the Rainbow : Seediq Bale
Premier film présenté dans la sélection « Action Asia », Warriors of the Rainbow est aussi présenté dans une version tronquée, dite internationale, de 2h35 à la place de 4h. J’ai envie de dire que c’est tant mieux même si le sujet justifie à lui seul le temps qu’on lui consacre. En effet, c’est un voyage dans le temps que nous propose le réalisateur taïwanais, à l’époque où Taïwan est colonisé par le Japon et où les peuplades indigènes sont humiliées avant d’être exterminées entre 1910 et 1930. Écrasé par des effets spéciaux vulgaires et des effets de style douteux, le film cache de véritables perles d’interprétation et de grandes scènes de combat guerrier ainsi qu’un témoignage historique rare. Malgré sa longueur, ses longueurs, et sa grossièreté, son sens de l’emphase et ses musiques assommantes, Warriors of rainbow est aussi épique qu’il est hypnotisant et l’on suit avec un intérêt grandissant une histoire que l’on sait tragique mais qui nous fait croire jusqu’au bout à une fin heureuse.
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Il est déjà presque 20h et la fatigue commence à se faire sentir. Mes yeux papillonnent, la douleur caractéristique de la boulimie cinéphile palpite à l’arrière de mon orbite gauche. Un quatrième film semble impossible à envisager et je rentre, petit bras, retrouver ma famille autour d’un bon dîner. La perspective d’une nouvelle journée de cinéma, d’une nouvelle journée de découvertes, de sentiments forts (de rejet, d’ennui, d’enthousiasme, de tristesse ou de joie) me fera passer une bonne nuit… malgré la pleine lune.
Lucile Bellan
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