Farruquito et Rafael Riqueni en toute intimité au Théâtre de Chaillot
Farruquito et Rafael Riqueni ont clôturé la Cinquième édition de la Biennale d’art flamenco du Théâtre de Chaillot. Farruquito – Juan Manuel Montoya de son vrai nom – incarne le flamenco traditionnel dans sa pièce Íntimo. Dans une autre salle de Chaillot, c’est le guitariste Rafael Riqueni qui offrait de superbes compositions pour Nerja, un conte musical.
Dès cinq ans, Farruquito est monté sur scène et a accompagné les plus grandes légendes du flamenco comme son grand-père, Farruco, dont il dit s’inspirer avant chaque spectacle.
Au cœur du flamenco
Par Íntimo, Farruquito recrée les moments d’intimité d’une célébration en famille ou entre amis. La guitare est l’instrument phare, accompagné des percussions et des voix des chanteurs. Dans un chemin de lumière, Farruquito fait son entrée sur scène. Phénomène de la danse, il est très applaudi après chaque séquence offerte au public. D’allure altière, Farruquito est d’une grande élégance dans ses jeux de jambes, les frappes trépidantes de ses talons et de ses mains. Constamment concentré et virevoltant, prêt à s’embraser au moindre tempo, il maintient un lien avec le public qu’il remercie par un geste et par son regard. Avec ses musiciens, il interprète une palette de sentiments de la souffrance à la joie. La scénographie entre sophistication et simplicité est rythmée par le dynamisme des séquences-chapitres sur le flamenco avec les styles de danse, les chants, la musique. Mari Vizárraga par ses claquements de mains et sa voix rauque implore et annonce des drames. Elle appelle au combat le toréador de la danse.
À une table et sous les projecteurs, Farruquito agite avec frénésie ses mains dont le rythme sonore fait écho aux percussions. De nouveau face au public, il l’invite à reproduire ses claquements de mains, et danse sous les applaudissements au son d’une cadence improvisée.
La dernière partie du spectacle finit en fiesta, on ne voudrait plus quitter Farruquito et ses musiciens. Il va vers l’un, le présente à la scène, celui-ci se met à danser avec humour devant l’inégalé Farruquito qui forme un nouveau duo avec Mari Vizárraga. Chaque talent est valorisé par Farruquito, cette complicité entre les artistes nous emmène au cœur du flamenco, à la découverte de sa convivialité. C’est finalement ensemble qu’ils quittent la scène avec beaucoup d’élégance, comme une troupe après un long voyage.
Dans une autre salle du Théâtre de Chaillot, Rafael Riqueni dévoile la richesse musicale de son œuvre.
Entre impressionnisme musical et inspiration classique
Auteur-compositeur, Rafael Riqueni sublime les notes de guitare pour des compositions d’une grande intériorité. Considéré comme un des meilleurs guitaristes vivants, il contribue depuis plus de vingt ans à réformer la guitare flamenca. Seul en scène, il invite à l’écoute de Nerja, un conte musical qui raconte la découverte fortuite par des jeunes gens dans les années 1950, d’une grotte préhistorique dans le Sud de l’Espagne.
Le musicien révèle son talent entre impressionnisme musical et inspiration classique. Il propose des moments de poésie par une interprétation renouvelée des mélodies, certaines ont des pointes de fantaisie, d’autres se caractérisent par de la douceur. Dans un duo à la gravité sonore étonnante, son instrument se marie avec le violoncelle. Rafael Riqueni est aussi rejoint par deux guitaristes, une belle complicité unit les musiciens ; des frappes sur la table d’harmonie succèdent à des accords virtuoses.
Nerja, c’est aussi la danseuse María Moreno, son nom est cité par Rafael Riqueni. Elle apparaît à l’avant-scène à deux reprises, tournoyant dans la beauté de ses mouvements. Les danses aériennes sont amplifiées par ses tenues de scène : une robe blanche structurée à volants dont le tissu rappelle l’effet plissé du couturier Fortuny, et une veste-boléro noire jumelée à une longue jupe rouge. La qualité et la rapidité des danses de María Moreno subjuguent le public.
Le spectacle ponctué par des “Olé !” et des “Maestro !” est ovationné. Rafael Riqueni revient sur scène, il interprète de nouveau Pureza, de son album Herencia.
Rafael Riqueni est un grand soliste à la technique raffinée. Penché sur sa guitare, il est touchant et semble humble. Une des représentations de Nerja a été diffusée en direct sur Mezzo TV. Farruquito, majestueux et souriant, fait naître l’essence même du flamenco d’inspiration gitane andalouse en s’appuyant sur une dimension collective. Complémentaires, les deux artistes ont représenté les talents du flamenco.
Fatma Alilate
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