“Black Legends” : Comment la musique afro-américaine a-t-elle influencée l’histoire ?
C’est le dernier mois pour aller découvrir l’incroyable comédie musicale “Black Legends” à Bobino (dernière date le 26 mars 2023). Suite à cela, il y aura deux dates événements : les 8 et 9 avril prochains au Zénith de Paris, dont la jauge est 6 fois plus grande. Faites-nous confiance : réservez-vite vos places !
Une fresque sociétale en musique
Alors, que se cache-t-il derrière Black Legends ? La comédie musicale retrace l’histoire afro-américaine, qui est complexe et tumultueuse. Marquée par les inégalités sociales, la discrimination et la ségrégation, la musique est devenue pour ce peuple opprimé, un véritable moyen d’expression et d’émancipation. Au fur et à mesure des années, la situation évolue, et les styles musicaux également. Ceux-ci se veulent révélateurs d’une époque, outils de revendications et porteurs d’espoirs et de libertés.
C’est d’abord dans les champs de cotons que les esclaves noirs au cours du XIXe siècle ont donné naissance au blues, afin d’exprimer leur souffrance face au dur labeur demandé. Ce style a pris de l’ampleur et s’est exporté, pour donner naissance au gospel d’une part, avec sa visée religieuse, et au jazz d’autre part, grâce à la rencontre d’instruments plus citadins, notamment la trompette et le trombone. Ces styles ont perduré pendant environ 20 ans, puis l’une des premières chansons engagées fut interprétée : Strange Fruit de Billie Holliday. Elle dénonce le racisme de groupes extrémistes comme le Ku Klux Klan, qui a pendu des afro-américains à des arbres avant de les bruler. Pendant ce temps, le swing fait danser la population américaine blanche. Dans les années 1940, le R&B (Rythm and Blues) voit le jour et devient un genre incontournable. La ségrégation raciale prend alors fin dans les écoles. Dans la musique, les barrières s’abattent de plus en plus : les populations blanches comme noires, s’emparent du R&B.
Mais dans la rue, les injustices persistent : Le 1e décembre 1955, à l’âge de 42 ans, Rosa Parks refuse de céder sa place dans le bus, ce qui lui vaudra une amende de 15 dollars, décision dont elle fera appel. Des « Freedoms songs » éclosent, sous l’impulsion du discours de Martin Luther King « I have a dream ». C’est ainsi qu’émerge la Soul, dont le précurseur est Ray Charles. Puis le funk, qui laisse une grande place aux instruments, et dont James Brown s’empare pour son titre emblématique et hautement symbolique Say it loud, I’m black and I’m Proud (1968). La population afro-américaine s’affirme de plus en plus et ne craint plus de paraitre extravagante. Nous entrons dans l’ère du disco. Les communautés osent alors se mélanger véritablement, gommant les distinctions. En parallèle, le hip-hop émerge dans les ghettos de New York, et se popularise très rapidement. Laissant place à la culture rap que nous connaissons actuellement.
Black Legends, illustration musicale de ce combat
Nous traversons le temps dans cette comédie musicale, en 33 tableaux et 1h45 de spectacle. Ils nous font voyager au cœur de cette lutte afro-américaine pour la liberté. Nous devenons spectateurs de l’Histoire. Du Cotton Up, club de musique de Harlem où les artistes noirs se produisent dans les années 1920, et d’où le public noir est exclu. A l’élection de Barack Obama, en 2008, étape importante dans la reconnaissance sociétale de la population afro-américaine. Nous passons par le blues, le gospel, le jazz, la soul, le funk, le disco, le R&B et le hip-hop. Lors de ce voyage, nous croisons les plus grandes figures afro-américaines musicales et politiques : Cab Holloway, Angela Davis, Rosa Parks, Martin Luther King, Ray Charles, Malcolm X, Whitney Houston, Michael Jackson, Mohamed Ali, Beyoncé etc. pour ne citer qu’eux. Les hymnes à l’acceptation les plus célèbres se font retentir : Strange Fruit de Billie Holliday, A change is gonna come de Sam Cooke, I wish I know how it feel to be free de Nina Simone, Say it loud, I’m black and I’m proud de James Brown, What’s going on de Marvin Gaye, ou encore, No more drama de Mary J. Blige.
20 chanteurs, danseurs et musiciens donnent vie à une scénographie explosive, où chorégraphies, voix et instruments communient. Le niveau est excellent. Barry J. Johnson impressionne particulièrement le public par son incroyable maitrise vocale. Les danseurs illustrent parfaitement par leurs chorégraphies, leurs tenues et leur énergie débordante, le passage du temps, et les changements sociétaux qui en résultent. Les musiciens ne sont pas en reste. La musique live nous immerge en Amérique du Nord, au rythme de la guitare, de la basse, de la batterie et des cuivres.
Félicitations à tous ces artistes, et particulièrement à Valéry Rodriguez, auteur et metteur en scène de Black Legends. Ce spectacle est légendaire.
Elise Traboulsy
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