“George Balanchine” : entre Tchaïkovski et Gershwin, une fête de la danse
Entre la Russie et l’Amérique, entre Tchaïkovski et Gershwin, il y a Georges Balanchine, le chorégraphe russe qui a adopté New York et qui a sublimé les chorégraphies classiques de Marius Petipa en inventant un nouveau langage, plus pur, plus moderne. Ludmila Pagliero, Paul Marque, Hannah O’Neill, Léonor Baulac, Valentine Colasante et Germain Louvet sont quelques-unes des Etoiles qui illuminent deux courtes œuvres, “Ballet impérial” et “Who Cares ?”, avec l’ensemble des danseurs de l’Opéra de Paris pour une effervescente et virtuose fête de la danse.
“Ballet impérial” : le comble du romantisme
Dans un immense jardin impérial, des couples de danseurs se forment progressivement selon une architecture mouvante et sublimement gracieuse. Le piano du Concerto de Tchaïkovski s’emballe doucement, entame une vague de tempi houleux et frénétiques, les danseurs s’unissent comme des lianes, dans un mouvement de fougue mais de respect mutuel, roulant et s’enroulant dans un même élan. C’est le 19° siècle qui semble s’unir au 20° siècle, conservant de la Cour impériale de Saint-Petersbourg les codes ancestraux, la géométrie parfaite des figures, la virtuosité des postures, des arabesques et des pirouettes sur pointes. Et mordant déjà dans la modernité des corps ardents, la maîtrise parfaite d’une danseuse reine qui aspire à être admirée pour son brio et sa danse céleste. Balanchine n’épargne rien aux danseurs, filles ou garçons. Sa danse est d’une exigence rare, bras et jambes se déploient dans des arrondis infinis, les fouettés en cascades répliquent parfaitement aux doubles croches du piano qui cavale comme un pur-sang dans la steppe. Devant l’écran bleu du ciel russe, surgis de nulle part, Ludmilla Pagliero et Paul Marque ont déployé un talent fou dans des duos mémorables. La danseuse, cisaillant l’air de ses jambes électriques, ou ployant ses bras comme un oiseau blessé, enchaînait des séries de pirouettes d’une folle élégance lors de la première. Paul Marque, cavalier céleste, multipliait des sauts de plus en plus magistraux avec un calme olympien, flottant tel un sphinx. Mais les trios féminins, avec Silvia Saint-Martin, n’ont pas non plus manqué de panache : ce fut impérial.
“Who cares ?” : Gershwin à la fête
Devant les gratte-ciels de Manhattan, des amoureux vêtus de violet célèbrent les meilleures chansons de George Gerswhin. Le jazz des rythmes syncopés impriment aux corps des danseurs juste assez de déséquilibre et de folie pour détourner les postures classiques sans en perdre l’armature entre ciel et terre. L’orchestre, dirigé par le fougueux Mikhail Agrest, s’emballe, fait flamber ses vents et ses percussions. Nous sommes dans la comédie musicale de la 42nd Street, sans claquettes mais avec pointes et demi-pointes, sauts et pirouettes, fouettés et chassés, ronds de jambes et grands pliés, et tout cela va vite, très vite. Somedy Loves Me, The Man I Love, Embraceable you, Who care ? font partie des quinze superbes titres présentés et sur lesquels Léonor Baulac et Germain Louvet effectuent des prodiges, alliant charme, beauté et virtuosité technique. Hannah O’Neill, en mini robe rouge, possède les immenses jambes et le sourire ravageur de Cyd Charisse et Valentine Colasante, torride, fait vibrer les violons de My One and Only. Tous sont formidables, duos ou mouvements d’ensemble, célébrant par une technique parfaite l’énergie de cette musique envoûtante. Un pur bonheur.
Hélène Kuttner
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