“Encore une journée divine” : François Cluzet impressionnant dans le rôle d’un psy prisonnier de sa folie
© Jean-Louis Fernandez
Au Théâtre des Bouffes-Parisiens, le comédien François Cluzet incarne un psychothérapeute victime de son succès et de sa démesure. À force de prendre les choses au mot, le voilà interné pour de bon au milieu de ceux qui comme lui ont vrillé. Une impressionnante performance de l’acteur pour son retour sur les planches.
Changer le monde !
“Changer le monde !”, tel est le titre du dernier livre de Robert, un psychotérapeute dont la carrière et les succès ne sont plus à prouver, mais qui se retrouve devant nous dans une chambre d’hôpital, en costume de tweed et mocassins assortis. Qu’est-il arrivé à ce monsieur qui s’adresse à son infirmière et à son psychiatre en nous interpelant ? Qui est cette femme qu’il tutoie et qui lui manque alors qu’il nous raconte la mort de son frère sur un catamaran, alors que tous les deux partageaient cette virée sur l’Océan ? Il semble rugir et souffrir de cet enfermement soudain, s’énerve contre ses geôliers médicaux et difficilement supporter celui qui partage sa chambre. François Cluzet habite ce personnage à l’allure normale, qui tutoie soudain tout le personnel en leur demandant s’ils ont lu son livre, véritable best-seller au titre révolutionnaire selon l’auteur, et qui navigue entre raison calme et dévoiement absurde, un brin paranoïaque. Le roman de Denis Michelis, dont est adaptée la pièce, interroge avec humour et gravité cette marge entre rationalité et folie et fustige les gourous de tous acabits qui promettent un bonheur immédiat.
On se fout de l’inconscient

© Jean-Louis Fernandez
Petit à petit, la chambre d’hôpital passe de la réalité au rêve, puis au cauchemar, dans la belle scénographie d’Alain Lagarde et les lumières de Dominique Bruguière. On passe du bleu au vert de gris, et le personnage se débarrasse progressivement de ses vêtements de ville pour troquer le pantalon de sport et le tee-shirt trop large couleur kaki. Le comédien excelle dans cette logorrhée qui part dans tous les sens, perdant son sang froid et le contrôle de lui-même. Qui est ce frère mort brutalement ? Et qu’il y a t-il de si radical dans son livre ? Dans une société où tout doit aller très vite, où la thérapie se consomme comme la fast-fashion, avec l’exigence de résultats rapides, Robert s’est transformé en boomerang de la réalisation personnelle. Au diable l’inconscient, il faut prendre les choses au mot et oublier la loi ! Kidnapper son patron quand il vous harcèle, tromper son collègue quand il vous fait de l’ombre, attaquer de front celui qui vous fait du mal en incendiant sa maison. On ne révélera pas la fin du spectacle mais tout part en vrille dans la mise en scène fine d’Emmanuel Noblet et Robert ne risque pas d’obtenir la permission de prendre l’air dans le jardin. Un voyage étrange et puissant à la frontière de la conscience.
Hélène Kuttner
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