“La Promesse de l’aube” : magistrale ode à l’océan maternel
Le roman d’une vie
C’est l’un des récits les plus poignants de la littérature française qu’adapte et joue le comédien Franck Desmedt, avec la complicité de Stéphane Laporte et Dominique Scheer pour la mise en scène. Paru en 1960, ce livre d’inspiration autobiographique raconte la jeunesse de l’écrivain lorsqu’il vivait à Nice avec sa mère, une ancienne artiste de théâtre, russe et juive, qui s’est retrouvée à vivre chichement avec son unique enfant en venant de Russie. Les mots de l’écrivain racontent tout, la grande comme la petite histoire, de manière directe et provocante, drôle et tragique. La pauvreté, la viande qu’elle sacrifie à son fils en récupérant le gras dans les assiettes dans la cuisine, les rêves de liberté et la démesure de ses fantasmes français qu’elle projetait sur son fils associé à Victor Hugo, les privations qui finirent par abîmer sa santé et qu’elles monnayait pour payer à Romain le meilleur club de tennis, les plus beaux vêtements, les meilleures études.
L’émotion, qui se dégage de ces lignes, se mêle à l’humour et aux digressions sentimentales, aux moqueries tendres du fils pour sa mère dévorante, mais dont l’énormité des rêves, la force de l’amour, constituèrent une nourriture vitale pour un jeune homme qui fut héros de la Résistance dans l’aviation, devint Consul en Amérique et couronna sa carrière littéraire avec deux Prix Goncourt.
Gymnaste du verbe, agile comme un magicien, recréant des dialogues entre mère et fils en une seconde, ou entre la mère et le Roi de Suède dans un club de tennis très fermé, Franck Desmedt rejoue en une heure la relation extraordinaire qui unissait un fils adoré et une mère excessivement dévorante, en sélectionnant les scènes les plus fortes, les plus cocasses du livre. Il incarne tour à tour les personnages et la voix du narrateur avec une justesse et une humilité revigorante, une malice gourmande que n’aurait pas reniées Romain Gary. De cette manière, il invite au dialogue complice les spectateurs qu’il embarque aisément au fil de ce spectacle haut en couleurs et en émotions. Un spectacle magistral destiné à tous les publics.
Hélène Kuttner
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...