“Bérénice” mise en scène par Muriel Mayette-Holtz : la verve racinienne à l’épreuve des comédiens
Dernières représentations pour la mise en scène de Bérénice par Muriel Mayette-Holtz, dont le personnage éponyme est incarné par Carole Bouquet. Un texte majestueux à l’épreuve d’un jeu d’acteur quelque peu dissonant.
Ce dimanche 19 février avait lieu l’ultime date de la pièce de Racine, dont le nombre de représentations a été multiplié en raison de son succès. Il est vrai que la scénographie est subtile et symbolique, que la musique porte la protase et tension grandissante de la pièce et que le texte, par sa pureté, empêche une quelconque insensibilité. Néanmoins, on reste circonspects quant au choix des comédiens qui alourdissent la délicatesse textuelle et se risquent à l’excès inauthentique de l’emphase. Titus (Frédéric de Goldfiem) se transforme parfois en une espèce de personnage des Feux de l’amour voire à un mafieux sorti du Parrain, tant le timbre de voix est forcé et la gestuelle caricaturale. Antiochus lui (Jacky Ido), choie par excès de douleur et d’indignation telle une précieuse ridicule ou un personnage de la commedia dell’arte… Et étonnamment, la subtilité du jeu est plutôt du côté de Carole Bouquet qui parvient à nous séduire, mais seulement à partir du deuxième acte. On s’attache alors au texte lui-même, on essaye d’oublier le jeu des acteurs et de rêver les personnages, bien autrement que ceux qui nous apparaissent sur scène. Il n’en reste pas moins qu’on pleure à bien des répliques, celle d’Antiochus qui révèle son amour à l’impassible Bérénice dont le cœur est tout entier consacré à Titus qui pourtant choisit d’en détourner le regard.
Je fuis des yeux distraits / Qui, me voyant toujours, ne me voyaient jamais.
On tremble avec la Reine de Palestine quand elle confronte Titus à la contradiction entre ses promesses et sa soudaine décision de préférer l’Empire à l’expression enfin libre de leur amour.
Vous m’aimez, vous me le soutenez ;
Et cependant je pars, et vous me l’ordonnez ?
Il en sort finalement une interprétation très moderne qui semble vouloir souligner le courage entièrement porté par le personnage féminin qui choisit de vivre et de prendre acte d’une décision toujours hésitante d’un homme qui n’arrive pourtant à l’assumer.
BÉRÉNICE
C’en est fait. Vous voulez que je parte demain, Et moi, j’ai résolu de partir tout à l’heure : Et je pars.
TITUS
Demeurez.
Il semble en effet que la mise en scène, ou le jeu des comédiens lui-même, mette l’accent sur la force de Bérénice face à la fragilité des personnages masculins dont la vie dépend de sa volonté de préserver la sienne. La grandeur de Titus de préférer le devoir à l’amour ne retentit que très peu dans ces représentations. Est-ce notre regard contemporain qui ne le perçoit pas ou est-ce précisément l’intention de la metteur en scène ?
À l’inverse, l’intemporalité du tragique renoncement à l’amour éclate à travers la versification racinienne qui plait et touche le spectateur du XXIe siècle probablement aussi profondément que celui du XVIIe siècle.
Valentine Mercier
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