Charlotte Rotureau : “Il n’y a pas de chemin prédéfini, il est à construire”
Dans le cadre d’une semaine thématique intitulée “Comment la culture change le monde” animée par Samuel Valensi, metteur en scène et comédien dans la compagnie La Poursuite du Bleu, les étudiants de 5e année de l’ICART ont accueilli plusieurs professionnels engagés dans le secteur culturel. Charlotte Rotureau est accompagnatrice pour la transition environnementale. Son métier est d’aider des entreprises, des localités, des territoires à trouver leur chemin vers la transition écologique. Au cours d’une rencontre ils ont pu échanger sur ses motivations, ses objectifs et façon dont elle aide les autres à les atteindre.
Quel a été l’élément déclencheur de ta prise de conscience sur les enjeux de transition écologique ?
À la fin de mes études, je me suis spécialisée en événementiel et plus tard j’ai fait un stage sur des événements outdoor en Angleterre en travaillant sur l’organisation des championnats du monde de voile. Je me suis retrouvée cheffe de projet à orchestrer l’intégralité des événements situés en Asie Pacifique. Et puis, acculée par la pression et le stress du métier, j’ai eu besoin de prendre du temps pour moi… C’est un métier compliqué, avec de gros enjeux de santé.
Plus tard, j’ai travaillé avec le skipper François Gabart de la team MACIF, sur ses relations partenaires et sa communication. C’est à ce moment que j’ai eu un déclic sur les enjeux de transition. Notamment à l’aide de la rubrique de Philippe Bertrand et Caroline Campagne sur France Inter, que j’écoutais beaucoup. J’ai pris un break pour voyager en solitaire à vélo 3 mois en Europe et au bout d’un an mon nouveau cheminement professionnel et personnel s’est construit.
Quelle a été la démarche suite à cette prise de conscience ?
Au cours de ce voyage, j’ai rencontré beaucoup de monde et je me suis mise à travailler sur un triptyque : développement territorial, événementiel et transition écologique. J’ai repris un Master 2 en Tourisme et innovations de transition, présenté par Philippe Bourdeau, qui interroge la notion d’après tourisme dans une société qui doit s’adapter à l’évolution du monde. Et puis l’envie de créer ma propre structure a émergé parce que je n’arrivais plus à trouver ma place en entreprise. Alors j’ai utilisé mon mémoire de fin d’étude pour préparer mon business plan, mon étude de marché pour savoir si mon activité pouvait se développer.
J’ai travaillé sur la notion d’évènementiel à l’heure de la transition écologique. Ça m’a permis de construire la vision que je porte avec EVVI. J’ai soutenu mon mémoire en mai 2020 puis je suis partie en itinérance à vélo pour rencontrer des organisations qui expérimentent la transition car il me manquait cette “réalité” du terrain.
Peux-tu nous présenter EVVI en quelques mots ?
EVVI, c’est une association qui accompagne les secteurs du sport, de la culture et du tourisme vers la transition écologique. Pour moi, la transition est une évolution, un changement progressif de nos manières de vivre, d’être et de faire pour aller vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et des êtres vivants.
En quoi consiste concrètement l’activité d’EVVI ?
Chez EVVI nous avons à la fois un rôle de formation, de conseil, mais aussi d’observation et d’écoute auprès des structures que nous suivons.
Il y a différentes manières de changer : selon l’espace laissé à l’individu on parle de pilotage, de conduite ou d’accompagnement. Le pilotage c’est fixer un objectif, et toutes les étapes du chemin pour l’atteindre. La conduite, c’est fixer des objectifs sans définir les chemins qui nous y mèneront. La méthode d’EVVI, laisse un maximum d’espace aux individus, c’est l’accompagnement : on pose une intention sans définir d’objectifs. On va construire la démarche en prenant en compte chaque personne, on veille à inclure les différents points de vue, les différents degrés d’ouverture au changement. Il faut que chacun ait suffisamment confiance en ses propres capacités de changement et dans les capacités de la structure. Ce que je défends c’est que l’on ne peut pas décréter le changement pour quelqu’un, il n’y a pas de sens à pousser les gens aux changements alors qu’ils ne sont pas prêts.
Comment fait-on justement lorsque l’on est confronté à des individus qui ne sont pas prêts ?
Une réticence à s’engager aura plusieurs motivations. Cela peut par exemple être la peur que son métier n’existe plus, donc de se retrouver sans emploi… Le problème c’est que les personnes concernées ne vont pas nous donner ces motivations, elles vont souvent se contenter de dire que “c’est trop compliqué”. Il faut donc dialoguer, comprendre d’où viennent les réticences, accepter qu’elles sont légitimes, que les peurs sont fondées. Une fois que l’on connaît les peurs on s’intéresse aux envies personnelles et professionnelles. Ainsi, on commence à identifier le bon levier qui motivera la personne à dépasser ses réticences. C’est donc un vrai travail d’accompagnement individuel mais aussi collectif parce que la dynamique générale va donner envie et confiance.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Pendant ma première itinérance, j’ai vu des événements qui ont “poussé le bouchon loin” sur des actions spécifiques. C’est le cas du festival Appel d’Air dans le Loir-et-Cher, qui crée un fort réseau de fermes bio locales et qui rend accessible la culture en milieu rurale. C’est aussi le cas du festival de musique Les Disjonctés à Brive-la-Gaillarde qui fonctionne sans électricité le soir, il faut donc tout repenser autour de cette contrainte : comment le public vient, la signalétique, le bar, les spectacles…
Cet été, je vais repartir en itinérance avec un angle différent, en cherchant à comprendre comment des structures remettent complètement en question l’ensemble de leur modèle.
Propos recueillis par : Lola Antonini, Mathilde Cuillerier, Charlotte Druost, Tristan Goulard, Erwan Japiot, Jacques-Emmanuel Mercier et Margaux Palud
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