Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde – Musée d’Orsay
Grâce à l’initiative du Victoria & Albert Museum de Londres, où l’exposition s’est tenue, du 2 avril au 17 juillet 2011, sous le titre « The Cult of Beauty : the Aesthetic Movement 1860-1900 », le musée d’Orsay rend hommage au « mouvement esthétique » anglais et à son célèbre chef de file, Oscar Wilde – représenté par deux photographies – dont les aphorismes parsèment les murs de l’exposition.
Plus de 250 œuvres d’art variées – peintures, sculptures, photographies, meubles, vitraux, tapisseries, objets d’art, vêtements, bijoux et livres illustrés – entraînent le visiteur dans un univers raffiné et sensuel où priment l’idéalisation et le culte de la beauté, en réaction à la laideur de l’industrialisation et à la rigidité victorienne.
L’Art pour l’Art
Fondé sur le principe de la beauté pour elle-même, apparu d’abord en France, le mouvement esthétique anglais se veut résolument novateur et audacieux : l’art doit se libérer du corset victorien qui l’étouffe. Les canons changent, notamment ceux de la beauté féminine, idéalisée et hiératique mais délicate et gracieuse, l’harmonie des couleurs est privilégiée au détriment du sujet, la sensibilité remplace les sentiments – moraux, religieux, sociaux – l’ « esthétisme » devient un véritable mode de vie et le beau une nécessité, les maisons se transforment en « palais d’art ».
L’exposition rend hommage aux artistes les plus remarquables de ce mouvement, entre autres les Préraphaélites Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones et William Morris, ainsi que James McNeill Whistler, Edward William Godwin et Frederic Leighton, tous unis dans une quête frénétique de la beauté et d’un nouvel idéal qui ne se limite pas à la peinture et à la sculpture : le domaine des arts décoratifs, qui trahit un véritable engouement pour la polychromie, se voit enrichi de nombreuses créations souvent inspirées du Moyen-Âge, mais aussi du Japon, qui s’ouvre progressivement à l’Occident, de la Chine et de l’Égypte antique.
Les artistes, grands collectionneurs comme en témoignent les porcelaines bleues et blanches chinoises, entreprennent d’abord de décorer et de meubler leurs propres demeures, avant de s’acquitter de cette tâche pour des commanditaires fortunés : en 1876, Whistler décore la salle à manger – connue sous le nom de Peacock Room – de l’armateur Frederick Leyland. Ce dernier ne lui paya que la moitié de la somme due, ce dont Whistler se vengea en le représentant sous les traits d’un vieil avare en costume de paon – tableau présent à l’exposition.
Le relatif déclin de l’« Aesthetic Movement ».
Bien que le mouvement esthétique finisse par s’essouffler, en particulier dans la poésie et les arts décoratifs, et soit de plus en plus caricaturé, il reste bien vivant jusqu’en 1895, année du procès d’Oscar Wilde, qui entraîne le mouvement dans sa chute. À partir des années 1880, l’art des beaux livres prend son essor, tandis que la photographie, à la recherche d’effets picturaux comme en témoignent les photographies de paysages de Frederick Evans, est enfin considérée comme un art à part entière. Ainsi, l’ultime partie de l’exposition parle de « crépuscule » plutôt que de « déclin », malgré la mort de Rossetti en 1882 : la dernière sculpture présentée, une représentation d’Eros par Alfred Gilbert (1893), semble symboliser, deux ans avant sa chute, l’apogée de l’« Aesthetic Movement » et sa quête d’idéal et de raffinement.
L’exposition du musée d’Orsay exprime parfaitement le culte de la beauté qui anime le mouvement esthétique des années 1860 à la mort de Victoria en 1901. Les chefs-d’œuvre y abondent, pour notre plus grand bonheur, et immergent le visiteur dans un monde où seule la beauté importe. Après tout, « la beauté est dans les yeux de celui qui regarde » (Oscar Wilde).
Maureen Charlet
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Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde
Commissariat: Yves Badetz, conservateur au musée d’Orsay, Véronique Kientzy, chargée de documentation au musée d’Orsay, Stephen Calloway, conservateur au Victoria & Albert Museum de Londres, et Dr Lynn Federle Orr, conservateur aux Fine Arts Museums de San Francisco.
Du 13 septembre 2011 au 15 janvier 2012
Les mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 9h30 à 18h
Le jeudi de 9h30 à 21h45
Plein tarif: 8 euros // Tarif réduit: 5,50 euros
Gratuit pour les moins de 26 ans.
Musée d’Orsay
1 rue de la Légion-d’Honneur
75007 Paris
M° Solférino
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