Décryptage – Le Primitivisme dans la sculpture de Modigliani à Moore
La rubrique Décryptage fait son grand retour ! Comme a notre habitude nous allons tenter de percer les secrets de l’histoire de l’art et de donner a chacun matière à réfléchir. Cette fois-ci nous allons nous consacrer à deux artistes, Modigliani et Moore, qui sont deux des plus beaux exemples de sculpteurs influencés par le primitivisme.
Commençons par expliquer et peut être simplifier pour tous la notion de primitivisme. Bien que celle-ci soit sujette à des changements, le primitivisme, par essence, est le mouvement artistique inspiré par l’art primitif. Le primitivisme arrive dans l’histoire de l’art comme une opposition à l’inspiration classique grecque et romaine, les modèles trop imités, trop rationnels, trop idéalisés. Les artistes veulent du neuf, de l’irrationnel, du “sauvage” comme le dirait Van Gogh ou Gauguin. Le primitivisme prend alors une part importante dans la recherche de modernité et plus tard de post-modernité. Dans la tête des artistes, ce mouvement s’apparente à un retour aux sources obscures des débuts de l’humanité, à la simplicité la plus ancienne de l’esprit et de l’art. Il est indispensable de préciser que le primitivisme à été abordé dans l’histoire de l’art sous beaucoup d’angles bien différents que celui que nous choisissons de présenter ici.
Pour Henry Moore (1898-1986), artiste anglais, ses influences primitives l’ont poussé vers des formes simplistes, toutes en courbes, rondes et lisses. Dans son atelier qu’il remplissait de cailloux, de coquillages, et d’os, de crânes d’animaux exotiques, les figures féminines de pierre naissaient du chaos. Au milieu de ce désordre, l’artiste ne garde que le nécessaire, le symbolique, le schématique et c’est certainement ce qui rend sont oeuvre si douce, si pure. Sa création est celle de la suppression, il enlève beaucoup de tout pour ne garder qu’une âme éthérée, un symbole saint. En cela on retrouve beaucoup des oeuvres primitives, des statues de fertilité en pierre blanchies, des mégalithes bretons simplement dressés droits vers le ciel, des fétiches africains probablement vus dans des expositions coloniales et post-coloniales.
Chez Amedeo Modigliani (1884-1920), le primitivisme s’exprime aussi dans le registre féminin. Cette fois-ci dans le visage qu’ils sculpte dans la pierre, qui répondent à ses merveilleux tableaux aux yeux noirs. Les oeuvres de Modigliani juxtaposées avec des objets pré-historiques issus du monde et des cultures extra-européennes prennent tout leurs sens. On comprend alors enfin le style si particulier de l’artiste, la simplification à l’extrême des femmes, ses visages ovales si fins qui nous fascinent tant, ses yeux sans fonds, noirs de vide, qu’on regarde depuis plus d’un siècle.
Propos de Emma Gontier
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