“Ne montre jamais ça à personne” – Orelsan raconté par son frère
© Prime Video
Caen, 2005. Quatre jeunes zonent dans un appartement en écoutant de la musique. Un moment banal, immortalisé par le caméscope de Clément Cotentin qui n’a trouvé que ce prétexte pour traîner avec son grand frère et sa bande. Comme le suggère le titre, ce film de famille n’était pas censé être rendu public. C’est d’ailleurs ce qui fait toute la singularité de ce docu-série tourné autour de la carrière du rappeur aujourd’hui mythique, Orelsan.
L’histoire d’une personne avant tout
L’originalité de ce documentaire réside dans le fait qu’il ne se contente pas de raconter une énième success story, mais qu’il permet au spectateur de découvrir une personnalité et son évolution en tant qu’individu. Ici, pas de fonctionnalisation du récit mais au contraire, une mise en lumière de l’intimité de la star. La caméra étant tenue par Clément Cotentin, le petit frère d’Orelsan, les réactions, agissements et propos des personnages sont très spontanés et ne sont pas mis en scène dans un objectif de communication.
On découvre ainsi un autre Orelsan, différent de celui qu’on a l’habitude de voir sur les plateaux télé, souvent mal à l’aise et décalé. On y apprend à connaître un garçon normal, blagueur, généreux et déterminé à vivre de la musique avec sa bande de potes.
Tout au long du documentaire, on perçoit très clairement que comme tout le monde, Orelsan a grandi et qu’il a vu ses envies, ses comportements et ses décisions changer avec lui. Plus jeune, c’était un garçon impertinent qui travaillait en tant que veilleur de nuit et écrivait des textes décousus autour de ses soirées, ses bêtises et du sexe. Aujourd’hui, c’est un homme qui exprime son opinion et évoque ses sentiments avec poésie.
Le docu-série n’est d’ailleurs pas uniquement axé sur Orelsan mais également sur son entourage, et plus particulièrement ses amis et partenaires. Ne montre jamais ça à personne nous parle ainsi des personnalités, des particularités et des parcours de chacun. Cet aspect “buddy movie” nous offre un portrait encore plus complet et juste de la façon dont s’est construite la carrière du rappeur.
Enfin, les fans qui le suivent depuis longtemps éprouveront un immense plaisir à découvrir un nouvel éclairage sur bon nombre de ses textes, grâce à cette grande traversée de sa vie.
L’évolution du rap en France
Ne montre jamais ça à personne se tenant sur 20 ans, on y entrevoit l’évolution du rap en France, tant dans la façon dont il est perçu par la société que dans sa diversité.
Le début de carrière d’Orelsan est compliqué car il ne répond pas aux codes du rap de l’époque. À l’origine, le rap est un genre musical qui exprime le mal-être et la rage des jeunes de cité. Il est revendicatif et appartient à une communauté qui se sent en dehors du système.
Pour ces raisons, le rap a longtemps été mal perçu par les médias traditionnels et son public stigmatisé. Beaucoup pense que le rap est synonyme de violence, de vulgarité, et qu’il a une mauvaise influence sur la jeunesse. Certains vont même jusqu’à affirmer que ce n’est pas de la musique.
Comme le dit si bien Kyan Khojandi dans le documentaire : “Dans ce contexte, Orelsan incarne la contre-proposition. Il faisait d’un non-sujet, un sujet”. C’est effectivement ce qui a fait l’originalité et la popularité de l’artiste. Ses textes s’adressent à une communauté de jeunes français qui ne vit rien de particulièrement remarquable. Il glisse des références à la pop culture et met de l’humour dans ses textes, sans tomber pour autant dans la parodie. Il évoque les problématiques d’un provincial, l’ennui des banlieues et les bêtises qu’on y fait pour rompre cet ennui.
Aujourd’hui, le rap n’est plus aussi codifié. La facilité à se produire depuis sa propre chambre, puis diffuser et communiquer grâce aux réseaux sociaux, ont permis à beaucoup de nouveaux styles de rappeurs d’émerger. Avec eux sont également apparus de nouveaux genres du rap. Plus chantants, aux sujets variés, ceux-ci s’adressent à tous les genres de communautés. Le rap est désormais mieux considéré dans les médias et se place même en tête des écoutes en France. Il est devenu la musique populaire, la nouvelle variété française.
Ne montre jamais ça à personne nous présente la façon dont Orelsan a su, tout au long de son parcours, s’entourer de gens qui comprenaient sa vision créative et l’ont incité à suivre son intuition. Le rappeur a su cultiver sa singularité et sa simplicité. Il fait ce qui lui plaît, alternant entre des titres et des clips très bien produits, et d’autres plus spontanés et improvisés, comme à ses débuts. Orelsan se contente de s’amuser et nous surprend encore et toujours, comme c’est le cas avec son tout dernier album annoncé à l’issu du documentaire : Civilisation.
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