“La Souterraine” de Sophie Marceau : déterrer le mystère de la condition féminine
Après 27 années de silence dans la sphère littéraire, Sophie Marceau revient avec “La Souterraine”, un livre déstructuré, porté par une conversation entre des histoires, des fables et des poèmes. Découverte.
Trente et un rôles et trois réalisations plus tard, l’actrice, réalisatrice et autrice française Sophie Marceau revient avec un deuxième livre. Véritable vedette du cinéma, depuis la sortie assourdissante de La Boum, elle a depuis toujours pratiqué ce que l’on appelle l’écriture secrète. Ses mots renaissent enfin, comme un écho dans treize nouvelles émouvantes et sept poèmes virevoltants.
L’actrice, l’autrice ou la femme ?
Les écrits très profonds de La Souterraine affirment fermement le statut redoutable de femme de lettres de leur auteure. Dans une ère ou une femme à plusieurs casquettes fait peur à la société et appelle aux critiques par son audace, Sophie Marceau fait valser les codes et libère son art. Elle maquille ses mots d’une tendre frivolité pour mieux exceller dans son objectif. Celui de libérer la parole des femmes.
Le Moi et le Nous
Voilà une mission ambitieuse pour une des personnalités féminines préférées des Français. L’écriture est de plus accompagnée par un indéniable caractère autobiographique. La petite fille mélancolique et seule du premier chapitre est sans aucun doute une jeune version de Sophie. Nous devinons également le personnage de Marie Laforêt qui apprend à la jeune actrice à se dévêtir dans les règles de l’art. Ainsi, elle glisse discrètement un brin de son histoire dans chacun de ses personnages fictifs.
C’est avant tout une profonde volonté de porter la voix des femmes qui anime cette œuvre. Sophie Marceau n’écrit pas son histoire, elle écrit une histoire commune. Elle raconte des péripéties de vie qui auraient pu être vécues par n’importe laquelle d’entre nous. Chaque femme y trouve une résonance.
Des brins de vie révélateurs
Les fragments de textes s’enchainent et se répondent entre eux. Nous partons à la rencontre de jeunes filles, d’adolescentes, d’amantes et de mères aux histoires d’une profondeur révoltante. Lorsque les masques de banalité et de vie quotidienne tombent, nous découvrons des écrits engagés et dénonciateurs d’une société en construction.
Sophie Marceau parle de cinéma, du corps des femmes, de complexes, de dépression, d’agressions, de sexe, de suractivité. Elle parle à cœur ouvert et à parole épineuse de la condition d’un sexe. Elle a d’ailleurs déclaré au micro de France Inter : “Je ressens l’histoire des générations passées dans mon corps”.
Son engagement est illimité et son objectif bien défini. Les jeunes filles seront désormais éduquées à s’aimer, s’écouter, s’émanciper et balancer les règles par-dessus la tête.
La Souterraine
Le choix du titre n’est lui-même pas anodin. Sophie Marceau part à la recherche d’une certaine face cachée de ses personnages. La Souterraine révèle la profondeur, le mystère, le tourment qui animent un être humain et s’attaque ainsi à ce que l’on ignore, ce qui ne se voit pas.
Une promenade poétique
L’écriture de l’autrice est tranchante et dotée d’une farouche liberté. Elle est à la fois pleine de caractère et profondément sensible, toujours accompagnée par un éclair d’humour. Ce mélange de paradoxes forme une plume unifiée à la poésie vibrante. Elle a elle-même affirmé avoir été inspirée par la poésie slave et notamment par la poétesse Anna Akhmatova pour l’écriture de ses textes. C’est en effet, une poésie sur la dureté de la vie, qu’elle qualifie “d’envolée onirique”.
Les pratiques artistiques se croisent, s’unissent, puis s’envolent main dans la main. Sophie Marceau incarne à travers La Souterraine la voix et les sentiments intérieurs des femmes, mais aussi l’affranchissement. En 2023, une actrice est bel et bien devenue écrivaine.
Medina Nocic
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