Vaudou – Fondation Cartier pour l’art contemporain
Mélange d’animisme, de divination et d’autres religions — au gré des pays qui le pratiquent —, le vaudou est né sur la côte Ouest de l’Afrique avant de se répandre aux XVIIème et XVIIIème siècles aux Caraïbes, en Amérique du Nord et du Sud, suivant l’itinéraire du commerce triangulaire des esclaves. Ce culte subsiste toujours aujourd’hui sur une ligne allant du Togo à l’ouest du Nigéria.
L’exposition aide-t-elle le néophyte à percer l’énigme vaudou ? Car énigme il y a incontestablement, ne serait-ce que sur la signification même du terme « vaudou ». La dernière en date, avancée par Suzanne Preston Blier, professeure à Harvard, suggère à partir de la combinaison des mots « vo » (« se reposer » selon la langue Fon du Bénin), et « dun » (« puiser de l’eau ») la réponse suivante : « attendre calmement et puiser l’eau ». Parabole qui inviterait les individus à « la nécessité de rester calme lorsque des difficultés se présentent sur le chemin ».
Pour approcher au plus près ce mystère vaudou, plutôt que d’offrir au visiteur un parcours didactique, la scénographie de l’exposition suit un parti pris, celui d’une présentation épurée et élégante, orchestrée par le spécialiste du design industriel italien, Enzo Mori. Trois niveaux à voir donc : au rez-de-chaussée, une reconstitution simplifiée et symbolique de l’emplacement des grandes sculptures vaudou à l’entrée des habitations, veillant contre les dangers et mauvais esprits.
Au sous-sol, un alignement de « bocios » (dont la traduction littérale en langage Fon signifie cio / « cadavre », et bo /« doté de pouvoirs »). Ces statuettes élaborées à partir d’un assemblage de bois, ficelle, ossements, cheveux, coquillages et terre cuite sont gardées précieusement à l’intérieur des maisons ou des villages et manipulées lors des rites vaudou. Ici, leur présentation dans des vitrines à hauteur d’homme, savamment mises en valeur par un éclairage en clair-obscur, leur confère presque des airs menaçants.
Dans une dernière salle émerge enfin, le clou de la visite : le « Chariot de la mort », implacable, glaçant, horrifique. L’ouvrage, composé d’un bocio bicéphale, tiré vers une destination inconnue par deux crânes de crocodiles, constitue une métaphore du passeur aidant les âmes des défunts à traverser le fleuve, antichambre de l’au-delà.
Remèdes, talismans, outils de sorcellerie ? De façon générique, ces bocios servent à intercéder entre le monde des vivants et celui des esprits. Et selon les circonstances, la vocation de ces statuettes sera d’attirer la prospérité, de favoriser la fertilité, ou plus prosaïquement de protéger leur propriétaire et /ou de nuire à toute personne animée de mauvaises intentions à l’égard de celui-ci.
Dans tous les cas, les significations et les fonctions des objets vaudou sont si variées que seuls de grands sorciers tenus au secret en comprennent tous les usages. A titre d’exemple, une statuette représentant un individu transpercé par un objet en bois à des endroits précis du corps, peut indiquer les points de souffrance de son propriétaire ou alors les zones où le maléfice invoqué par ce dernier devra agir sur une personne désignée.
Si on attend de cette exposition d’élucider l’énigme vaudou, on se retrouvera probablement frustré, voire avec le sentiment d’avoir été floué, car en matière d’explications, il n’en existe pas beaucoup. Tout au plus pourra-t-on se contenter des films d’archives, des documents personnels et photographies de Jaques Kerchache mis à disposition du visiteur.
L’objectif a été visiblement de laisser les objets parler d’eux-mêmes, à chacun de s’imprégner de l’atmosphère mystique qui s’en dégage, et de se confronter à ses propres peurs et interrogations métaphysiques.
Pari réussi, on ne peut sortir indemne de la sensation d’envoûtement et de puissance magique qui émanent de ces bocios. Cette exposition se savoure comme une expérience spirituelle : à défaut d’en percer les secrets, elle permet de toucher du doigt le mystère vaudou.
Roxane Ghislaine Pierre
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A lire sur Artistik Rezo :
– Mystère – mai et juin 2011 – Soirées Nomades de la Fondation Cartier
– Jeff Mills, Something In The Sky – jeudi 16 juin à 22h
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Vaudou
Du 5 avril au 25 septembre 2011
Tous les jours, sauf le lundi, de 11h à 20h.
Nocturne le mardi jusqu’à 22h.
Tarif : 9,50 € // Tarif réduit : 6,50 €
Accès libre pour les moins de 18 ans le mercredi de 14h à 18h.
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail – 75014 Paris
M° Raspail ou Denfert-Rochereau
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