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Rencontre avec Dahlia Bellaïche, programmatrice du Jazz Club Étoile

Juliette Labati 12 septembre 2022
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Rencontre avec Dahlia Bellaïche, la programmatrice du Jazz Club Étoile, lieu en plein Paris accueillant les plus grands du jazz, du blues, de la soul, du funk ou de la world music pour des lives riches en émotions.

Quel est ton parcours professionnel ? 

Je m’appelle Dahlia Bellaïche, je suis programmatrice du Jazz Club Étoile depuis fin 2018. J’ai un parcours d’artiste puisque qu’à la base je suis chanteuse. Ce fut mon métier durant plus de 20 ans. J’ai fait le CIM, l’école de jazz dans les années 90, et après j’ai chanté en tant que lead et en tant que choriste dans plusieurs formations. Déjà dans des styles de musiques bien différentes. La base était très jazz, soul et rhythm and blues (qui sont l’essence de la musique que j’aime et que j’écoute) pour les groupes où je chantais en lead, et plutôt chanson française, africaine ou jazz fusion pour mon métier de choriste. Ainsi, j’ai fait les chœurs de Nicoletta (durant presque 20 ans), dont Ray Charles, son ami, disait qu’elle était une soul sister française qui, selon lui avait une voix de chanteuse noire américaine. J’ai aussi travaillé avec Patrick Gauthier (un ancien pianiste de Magma), c’est comme ça que j’ai rencontré la famille Paganotti avec qui nous sommes très proche, ou encore dans des groupes de musique africaine et même rap avec un passage éclair dans des concerts de Joe Starr en 2013. Bref, durant toutes ces années, ce fut riche de rencontres et d’expériences musicales bien diverses !

Peux-tu nous présenter le Jazz Club Étoile en quelques mots ? Et qu’est-ce qui en fait sa particularité ?

C’est un lieu mythique et hors norme qui existe depuis presque 50 ans ! On fêtera ses 50 ans en 2025 !

Ce club fut créé par Moustache en 1975. De grands noms du jazz, de la soul et du blues venaient jouer dans ce club.

Jean-Pierre Vignola (programmateur de Jazz à Vienne) et Didier Tricard ont pris la relève en 2000 et ont fait aussi venir des légendes comme BB King, Screamin’ Jay Hawkins, Buddy Guy, Ike Turner, Alan Toussaint, Betty Lavette, Dizzy Gillepsie, Cab Calloway, Lionel Hampton, Diana Krall, Dee Dee Bridgewater… pour n’en citer que quelques uns.

C’est un des rares endroits à Paris où il est possible d’écouter de la très bonne musique, tout en prenant un verre ou avec la possibilité de dîner sur place. On est comme dans un cocon, un écrin, les artistes y sont bien pour jouer et le public pour écouter. Il y a un respect mutuel car bien que ce soit un club où l’on peut boire ou dîner les gens sont vraiment là pour écouter la musique. Virginie Angevin la responsable du Jazz Club met un point d’honneur à bien préparer sa salle afin que les gens soient bien placés en fonction de leur nombre et elle fait en sorte que toutes les tables soient tournées vers la scène. Il y a un grand respect des artistes. Le public tombe immédiatement sous le charme de ce club. La scène, dotée d’un piano à queue, est spacieuse et peut accueillir jusqu’à 15 musiciens. L’acoustique y est très bonne et le son soigné par nos ingénieurs du son de compèt, vous l’aurez compris, j’aime ce club !

Comment abordes-tu cette période d’après confinement ? 

Avec force et conviction car on s’est aperçu lors du confinement que ce qui a le plus manqué aux gens après les choses essentielles de la vie, ce sont bien la musique et l’art sous toutes ses formes. Des milliers d’artistes se sont prêtés au jeu sur le web et ailleurs pour nous offrir des concerts, lectures ou réflexions, cela remontait le moral de tout le monde. Le fait est que les gens sont au rdv au Jazz Club, et sont contents de revenir écouter de la musique.

Observes-tu une différence au niveau du public ? 

Oui énorme. Les gens sont plus enthousiastes, heureux, ils ont envie de participer.

Je constate après tout ce que l’on vient de vivre qu’à la fin des concerts les gens ne disent plus “bravo” mais “merci !” aussi bien aux artistes, qu’à moi-même pour la programmation.

C’est dire comme tout cela nous a manqué !

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans le métier de programmatrice ? 

C’est un métier merveilleux, de découverte et de satisfaction. Lorsqu’un concert que l’on a programmé plait aussi bien au public, qu’aux artistes eux-mêmes, cela me procure presque le même effet que lorsque je chantais sur scène. Comme un acteur qui passe derrière la caméra pour réaliser un film. Je connais bien les artistes, ce qu’ils peuvent ressentir, la difficulté de ce métier et la joie d’être sur scène.

C’est une compréhension et une sensibilité essentielle pour faire de la programmation musicale.

Cela permet également d’écouter énormément de beaux projets, de découvrir des nouvelles pépites en devenir, mais aussi de réécouter des artistes qui sont là depuis longtemps. Je suis proche d’eux et on passe de très belles soirées énergisantes au Jazz Club Étoile !

Le blues et le jazz sont les genres qui ont forgé la réputation du Jazz Club Étoile, as-tu l’attention de l’ouvrir à d’autres genres musicaux ? 

Oui, c’est exactement ce que je fais ! Je respecte la tradition du Jazz Club et de son histoire mais je l’ouvre énormément aux nouvelles générations et à d’autres styles musicaux.

Vous pouvez maintenant écouter au Jazz Club : Du funk, de la néo-soul, du hip-hop mélangé aux jazz, de la musique de film, du rock, du blues contemporain, du jazz créole et j’organise également, une fois par mois, une soirée de jazz manouche. Ce sont des soirées parrainées par Thomas Dutronc qui m’a fait l’honneur d’accepter d’en être le parrain. Il me présente et me fait découvrir aussi des artistes merveilleux.

Beaucoup d’artistes viennent également présenter leurs projets, leurs sorties d’album, leurs compositions originales. C’est donc un endroit ouvert et le public se prend au jeu de venir découvrir des artistes ou de la musique qu’ils n’ont pas l’habitude d’écouter, et ça c’est une vrai récompense pour mon travail.

Je suis même en train de penser à faire venir des groupes d’électro… mais chut… on y va doucement quand même !

Comment sélectionnes-tu les artistes que tu programmes ? 

Au début, je programmais beaucoup d’artistes que je connaissais et avec qui j’avais travaillé, mais maintenant je travaille avec des labels, des tourneurs et des maisons de disques qui m’envoient une sélection de leurs artistes et je choisis selon mes coups de cœur. Les artistes me contactent parfois directement et je travaille aussi avec deux super attachés de presse, Sophie Louvet et Bruno Labati, qui me font aussi découvrir des artistes. C’est le choix qui devient difficile car il y a beaucoup d’artistes talentueux à découvrir !

Quels sont les moyens de communication que tu utilises le plus pour faire connaître ta programmation ? 

Comme je le disais, il y a les attachés de presse Sophie Louvet et Bruno Labati qui sont attachés au Jazz Club Étoile et qui font un beau travail de promotion du lieu et des artistes. Nous avons donc des articles de presse, radio, TV, newsletters.

Le site du Jazz Club où l’on annonce la programmation. Et bien entendu les réseaux sociaux ! Facebook, Instagram… que ferait-on sans eux.

Je fais des posts d’annonce de concerts ou des Facebook lives des concerts. sous mon nom (https://www.facebook.com/profile.php?id=705433609 et @dahlia_mathilde car je crée une complicité avec mes connaissances et les abonnés… il y a aussi bien sûr ceux du Jazz Club https://www.facebook.com/jazzclubetoile et @jazzclubetoile

Les sites comme le vôtre, spécialisés dans l’art, sont aussi essentiels pour découvrir ce lieu ou des artistes pas encore connus du grand public.

As-tu déjà quelques noms à nous communiquer sur la programmation de la rentrée ? 

Oui, ça va être un savant mélange de jazz, blues, et funk, voici quelques noms :

Le 15 septembre, nous aurons Jil Caplan dans un registre jazz manouche (soirée parrainée par Thomas Dutronc).

Un autre temps fort sera la venue de Superdownhome, un duo italien qui évolue entre les Black Keys et ZZ Top.

En octobre, à noter la venue de Natalia M. King (blues acoustique) et de Big Dez (blues) pour ses 25 ans de carrière sans oublier Jean-Philippe Fanfant, un batteur que l’on ne présente plus.

En novembre, Greg Zlap, qui fut l’harmoniciste de Johnny, viendra mettre le feu… !

En fin d’année, notre parrain de jazz manouche himself viendra jouer sur la scène du Jazz Club le 3 décembre !

Toute la programmation du Jazz Club Étoile est disponible sur le site.

Pour finir, quel(le)s artistes rêves-tu de programmer dans ce lieu mythique ? 

J’ai plusieurs noms qui me viennent en tête qui pourraient venir faire un concert exceptionnel dans ce lieu chargé d’histoire, comme par exemple Joss Stone, Diana Krall, Alice Russel, mais aussi une chanteuse comme Kimberose que j’aime beaucoup, mais aussi une grande artiste comme Véronique Sanson pour la chanson française… bref, en unplugged, on pourrait recevoir vraiment beaucoup d’artistes de tous horizons, comme par exemple le faisait le très regretté Prince après ses concerts, il jouait dans des petits clubs avec un public réduit, c’est une démarche fantastique que j’aimerais bien reproduire…

Jazz Club Étoile

Interview réalisée par Juliette Labati

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