Festival Avignon Off 2024 : nos derniers coups de cœur / 5
© Blokaus808
Du théâtre d’idées, politique et engagé, qui plonge dans la Révolution Française et dans nos révoltes, mais aussi un spectacle poétique, intime, qui explore en français et en espagnol les mots de Lorca, voici les tout derniers coups de cœurs de cette cuvée 2024.
L’Abolition des Privilèges au Théâtre du Train Bleu
A l’heure où nos institutions sont bousculées par une dissolution express de l’Assemblée Nationale et où la question de la démocratie, de la représentation nationale, est plus que jamais dans les esprits, le jeune auteur et metteur en scène Hugues Duchêne propose un spectacle puissant qui reconstitue, à la vitesse d’un sprint athlétique d’1h15, la fameuse nuit du 4 août 1789. Partant de l’excellent roman historique de Bertrand Guillot qu’il a adapté, le spectacle fait jaillir, dans une énergie magistrale, une dizaine de députés fiévreux, colériques, lyriques, résignés, enthousiastes, solennels, qui vont finir par rédiger et mettre au vote un décret abolissant les privilèges de la Noblesse, du Clergé, ainsi que celui des Provinces. Un seul comédien incarne tous les personnages de manière éblouissante, Maxime Pambet, que l’on voit débouler, d’abord en vidéo marchant à toute allure dans une rue, puis dans la peau de Du Quesnoy, un député du Tiers-Etat. Les spectateurs assis dans le public forment trois blocs, Noblesse, Clergé et Tiers Etat, et c’est à nous, public constituant cette précoce Assemblée Nationale, que les députés s’adressent.

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Loin d’être une classique leçon d’histoire, la performance plonge dans les archives des députés, leurs journaux intimes, pour coller à l’accélération incroyable de cette histoire en marche. Des nobles progressistes, qui consentent à abandonner leur privilèges et à supprimer la terrible Dîme qui essore les paysans, des Bretons et des Bourguignons prêts à pactiser sur l’harmonisation du droit en France, alors que chaque province à l’époque possédait ses propres privilèges ! Des curés qui font sécession sans être protestants ! On n’avait jamais vu ça. Dans un style vif, un humour corrosif, le spectacle enchaîne ce marathon vers l’égalité des droits et plus de démocratie en collant à l’effervescence de cette contagion égalitaire, déjà en germe quinze ans auparavant suite aux famines à répétition, à la hausse des prix et aux complots des nobles. La seule pause de ce passionnant thriller, c’est un dialogue amical entre le comédien et son metteur en scène sur la question des privilèges aujourd’hui, individuels, culturels, économiques et politiques. Un vertige nous saisit soudain !
Du 3 au 21 juillet à 15h50, relâches les 8 et 15 juillet.
Cœur sans écho au Théâtre du Vieux Balancier
Le poète Gabriel Garcia Lorca est l’un des artistes espagnols les plus célébrés après Cervantès. Sa poésie, avec le succès du Romancero Gitano, un recueil de poèmes inspiré de vieilles légendes andalouses, fait de lui un prince au charme fou qui mêle de sa plume inventive la rudesse du terroir, le romantisme naïf de la végétation, la tragédie de la mort dans les corridas, la sincérité de ses images et la suprême beauté de son style. Artiste complet, acteur, musicien, dramaturge, amant revendiquant son homosexualité et martyr de la répression franquiste, le rossignol d’Andalousie, comme le surnommaient ses amis, est assassiné le 19 août 1936, près de Grenade, entre un maître d’école et deux anarchistes.

©Thomas Taï
Le comédien Jean Leloup a subtilement choisi et traduit quelques uns des plus puissants poèmes de Lorca, qui témoignent de ses grandes émotions et des étapes de son existence -il meurt à 38 ans- révélant son attachement quasi mystique pour les forces de vie. Pour interpréter ces poèmes à l’intimité poignante, le comédien est vêtu comme un matador qui évolue au fil d’une chorégraphie flamenco majestueuse, accompagnée à la guitare, comme s’il dansait les mots. Un gilet brodé, une cape rouge, une chaise en guise de prie Dieu, sont ses seuls accessoires, tandis que sur un rideau sont projetées des images fixes ou animées, création numérique d’Eva Escobar. Tantôt en espagnol, tantôt en français, la prose poétique de Lorca, si bien offerte par le comédien, nous transporte totalement dans un monde traversé par l’enfance, la souffrance, la joie, mais aussi la mort, la brûlure du soleil et le rouge sang du taureau meurtri. Ombres et lumières dansent ensemble, et se reposent en méditant. Une petite pépite.
Du 3 au 21 juillet à 11h30, relâches les mardis.
Hélène Kuttner
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