Anish Kapoor – Monumenta 2011
Que dire face à la forme immense, face à un mur monochrome, face à une cavité sombre ?
Le Léviathan de l’artiste est une œuvre colossale qui occupe presque l’ensemble des 13(500 m2 de la Nef du Grand Palais. Composé de trois sphères de lés de PVC, le monstre se déploie sur 72’000 m3, ce qui lui confère des dimensions quasi inhumaines.
Bien que l’œuvre soit imposante de par sa taille, elle n’apparaît cependant que peu visible. Plus précisément, il conviendrait de dire que l’immensité de la sculpture ne permet pas au spectateur de la voir dans sa globalité d’un seul regard. En effet, Léviathan questionne ainsi sur la place du spectateur dans l’œuvre, l’obligeant à se déplacer, s’éloigner, se rapprocher et puis pénétrer à l’intérieur de l’objet.
Selon les propos de l’artiste, il avait la volonté de placer « le regardeur dans l’incapacité de posséder directement sa propre vision ». Bien que la démesure de l’œuvre soit un obstacle à la vision du spectateur, Léviathan est une réponse parfaite à l’architecture du lieu mais également à ses prétentions mythologiques. Le commissaire de l’exposition Jean de Loisy dira que l’œuvre semble « naître de l’écrin qui la reçoit et non pas de la main de l’artiste ». A ces propos, il serait juste de dire que la « Monumenta » d’Anish Kapoor est la plus juste réponse qu’un artiste est proposée à ce jour pour l’occupation de ce lieu unique qu’est la Nef du Grand Palais.
Avec Léviathan, Anish Kapoor réinvente la notion même de sculpture. Bien que les préoccupations de l’artiste pour la démesure de l’objet-sculpture aient déjà pris formes sous d’autres créations, Léviathan, sort des codes de la sculpture tant par sa forme, ses dimensions et ses matériaux. Ici, l’artiste invente la forme. La forme de Léviathan n’a en soi rien de réel, de figuratif, elle est simplement une représentation imagée de la penser de son créateur.
Mais cette sculpture va plus loin. De par son extérieur et son intérieur visible et expérimentable par le visiteur, Anish Kapoor choisi là de « réaliser sous la Nef une double expérience, à la fois intérieure et extérieure ». « Je veux brouiller les pistes, de sorte que l’on ait finalement le sentiment d’être à l’extérieur, alors qu’on est enfermé à l’intérieur du bâtiment » dit-il. Cette mise en abîme de l’espace dans l’espace plonge le visiteur dans les entrailles de la sensation personnelle et archaïque.
À l’intérieur du Léviathan, un monochrome rouge, variable selon la lumière extérieur qui pénètre les parois translucides de la sculpture vient envahir l’espace. L’exploration de la couleur pure a toujours occupé une place primordiale dans les œuvres d’Anish Kapoor. Avec Léviathan, l’artiste inclut le spectateur dans l’œuvre elle-même comme étant un capteur de la couleur en mouvement.
L’expérience de l’œuvre reste, un moment personnel, que chaque visiteur peut appréhender avec ses propres souvenirs et son propre présent. Selon Jean de Loisy, « l’artiste essaie de nous plonger dans une situation psychique qui renvoie à des souvenirs oubliés. Introduisant l’archaïque, ce qui s’est passé avant l’arrivée de l’homme et avant sa naissance. »
Livia Colombani
A lire sur Artistik Rezo :
– la monographie d’Anish Kapoor aux éditions Phaïdon
– Christian Boltanski – Monumenta 2010
Monumenta 2011 – Anish Kapoor
Du 11 mai au 23 juin 2011
Lundi et mercredi, de 10h à 19h
Du jeudi au dimanche, de 10h à minuit
Fermeture le mardi
Le prix d’entrée à Monumenta est de 5 euros, avec un tarif réduit de 2,5 euros. La programmation culturelle (accessible avec le billet d’entrée) propose concerts, spectacles, lectures et rencontres en relation avec l’œuvre d’Anish Kapoor.
Nef du Grand Palais
Avenue Winston-Churchill
75008 Paris
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