“Interruption” : la liberté des femmes portée par Pascale Arbillot
Sur la scène du Théâtre Antoine, la comédienne se fait l’interprète d’une avocate, Sandra Vizzavona, qui raconte dans “Interruptions” (éd. Stock) sa propre histoire et celles de jeunes femmes rencontrées, ayant subi un avortement. En 2023, cinquante ans après la loi sur la légalisation de l’IVG, des femmes racontent leur solitude et le difficile combat pour leur liberté. Porté de manière courageuse par Pascale Arbillot, voici un spectacle remarquable.
Un spectacle sur la parole des femmes
“Je suis la preuve qu’un avortement peut provoquer l’indifférence ou une déflagration.
Je suis la preuve qu’un même corps peut vivre deux fois ce même événement en mobilisant de façon totalement différente la tête qui le surplombe ou les émotions qui l’animent.
Je suis la preuve qu’il peut occuper vingt ans ou les seules semaines nécessaires à son accomplissement.”
Sandra Vizzavona est avocate, passionnée par la problématique de l’avortement par les femmes. Ce qui l’intéresse, c’est la parole des femmes qui ont choisi d’interrompre leur grossesse, soit par choix, soit parce qu’elles en ont subi la contrainte masculine. Partant de sa propre expérience, et de ses deux avortements, elle part à la rencontre d’autres femmes qui furent confrontées à cette même décision. Leur parole est lumineuse, compliquée, tendre et souvent drôle. La culpabilité, l’incompréhension, le silence font obstacle à cette parole rare et précieuse. Carla, Valentine et les autres racontent, à travers les luttes initiées par le MLAC (Mouvement de Libération de l’Avortement et de la Contraception) que l’on voit en images d’archives, avec la comédienne Delphine Seyrig, l’avocate Gisèle Halimi et Simone Veil, le difficile chemin des femmes pour disposer de leur corps.
Pascale Arbillot vibrante
En jean et en godillots noirs, la comédienne Pascale Arbillot se fait l’interprète de l’auteur, entourée de deux autres actrices, Kenza Lagnaoui et Sanda Codreanu. Sa sincérité est saisissante et on peine a croire que le récit n’est pas le sien. Des bouts d’interviews filmés avec des comédiennes, des extraits son, multiplient astucieusement les points de vue dans cette intelligente adaptation que Pascale Arbillot a conçue avec Hannah Levin Seiderman, qui en assure la mise en scène. La simplicité de ces témoignages, du jeu des actrices, la spontanéité de ces réactions, colère, souffrance ou joie, surprise ou solitude, tout au long de ces moments de vie, font de ce spectacle un vibrant moment d’émotions où le théâtre est plus que jamais au service de la vie. Au service de paroles trop souvent tues ou confisquées, qui s’épanouissent aujourd’hui sur une scène de théâtre.
Hélène Kuttner
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