Focus sur la scène rap francophone en suisse
Le rap suisse francophone puise ses racines de Léman à Lausanne jusqu’à s’implanter à Genève dès le début des années 2000. Déjà présente à l’international avec le groupe mythique Sens Unik ou encore la rappeuse bernoise Steff la Cheffe, la scène suisse s’est développée et structurée doucement mais sûrement à partir de 2010, tout en préparant son entrée fracassante sur le territoire français.
Cette entrée, c’était comme un coup de pied dans la fourmilière, libérant ainsi une énergie et un flot incontrôlables en provenance de Genève.
Plus aucun doute là-dessus : la Suisse s’apprêtait à connaître la renaissance de sa période Hip-Hop.
Ce gros kick dans la porte direction la France, c’est le collectif SuperWak Clique qui l’a initié. Composé de beatmakers, rappeurs, vidéastes et designers, ce collectif arpente la pluralité artistique, à la recherche d’authenticité et de créativité made in Switzerland : “C’est pas seulement wak, n’oubliez pas qu’c’est super”(Makala, Gun Love Fiction)
Du côté des rappeurs, on y retrouve le trio infernal, Slimka, Di-Meh et Makala, trois artistes au style et à la plume bien trempés. Avec le soutien de leur label Colors, créé en 2009 par Thibault Eigenmann et Théo Lacroix, le trio réinvente ainsi l’énergie propre au rap suisse et sa puissance de frappe. De cette agitation ambiante est née cette volonté de collaborer avec de grands noms du rapgame français : 1995, Caballero, Jean-Jass, Josman, Népal et plus récemment Laylow, ou encore des beatmakers tels que Benjay.
Bien que peu de rappeuses suisses trouvent leur place dans cette mouvance, on peut constater qu’elles ne manquent pas d’inventivité pour faire valoir leurs directions artistiques : KT Gorique fait partie de ces artistes qui n’ont eu peur de rien et dont l’univers reflète la richesse de leur travail. Grâce à sa collaboration avec 19 rappeuses de tous les coins du globe, elle a su affirmer sa capacité à fédérer les actrices de la scène rap féminine.
La recette magique de la réussite de cette scène francophone suisse c’est donc avant tout une bonne poignée d’énergie concentrée diluée avec une ambition colossale et une générosité musicale prédominante.
Makala, Slimka et Di-Meh, de la générosité, ils ont à revendre. Et pas qu’un peu. Connus pour leurs performances scéniques extrêmes, le trio s’est fait connaître en France lors de la tournée “XTRM Tour” pendant laquelle ils ont arpenté la France en quête de scènes à retourner.
De cette énergie folle est née une volonté pour ces artistes de poursuivre leurs projets solo, développant petit à petit la singularité de leur art.
Du côté de Di-Meh, on a pu voir émerger ces trois dernières années les albums solo Fake Love, puis Mektoub grâce auquel l’artiste a su trouver sa vibe et explorer des horizons empreints de ses influences variées.
Plus récemment, l’album Tunnel Vision de Slimka, aka Georges de la Dew, a fait le tour de la France à l’occasion du Tunnel Vision Tour. Aussi tendre que fougueux, on peut dire que cet album ne manque pas de cran.
Enfin, parmi les réussites du rap suisse ces dernières années, on compte également l’album Radio Suicide, un pur produit made by Makala et Varnish, nos petits génies du voyage dans le temps. Un saut dans les années 80 jusqu’aux années 2000, et l’impression d’écouter une compilation d’anciens tubes revisités avec un flow presque insolent, c’est l’effet Makala et Varnish. C’est d’ailleurs le 1er avril que sortait la dernière pépite du rappeur, l’album Chaos Kiss, toujours en compagnie de Varnish, mais également de Mr. Lacroix.
Cette affirmation chez chacun des artistes n’a pourtant pas empêché une complémentarité indissociable de leurs projets : du featuring Bushido Massaï, entre Slimka et Di-Meh, au titre Mortal Kombat de Di-Meh et Makala en passant par Dynastie de Slimka, Makala et le talentueux Varnish La Piscine (Superwak Clique), les trois mousquetaires n’ont cessé de collaborer autour de purs bangers.
Des risques, ils ont su en prendre, et aujourd’hui, on peut dire qu’ils sont bien partis pour “marquer l’histoire comme Federer”.
Cécile Martin
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