Richard Long – Chapelle Saint-Charles, Avignon
Matériau naturel (ocre rouge), forme géométrique (le rectangle), installation à grande échelle, sont autant de facettes de la pratique de Richard Long qui sont présentes dans son travail à la Chapelle Saint-Charles. L’oeuvre ainsi créée a un caractère unique et original qui marquera l’histoire de l’art puisqu’elle présente un matériau employé pour la première fois par l’artiste.
Dès lors que l’artiste expose en intérieur, une sorte de rituel détermine son projet artistique. En effet, il éprouve systématiquement le besoin de découvrir la région dans laquelle il expose ainsi que ses potentialités en termes de supports de travail. Ce n’est qu’après immersion dans cette culture locale que l’artiste laisse exprimer tout son esprit créatif. Ainsi durant l’été 2010, Richard Long a arpenté le Département de Vaucluse et la région d’Apt en particulier, nourrissant son oeuvre à venir.
Exposer en intérieur est partie prenante de sa réflexion artistique ; c’est également l’occasion pour le public d’accéder à son travail souvent implanté dans des lieux improbables et difficile d’accès. « Présenter un travail au public au coeur d’une grande ville et faire un travail dans l’Himalaya donnent lieu à des situations très différentes. Néanmoins, il est important pour moi de travailler dans ces deux situations, d’avoir ces deux possibilités. » (Richard Long: la vision, le paysage, le temps, Art Press, n° 140, juin 1986)
Rendez-vous incontournable de l’été, les expositions de la Chapelle Saint-Charles accueillent depuis 2008 un public nombreux et fidèle. Elles sont également l’occasion pour le Conseil général d’une sensibilisation des scolaires à l’art contemporain (dossier d’aide à la visite, visites guidées).
Les 3 étapes de la création dans la Chapelle Saint-Charles
1ère étape : s’approprier le lieu
Richard Long a passé plusieurs mois à marcher dans le Département de Vaucluse au cours de l’été 2010. C’est également durant cette période qu’il a découvert le cadre symbolique et majestueux de la Chapelle Saint-Charles qui présentait l’exposition Georges Rousse. Aussi, ce n’est qu’après s’être imprégné des espaces et des étendues naturelles du paysage qu’il a pu imaginer une création éphémère.
En effet, Richard Long voit dans la Chapelle un espace idéal pour étendre une nouvelle fois les limites de la sculpture qui révèlerait autant le lieu que le matériau et la forme. L’architecture même du cadre d’exposition offre un jeu visuel d’échelle et de mesure avec la taille humaine ce qui vient renforcer le propos des créations monumentales de cet artiste.
Dans cette chapelle classée Monument historique, Richard Long a imaginé une création linéaire éphémère dans la lignée de ses stones et coar lines réalisées dans divers lieux d’exposition. Notons que cette fois-ci, le matériau employé est une première pour l’artiste.
2ème étape : valoriser la richesse d’un matériau régional
Lorsque Richard Long expose dans un espace fermé, il découvre systématiquement par la marche la région d’accueil de son travail, part à la recherche de matériaux, les repère dans les carrières et les intègre au lieu d’exposition. Pour lui, le déplacement et la disposition deviennent alors la figure symbolique de la sensation qu’il a éprouvé à l’extérieur.
Ce n’est qu’après avoir marché dans le Département et les carrières d’ocre qu’il a modifié le matériau de base de son installation éphémère, préférant employer des supports locaux pour donner une résonnance significative à son travail.
3ème étape : la réalisation de Champ d’Ocre
La rencontre de l’artiste avec la matière Richard Long a choisit délibérément la couleur de l’ocre qu’il allait exploiter pour sa réalisation dans la Chapelle. L’ocre rouge lui a semblé être une évidence : se mariant avec le marbre de la Chapelle, elle est surtout la couleur la plus emblématique de la région du Luberon. L’artiste met donc ici un point d’honneur à valoriser lieu historique, patrimoine matériel et art contemporain.
Conscient que les pigments de ce matériau pouvaient occasionner des dommages irréversibles sur le dallage de la Chapelle, l’artiste a pris soin de protéger le sol à l’aide de bâches. Ces dernières suivent avec exactitude les lignes du sol, formant une perspective. Véritable patron de son travail, l’impressionnant rectangle-bâche de 15 x 5 mètres a reçu près de 10 tonnes de sable ocreux de couleur rouge. Le traitement mais aussi la nature sableuse – donc friable – de l’ocre en fait une installation unique, spécialement conçue pour ce lieu.
Très différent d’un musée ou d’une galerie d’art, la Chapelle Saint-Charles se veut un véritable « challenge » pour l’artiste par son caractère sacré et brut. Jouant avec la matière sableuse comme il le ferait dans n’importe quel paysage de plein air, c’est ici au sein d’un “paysage architecturé” qu’il étend les limites de la sculpture.
Champ d’Ocre se veut un travail sur le temps (la lumière naturelle donne vie aux nuances d’ocre), l’espace (jeu d’échelle entre macro et micro) et la symbolique (union du terrestre et du divin). Révélatrice de l’oeuvre, la Chapelle Saint-Charles confère à ce champ de pierres rouges apaisement, plénitude et paix.
« Chaque travail est, pour l’artiste, comme un grain de sable dans l’espace du monde »
A lire sur Artistik Rezo :
– Hamish Fulton – Galerie Torri (du 10 septembre au 8 octobre 2011)
Chapelle Saint-Charles
4, rue Saint-Charles
84000 Avignon
[Visuel : © Jean-Luc Seille]
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