Julien Previeux – Dimensions in Modern Management – Jousse Entreprise
Pour sa nouvelle exposition personnelle à la galerie Jousse Entreprise, Julien Prévieux prolonge cette réflexion avec Forget the Money, installation réalisée à partir de la bibliothèque située dans l’appartement new-yorkais de Bernard Madoff, célèbre homme d’affaire américain, responsable de l’escroquerie du siècle, estimée à 65 milliards de dollars us et révélée suite à la crise financière de 2008. il présente une centaine de livres, principalement des thrillers et des best-sellers, ayant appartenu à Madoff et rachetés après la saisie de ses biens par le fbi. Ces ouvrages aux titres prémonitoires (End in tears, No second chance, The world is made of glass, The investigation, White shark, K is for killer…) semblent fonctionner comme des reliques, empruntes d’un fétichisme ambigu, reposant bien évidemment moins sur leur qualité que sur le destin de leur propriétaire. un petit bout d’histoire érigé en monument absurde, qui aborde le scandale par ses à-côtés, ses détails mineurs dans lesquels on ne peut s’empêcher d’essayer de décrypter, malgré le peu d’intérêt visible de madoff pour la littérature, les signes annonciateurs du drame.
Julien Prévieux s’amuse de ce phénomène en relevant dans une large sélection de livres les phrases comportant le terme « money », véritable clé de l’intrigue, ce qui donne lieu à une pièce sonore et à des tirages reproduisant la liste de ces extractions textuelles. Cette énumération redondante crée un rythme que l’on retrouve également dans la vidéo What Shall We Do Next ? dans laquelle apparait un ensemble de gestes brevetés par des entreprises ces dernières années, une anticipation de nos pratiques futures qui, ainsi enchaînées et décontextualisées forment une chorégraphie étrange.
Le geste est aussi l’objet du workshop mené par l’artiste sous forme d’un atelier de dessin avec quatre policiers de la brigade anti-criminalité du 14ème arrondissement de Paris. Il s’agit de réaliser à la main des diagrammes censés permettre à la police de visualiser rapidement les zones d’intervention. Ces policiers s’emparent d’un de leurs outils de travail selon une modalité plus proche du hobby, redonnant par la minutie du travail et le temps nécessaire une qualité et une valeur à un objet de quantification. Les fins de productivité et la réponse à une politique de quotas que sous-tend un tel dispositif sont ainsi mises en échec. Ce glissement entre travail rémunéré et loisir créatif peut se révéler parfois plus ambigu et pervers, comme en témoigne la vidéo anomalies construites, constituée d’un lent travelling sur les écrans d’une salle d’ordinateur.
En voix-off, deux utilisateurs du logiciel gratuit de modélisation google sketchup, qui permet notamment de réaliser des monuments en 3d dans google earth, témoignent l’un d’une approche de passionné tirant satisfaction de la reconnaissance de son talent par le géant de l’informatique, l’autre, plus critique, décelant une forme de travail déguisé : « je crois que cette fois on s’est vraiment bien fait avoir. tout était tellement bien foutu, c’est ça, tellement bien foutu, qu’on ne savait même plus qu’on travaillait quand on travaillait. »
Avec cette exposition, Julien Prévieux rend compte, par des chemins détournés, des mécanismes et des dérives du capitalisme moderne.
Raphael Brunel
Julien Prévieux – Dimensions in Modern Management
Du 28 mai au 28 juillet 2011
Du mardi au samedi
Vernissage le samedi 28 mai à parir de 18h
Jousse Entreprise
6, rue Saint-Claude
75003 Paris
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