Festival de Cannes 2011 – 17, 18 et 19 mai
17 mai
La nature fait parfois mal les choses. Après un marathon non-stop d’œuvres cinématographiques et de soirées cannoises, il fallait bien que cela arrive. En ce mardi 17 mai, le réveil tarde à venir et ne montrera son nez qu’en fin de matinée. Pis, le cumul de fatigue et les courants d’air dans les salles de cinéma peuvent vous être fatal et vous clouer au lit le temps d’une demi-journée.
Le seul déplacement vers le Palais des Festivals se fera donc au Wifi Café. Ce lieu réservé à la presse internationale est non seulement un beau lieu de rencontre pour les journalistes mais surtout l’endroit où la plupart des articles que vous pouvez lire à travers le monde sur le Festival sont rédigés. Après avoir passé l’après-midi devant votre écran d’ordinateur (cela change de celui de la salle), la fin de journée approche forcément plus rapidement que les autres jours et vous acceptez d’aller passer la soirée avec des Anglais dans une villa non loin de la ville qui se terminera légèrement alcoolisée et dans un jacuzzi à 38°C. En somme, le parfait remède pour vous remettre de vos émotions cinéphiliques.
18 mai
Retour aux choses sérieuses. Après s’être plus ou moins accordé une « journée de repos », il faut repartir à l’attaque. Au programme : la projection du dernier Lars Von Trier, Melancholia. Très attendu, le public est déjà présent dès 7h45 devant le Théâtre Lumière pour accéder dans la salle. Trente minutes plus tard, le panneau affichant « complet » est mis en place. Il faut donc se ruer le plus rapidement possible pour une autre projection vers la Salle du Soixantième, dans une sorte de chapiteau où un cinéma a été spécialement construit le temps de la manifestation cannoise.
Pour information, le film a été découvert avant que la fameuse polémique Lars Von Trierienne vienne secouer le Sud-Est de la France. Que les organisateurs aient donc pris la décision de classer le réalisateur danois Persona non grata suite à ses propos nazis est respectable mais ne doit en rien influer sur la qualité du film.
En l’occurrence, ce dernier laisse à désirer. Hommage au romantisme allemand avec tout ce qu’il englobe de mélancolie et de spleen, Melancholia fascine tout comme l’avait fait Antichrist pour sa première séquence et son final wagnérien. Le reste est long, fastidieux et sans grand intérêt. Les deux parties qui composent l’œuvre nous font juste comprendre que Lars Von Trier est en ce moment d’une triste humeur et qu’il ressentait le besoin de l’exprimer à l’écran. L’usage musical du Tristan et Iseult de Wagner est à ce titre de très bonne circonstance au début du film mais perd de sa force après des répétitions sans fin. En sortant de la salle, le film ne fait ni chaud, ni froid, et pourtant… Tout l’aspect mystique de l’œuvre surgira sans prévenir alors que l’on rentre de soirée en vélo devant une lune blanche qui vous éclaire la voie… Vous vous couchez en découvrant que c’est aussi cela que l’on appelle la magie du cinéma. Autre détail, l’étrange similitude entre le nouveau chef d’œuvre de Terrence Malick, The Tree Of Life présenté aussi cette année.
Chaque jour, un dépliant vous permet de connaître les séances du jour dans toutes les catégories. N’ayant planifié à l’avance les séances, on se laisse davantage guidé par le temps et les opportunités. C’est ainsi que l’on tombe sur la reprise du dernier Aki Kaurismaki, Le Havre, présenté la veille en compétition officielle. Réalisateur finlandais connu pour son ironie et son esthétisme nordique, Kaurismaki propose pour son premier film en langue française une réflexion sur l’immigration clandestine à l’heure où la France connait bien ce sujet. Acclamé comme étant une bouffait d’air frais dans la compétition, Le Havre est à vrai dire un récit froid et triste à la fois ne dépassant pas un film d’Eugène Green dont les dialogues sont traités de la même façon, face caméra. Heureusement, André Wilms et Jean-Pierre Darroussin sont parfaitement employés ici et il faudrait saluer le directeur de casting pour avoir trouvé des physiques de circonstances.
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Twitter peut s’avérer très utile lors du séjour cannois. Grâce à cet outil nouvel génération, des places de dernières minutes sont proposées par des followers pour assister aux projections du jour au sein du Grand Théâtre Lumière. C’est ainsi que l’on découvrir le dernier Naomi Kawase, Hanezu no tsuki. Au préalable, dans la file, nous aurons rencontré une productrice canadienne et un autre New Yorkais présent tous deux au marché du film pour vendre leur futur projet. Mais retour au Japon.
Certaines (mauvaises) voix ont affirmé que le film avait été sélectionné alors qu’il n’était pas encore fini afin de rendre hommage au Japon suite au terrible tremblement de terre qui a frappé la péninsule nipone. Certaines langues feraient bien de rester là où elles sont. Hanezu est un film poétique comme seul(e)s les japonsais(es) savent les faire et qui vous transporte par de sublimes paysages de rizières filmés à toute heure de la journée. De cette histoire d’amour à trois, la réalisatrice Naomi Kawase rend un bel hommage solennel à la région d’Asuka à Nara et à sa terre devenue aride. Parfois lent, mais aucunement ennuyant.
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Après un passage à la Quinzaine des Réalisateurs pour le beau film franco-indien Chatrak de Vimukthi Jayasundara (Caméra d’or en 2005 pour La terre abandonnée), on découvert avec émotion dans la salle consacrée à cette sélection parallèle un siège vide où figure seulement une pancarte avec le nom du cinéaste iranien Jafar Panahi. Toujours aux mains du gouvernement de Mahoud Ahmadinejad, la Quinzaine des Réalisateurs lui a toutefois rendu un magnifique hommage en lui décernant cette année le Carrosse d’or. On ne peut que saluer cet évènement.
Après tous ces films, le rendez-vous est fixé à la Villa Wild Bunch où John Cameron Mitchell nous a gracieusement invité sur la terrasse VIP nous permettant ainsi de croiser entre autre Christopher Thompson et de nombreux distributeurs et attachés de presse.
19 mai
Cette journée sera marquée par deux perles cinématographiques et une reprise mythique pour une soirée d’anthologie. Le premier choque nous vient tout droit de France avec Après le Sud, premier film de l’assistant-réalisateur Jean-Jacques Jauffret présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.
Quatre destins, quatre humiliations. Lors d’une journée d’été où il fait chaud et humide, une mère, sa fille, son petit ami et leur voisin vivent dans le doute et le silence. Leur malheur et la force du destin vont pourtant les rapprocher. De ce pitch assez simple ressort une œuvre visuelle forte et faisant clairement échos aux œuvres d’Antonioni et de Haneke. Bien que l’on puisse y déceler quelques longueurs et scènes rébarbatives, cette fiction n’en est pas moins un claque cinématographique et voit la naissance d’un grand réalisateur et d’une vraie actrice en la personne de Sylvie Lachat.
Après cette découverte, l’étonnement continue sa trajectoire avec le film norvégien Oslo, 31. August de Joachim Trier, où par ailleurs notre voisin n’était autre le critique de L’Express Eric Libiot (qui demeure fasciné comme nous par le Terrence Malick). Comme pour Après le sud, cette histoire se déroule sur une journée et suit l’errance d’un ancien drogué sortant d’un centre de désintoxication et éprouvant des difficultés à se réinsérer dans la vie professionnelle et sociale. Puissante, propre et avec de belles idées de mise en scène, le climat à la fois nostalgique et sans issu que propose Trier entraine le spectateur dans le même voyage que son personnage Anders. En sortant de la salle, nous croisons une attachée de presse qui vient tout juste d’être mandatée par le nouveau distributeur. Une très bonne nouvelle qui fera plaisir au programmateurs des salles françaises.
Ce fut l’un des moments les plus attendus du Festival et certainement l’un des souvenirs les plus forts qui resteront de cette cuvée 2011. Malcolm McDowell, Christiane Kubrick et Jan Harlan étaient en effet rassemblés à l’occasion de la présentation en copie restaurée du Orange Mécanique de Stanley Kubrick. Ovationné par un public comblé, le moment de grâce de cette projection est arrivé lorsque Christiane Kubrick a prie le micro pour déclarer: « Je sais que Stanley nous regarde ce soir et qu’il serait à nouveau fier.». L’œuvre, elle, n’a rien perdu de sa puissance et apparait encore plus violente que jamais.
Pour célébrer les 40 ans de la sortie d’Orange Mécanique, la Warner a par la suite prévu une soirée privée dans la Villa du journal les Inrockuptibles où les jardins ont été recouverts des décors du film jusqu’aux habits du personnage d’Alex portés par les serveurs. Oui, Kubrick était bien là ce soir là et semble être encore présent en ce samedi 20 mai avec la présentation de Drive, dernier film de Nicolas Winding Refn. Mais ceci est une autre histoire à venir
Edouard Brane (texte et visuels)
A lire sur Artistik Rezo :
– le bilan du Festival de Cannes 2011
– le palmarès du Festival de Cannes 2011
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