Rencontre avec Pauline Loeb-Obrenan, créatrice de artfairmag
Pauline Loeb-Obrenan, a toujours travaillé dans le domaine de l’art et pendant de nombreuses années chez les plus grands antiquaires français. Cette expérience lui a permis de fréquenter les salons et c’est après quelques années passées à Londres qu’elle a décidé de créer artfairmag, un outil qui a pour but de faire connaitre les différentes propositions de salons d’art en France et dans le monde.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ? Comment êtes-vous arrivée dans le monde de l’art ?
Mon père était commissaire priseur et expert en art ancien à l’hôtel des ventes de Drouot. Petits, mon frère, mes sœurs et moi avons écumé les musées et les ventes aux enchères. J’adorais l’ambiance qu’il régnait à Drouot où se mélangeait excitation, tension et bonhomie sur fond de désordre organisé. Nous passions des heures à déambuler de salles en salles à la recherche de trésors et nous aidions souvent mon père à la préparation des ventes de l’étude. C’est sûrement comme ça que j’ai attrapé le virus du marché de l’art !
Après des études d’histoire de l’art, j’ai eu la chance de faire un stage dans la prestigieuse galerie Kugel, spécialisée dans l’art très haut de gamme du XVe au XIXe siècles. Le stage en lui-même n’était pas très stimulant ; je devais coller des photos d’archive et les classer… mais cela m’a permis de “mettre un pied dans la porte” et quelques mois plus tard, une fois mon diplôme en poche, je me suis vue proposer un CDD pour remplacer mon ancienne responsable de stage qui partait en congé maternité. À son retour, j’ai finalement signé un CDI qui a duré 8 ans ! J’ai énormément appris au contact d’Alexis et Nicolas Kugel. Mes tâches étaient à la fois passionnantes et variées, de la préparation des expositions et des foires, à des recherches pointues comme l’étude du fond d’atelier d’un faussaire de boîtes en or. J’ai même eu la chance de co-écrire un livre sur l’orfèvrerie Strasbourg. Cette période fut riche en expériences et m’a beaucoup appris.
En 2018, peu après la naissance de notre petite fille, mon mari a eu une opportunité professionnelle qui nous a fait déménager à Londres. C’est avec une pointe de tristesse mêlée à l’excitation de la nouveauté que j’ai alors quitté les Kugel.
Comment avez vous eu l’envie de créer artfairmag ?
Quand nous sommes arrivés à Londres, j’ai voulu explorer d’autres pans du monde de l’art. J’ai rapidement su que je voulais travailler autour des foires, véritables cœur battant du marché. Depuis le début de mes études, j’en visitais régulièrement en France, en Belgique ou au Royaume-Uni. J’ai aussi eu la chance de vivre une foire de l’intérieur – et pas des moindres – en participant à huit éditions de l’incontournable TEFAF (The European Fine Art Fair) de Maastricht.
Je me suis rapidement aperçue de l’absence d’un calendrier exhaustif des foires à travers le monde, une base de données qui les référencerait toutes. La graine d’artfairmag était plantée !
À quel type de public s’adresse artfairmag ? Ciblez-vous un public en particulier ?
L’outil s’adresse clairement à un public ciblé : les visiteurs de foires. Au sein de ces visiteurs, on retrouve tant les collectionneurs que les galeristes, les curators, les journalistes et aussi les simples amateurs. Nos visiteurs consultent le site à la recherche d’informations sur une foire précise ou bien pour trouver la prochaine foire à visiter. Le niveau d’engagement est très fort.
En parallèle du site Internet, j’ai récemment créé un compte Instagram (@artfairmag) qui sera un moyen pour moi de communiquer sur l’actualité des foires et de partager mes impressions personnelles et mes coups de cœur, ainsi que de mettre en avant galeries et artistes. Le compte a gagné en peu de temps plus de 4 000 followers. Cela reflète bien l’engouement que les foires d’art suscitent et je suis enthousiaste quant au développement d’artfairmag en tant que média.
Pourquoi se spécialiser sur les foires d’art ?
Les foires d’art internationales représentent près de 400 évènements annuels à travers le monde, c’est énorme ! Or, il n’existait aucun listing les référençant toutes. Au vu de l’engouement que ce type d’évènements suscite, il y avait clairement quelque chose à faire. Grâce à Artfairmag, les visiteurs peuvent facilement trouver une foire – par date, ville ou spécialité – avec toutes les informations pratiques et des insights exclusifs de son directeur. En effet, en plus d’avoir centralisé toutes les données utiles, j’ai posé 6 questions – toujours les mêmes – à plus d’une centaine de directeurs de foire. Ces “insights” exclusifs permettent à nos visiteurs de bien saisir l’esprit de la foire, le type de galeries qui y exposent, la gamme de prix des œuvres présentées, etc…
Au cours des longs mois où les foires n’ont pas pu se tenir en physique, j’ai voulu faire découvrir ou redécouvrir à notre audience des marchands d’art parmi les plus compétents dans leur domaine : art moderne et contemporain, art ancien, art tribal, art asiatique, art médiéval, etc… En dépit de la reprise des foires, je vais continuer ces interviews qui rencontrent un vrai succès auprès de nos visiteurs et me permettent de mettre en avant les galeristes que j’estime.
Artfairmag m’a demandé un gros investissement en termes de temps et d’efforts ces trois dernières années mais quelle récompense de voir l’outil performant qu’il est aujourd’hui, sa notoriété qui croît de jour en jour et toutes les possibilités qu’il me permettra encore d’explorer ! – rapport annuel sur le marché de l’art mondial, conduit par l’économiste irlandaise Clare McAndrew. J’avoue que je n’en suis pas peu fière !
Pouvez-vous nous dire quelle foire d’art est votre préférée ?
J’ai évidemment un lien particulier avec la TEFAF. Depuis sa création en 1988, elle s’est développée pour devenir aujourd’hui une des foires les plus qualitatives au monde où sont rassemblés des chefs-d’œuvre couvrant 7 000 ans d’histoire de l’art. Avec les centaines d’heures passées sur le salon, j’ai eu le temps de m’y faire de bons amis marchands et j’ai maintenant plaisir à les retrouver en tant que visiteur.
Art Basel fait également partie des incontournables ; il y règne une frénésie et une excitation qui sont vraiment communicatives.
J’aime également énormément Art Paris. Son directeur, Guillaume Piens, a réussi à donner une nouvelle impulsion à cette foire régionale et à attirer de nombreuses galeries prestigieuses qui la boudaient auparavant. On se rappelle aussi que c’est la seule foire française à s’être tenue en 2020. Un gros coup de poker, au vu de toutes les incertitudes et les contraintes liées à la crise sanitaire, qui s’est soldé par un succès retentissant.
Enfin, j’affectionne la foire 1-54, créée par la dynamique Touria El Glaoui, qui se tient à Londres, NYC, Marrakech et depuis l’année dernière à Paris. Cette foire très spécialisée s’est fixé comme objectif de promouvoir des artistes africains émergents en leur offrant une scène internationale, et elle le fait avec brio !
Pensez vous que les foires d’art jouent un rôle très important dans le monde de l’art contemporain ?
Avec la globalisation du marché de l’art, les marchands ne peuvent plus se limiter à leur galerie physique. Les foires jouent donc un rôle essentiel. Elles permettent aux marchands d’aller à la rencontre d’une clientèle étrangère qui n’aurait probablement jamais passé la porte de leur galerie. C’est essentiel pour faire face à une concurrence de plus en plus féroce et au développement grandissant des galeries en ligne comme Artsy, Singulart, Kazoart et bien d’autres.
De quelques dizaines de foires dans les années 1990, nous sommes passés à près de 400 ! Cette explosion a été tant rapide qu’excessive et la crise sanitaire, avec la pause de 18 mois qu’elle a entraînée, a redistribué les cartes. Je pense que les foires vont garder un rôle central dans le marché de l’art mais, pour perdurer, elles devront à tout prix évoluer. Cela passera notamment par une réduction importante de leur empreinte carbone et une offre digitale qui viendra enrichir l’expérience physique. Il est probable que le nombre de foires diminue et que ne survivent que les plus qualitatives d’entre elles et celles avec un parti pris et un engagement fort. Les foires régionales, qui drainent un public de collectionneurs locaux désormais moins enclins à traverser le monde qu’avant, vont à mon sens pouvoir tirer leur épingle du jeu.
Vous qui avez habité à Londres, y a-t-il une différence entre les foires d’art en France et en Angleterre ?
Londres est la première ville en termes de foires d’art : elle en accueille chaque année 47, contre seulement 27 à Paris. Le modèle des foires de part et d’autre de la Manche est globalement le même, néanmoins les foires londoniennes drainent un public plus international. Mise à part la FIAC, qui jusqu’à cette année se tenait chaque automne sous la voûte du Grand Palais, la plupart des foires parisiennes attirent un public local, français pour la grande majorité, suisse et belge. Mais cela pourrait bien être amené à évoluer avec l’arrivée d’Art Basel à Paris et la donnée Brexit qui décourage de plus en plus les galeries étrangères à participer à des foires au Royaume-Uni.
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Propos recueillis par Aurore Hurstel
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