La production et la musique classique : oui, cela peut plaire aux jeunes
On entend souvent que la musique classique est inaccessible pour les jeunes. Mathieu en est l’exemple contraire. A seulement vingt-trois ans, il est responsable d’administration et de production pour un orchestre symphonique parisien.
Bonjour Mathieu. Pouvez-vous présenter votre métier et votre parcours scolaire ?
Actuellement, je suis responsable d’administration et de production pour un orchestre symphonique. C’est mon premier emploi. Mon métier consiste à gérer des budgets, des factures, et faire le lien avec les musiciens quand on est en production. Pour arriver là, j’ai fait un parcours scolaire assez classique : classe préparatoire, puis école de commerce où je me suis beaucoup investi dans le bureau des arts. J’ai été président d’un festival de théâtre dans le cadre de mon école. C’est là où j’ai appris à organiser des évènements culturels.
Pourquoi travaillez-vous dans le secteur de la musique classique ? Etes-vous passionné par le domaine ou cela s’est-il fait par hasard ?
Pour ma dernière année, quand je me suis spécialisé en Cultural and Creative Industries, je me suis inscrit au conservatoire régional de Rouen pour reprendre des cours de flûte, instrument que j’avais pratiqué avant mes études pendant plus de dix ans. J’ai pu faire de la musique classique de manière très avancée. Quand il a fallu que je trouve mon stage en dernière année, je me suis naturellement dirigé vers le secteur de la musique classique. J’ai obtenu au dernier moment un stage comme assistant de production pour un orchestre. Quand mon chef est parti, j’ai dû reprendre l’administration et la production en urgence. Comme je travaillais bien, la direction m’a proposé un CDI. Je dirais donc que si je travaille dans ce secteur, c’est un peu par hasard, mais que j’ai toujours eu une appétence pour la musique classique.
Nous allons nous intéresser plus en détail à votre vision de la production en tant que jeune. Selon vous, qu’est-ce qui est le plus important dans votre métier pour qu’un orchestre fonctionne bien ?
Chaque orchestre fonctionne différemment. Cependant, avoir une bonne organisation interne est primordial. Par exemple quand je suis arrivé, j’ai dû restructurer une bonne partie des documents financiers, pour que tout soit plus clair. C’est très important car mes managers, qui sont plus dans l’aspect artistique, négocient grâce aux informations que je leur donne. De plus, c’est nécessaire d’avoir un bon relationnel. Si on n’a pas de réseau, c’est difficile de faire connaître notre orchestre et de se produire en France ou à l’international.
Qu’est-ce qu’il vous semble le plus important pour travailler dans la production d’un orchestre symphonique ?
Connaître la musique classique est fondamental. Pour travailler dans ce secteur, il faut être passionné et avoir des bases solides. Dans mon orchestre, on prend exclusivement des personnes qui ont fait de la musique classique voire qui ont déjà travaillé dans ce type de production. Il faut avoir principalement une expérience d’instrumentiste pour bien comprendre le milieu. A la limite, ce n’est pas grave d’avoir jamais fait de production d’orchestre. Le plus important, c’est de savoir à quoi ressemble un orchestre et comprendre son fonctionnement. Les personnes qui ont déjà joué de la musique ont développé ce type de connaissances.
Pensez-vous que votre métier va évoluer dans dix ans ou sera-t-il sensiblement le même ?
Oui, il va forcément évoluer, mais pas énormément, car c’est avant tout un métier d’humain. Nos coûts, c’est 70% des salaires : techniciens, musiciens… il faut garder les contacts physiques pour avoir une salle, des régisseurs, des bons musiciens…Ce qui va changer, ce sont nos manières de les contacter, avec des outils peut-être plus centralisés avec toutes leurs informations pour mieux organiser les productions. Les humains, eux ne vont pas changer.
Parlons à présent du rapport des jeunes avec la musique classique. Comment expliquez-vous qu’elle n’attire pas ou peu les jeunes ?
On ne va pas se mentir, c’est vrai que la musique classique semble ringarde pour la plupart des jeunes. Elle attire principalement les personnes plutôt âgées. Les jeunes n’ont pas l’idée d’écouter de la musique classique, à part les passionnés, et encore, même ceux-là ne vont pas forcément en écouter très souvent. En plus, la lecture de ce style de musique est plus complexe, ce qui peut décourager les jeunes de l’étudier. Cela apparaît moins facilement comme un plaisir que d’autres styles de musique. C’est un énorme travail de comprendre cette musique : il faut des bases de solfège, prendre le temps d’analyser les œuvres…cela demande beaucoup de temps et de concentration. Cependant, une fois qu’on y est initié, c’est incroyable.
Que pourrait-on faire pour donner envie aux jeunes d’écouter de la musique classique ?
J’allais dire plus médiatiser, mais en soit la publicité ne fonctionne pas forcément. L’accessibilité elle est là : avec les subventions, il existe des places pas chères pour les jeunes et les salles de spectacle, les opéras les mettent en avant. Le problème, c’est que les jeunes n’ont pas envie de se renseigner, car la musique classique n’est pas ce qu’il y a de plus attrayant. Peut-être devrions-nous réfléchir à un moyen de la rendre plus attrayante et arrêter de chercher à la rendre plus accessible sur le plan économique.
Propos recueillis par Lucie Monet
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