“Le jour du grand jour”, une parenthèse poétique au Théâtre Monfort
Au Parc Georges Brassens, la Baraque du Théâtre Dromesko accueille le public pour deux pièces : Le jour du grand jour jusqu’au 28 mai et Le dur désir de durer du 1er au 11 juin. Bienvenue chez vous pour un partage de moments étonnants et décalés auprès d’une troupe généreuse.
Le Théâtre Dromesko est né au début des années 1990 autour d’Igor – cofondateur du Cirque Aligre et du Théâtre équestre Zingaro – et de sa femme Lily par la création de La Volière Dromesko. Deux cents oiseaux étaient assemblés parmi les comédiens sous un chapiteau d’allure 1900. Cette compagnie propose des pièces intemporelles réunissant théâtre, danse, musique et la présence d’animaux.
Rebondissements surréalistes
Dans la Baraque en bois, le public s’installe en position bi-frontale. Le maire d’une petite commune est déjà présent, il s’agite pour une inauguration. De la musique, du bruit, la foule, son impatience se fait entendre : “S’il-vous-plaît Messieurs-Dames, allons-y !” Les personnages en élégantes tenues années 1950 s’installent sur les sièges. Le maire, personnage cynique, est lancé dans un discours soporifique. Il hésite pour le nom d’un rond-point entre Olivier Py et Le Pen. Il finira par vendre des alèses pour “les vieux stockés dans des appartements”, avant de réapparaître en prêtre défroqué. Comme dans une scène de bande-dessinée, les autres personnages le fuient à toute vitesse mais sont aussitôt ramenés sur scène par une bourrasque. La pièce virevolte de fêtes de familles à de brefs instants d’existence. Des cérémonies se succèdent, cette fois c’est un mariage, après des obsèques. Au son d’un bal musette, l’ambiance est chaleureuse.
Le mouvement du temps déroule le voile d’une mariée à la longue traîne d’où sortent des jambes puis deux femmes – la traîne devient les draps d’un lit. Le temps s’accélère avec des tréteaux, des objets divers, d’étranges traversées. Cette frénésie aux rebondissements surréalistes éveille l’imaginaire des spectateurs. Lily reste seule, à l’écart d’une fête. Elle chante aussi accompagnée par Revaz Matchabeli, le violoncelliste. Il y a aussi Igor et son accordéon.
Un foisonnement d’histoires
Les musiciens apparaissent sur une immense table. Tout à côté, un jeune couple danse, réuni par la beauté de leurs mouvements. C’est le soir, Lily et Igor partagent un dîner, une radio vintage reprend la chanson de Lily. “Qui es-tu ?” ; un monsieur sort de la table. A même le sol, il lance à la volée des paroles absurdes qui font un drôle d’effet : “Qu’as-tu abandonné ?”
Dans une lumière tamisée, la mariée fait face à un chemin de vie, elle semble hésiter, se retourne. La musique et les personnages expriment un foisonnement d’histoires. Le bruit de la fête revient mais nous entendons une dispute de famille : “C’est pas quand je parle qu’il faut m’écouter !” De l’encens, des lumignons aux fenêtres, il fait nuit. Après de nouvelles mélodies, la musique devient vacarme. Puis le plateau s’éclaire par les lueurs de lampes de poche, un moment singulier se prépare. Charles le marabout apparaît dans un silence absolu. Il va de Lily à Igor et revient de l’une à l’autre, déployant avec superbe sa présence majestueuse. A son départ, une petite cage éclaire la Baraque, le chant de l’oiseau apporte une touche de beauté. Un autre tempo survient par une procession au son d’une fanfare. Autour d’une tablée, il y a de grands éclats de rire. De façon imperturbable, une traîne relie une ribambelle de mariées qui n’en finit plus de traverser le plateau.
Le Théâtre Dromesko offre une palette de sentiments et d’impressions. L’humour se conjugue à un regard humaniste, et aussi à une critique de la société. Sonnerie de cloches : sept ans, deux-cent-quatre-vingts dates pour “Le jour du grand jour”. Les représentations s’achèvent au Théâtre Monfort, à Paris. Quel succès ! On adore ce grain de folie, c’est joyeux, drôle et mélancolique. La pièce se termine par un banquet, le public est invité à rejoindre les comédiens-danseurs-musiciens. Rendez-vous est donné pour la suite, “Le dur désir de durer”, une autre parenthèse poétique.
Fatma Alilate
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