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Rencontre avec Philippe Piazzo, co-scénariste de “Tout s’est bien passé”

Après plusieurs collaborations avec François Ozon, nous retrouvons Philippe Piazzo en co-scénariste de Tout s’est bien passé, présenté en compétition au Festival de Cannes 2021. Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme d’Emmanuèle Bernheim, qui sortira en salle le 22 septembre prochain. Rencontre. 

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots l’objectif d’un scénariste ? Quelle est votre mission sur un film ?

Scénariste ça peut avoir plusieurs fonctions, c’est-à-dire qu’on peut arriver en tout début d’écriture du projet ou en plein milieu. On peut aussi complètement créer le projet ou alors intervenir sur une partie du film, par exemple à la fin lorsque le scénario est déjà écrit mais qu’on souhaite retoucher certaines choses, avoir un autre regard. Les auteurs font donc appel à d’autres scénaristes, des consultants, des co-scénaristes, pour réimaginer l’histoire différemment. Après, le travail en lui-même varie beaucoup selon les personnes. Le but est de mettre par écrit l’histoire du film de façon très factuelle : ce qui se passe à l’image et ce qui s’y dit. Ce n’est donc pas du tout sous forme littéraire. Ça peut l’être mais ce n’est pas obligé. Quand on lit le scénario, on doit, dans l’idéal, voir le film se dérouler sous nos yeux, sachant évidemment que le scénario c’est a priori une base pour la mise en scène, les acteurs, les décors, les costumes, la lumière, le montage… Et il est très rare que le film soit le scénario tel quel, parce que le scénario c’est la première étape pour filmer.

Y a-t-il une grande marge de manœuvre entre l’idée de départ et celle de fin ?

Ça dépend des réalisateurs mais aussi des conditions de production car parfois, les réalisateurs sont soumis à des conditions de production qu’ils ne maîtrisent pas : moins d’argent, pas l’acteur qu’il faut, pas le décor, ou encore il y a besoin de soleil alors qu’il neige… Il y a beaucoup de contraintes qui font que les scénarios se modifient au fil du temps.

Vous êtes co-scénariste de Tout s’est bien passé, qui est une adaptation d’un roman éponyme de Emmanuèle Bernheim. Est-ce une contrainte le fait de travailler à partir d’un roman ?

La difficulté de partir d’un livre pour aller vers un scénario est qu’on se demande si on doit rester fidèle ou non au roman. Ça c’est une question un peu essentielle. On dit souvent qu’il vaut mieux ne pas être trop fidèle au livre parce que le livre a sa spécificité artistique et le film aussi, donc si on essaie de trop coller au texte ça ne marche pas. Dans le cas précis du livre d’Emmanuèle Bernheim, le désir était d’être très fidèle au roman. D’abord parce que c’est un roman autobiographique, et l’auteur du livre, Emmanuelle Bernheim, était une amie proche du réalisateur, François Ozon. Il y avait donc de l’intérêt à la fois pour l’histoire qui est un peu exceptionnelle, c’est-à-dire un père âgé qui demande à sa fille de l’aider à mourir, et un intérêt personnel aussi de rendre hommage à une amie. Pour François Ozon, il n’était pas question de se servir du livre pour faire une recréation, une fantaisie cinématographique, c’était pas juste une idée départ. C’est donc un film de François Ozon qui oublie un petit peu François Ozon, et ses envies personnelles de cinéma, pour rendre hommage à l’auteur. C’est un cas particulier mais presque chaque film est un cas particulier. Là, l’idée était de suivre le plus fidèlement possible le livre mais bien sûr il y a eu quelques libertés qui ont été prises par rapport à la réalité des faits et du livre, des choses très très secondaires modifiées pour le bien de la narration.




Lorsque François Ozon vous a proposé le projet, celui-ci vous a-t-il directement plu ?

On a une relation de travail très amicale avec François Ozon. Ce n’est pas tant qu’il m’a proposé le projet, c’était surtout des discussions amicales sur savoir quel film allait-il faire, quel sujet aborder, et si il devait faire un film depuis ce roman. C’était une conversation plus personnelle que de travail. Et ensuite François Ozon s’est posé la question, mais est-ce que je pourrais en faire un film ? C’est plutôt comme ça que se sont présentées les choses. On s’est dit qu’on allait relire le livre chacun de notre côté et qu’on se rappellerait  après le week-end. Et quand on s’est rappelé, on a eu l’un et l’autre la même impression que oui, ça pouvait tout à fait faire un film. François Ozon en a été convaincu et moi aussi donc ça s’est fait naturellement. Le scénario est très fidèle au livre mais il y a eu beaucoup de travail. Il s’est trouvé que c’était aussi un sujet qui me touchait, j’étais particulièrement désireux de travailler sur ce film.
La particularité de ce livre c’est qu’il y a quelques années, Alain Cavalier avait déjà voulu l’adapter en film, mais d’une façon un peu particulière. Alain Cavalier travaille de manière plus solitaire, il est quasiment tout seul à la caméra et fait des films souvent très autobiographiques. Il connaissait Emmanuelle Bernheim, il était également ami avec, et il lui a proposé une idée originale qui était qu’Emmanuel jouerait son propre rôle et Alain Cavalier jouerait le père. Il y avait un côté fiction et documentaire en même temps. Emmanuelle Bernheim a accepté mais au moment de préparer ce film, sa santé a décliné. Alain Cavalier a aussi filmé toute cette étape et donc le film existe mais sous une autre forme, il s’intitule Être vivant et le savoir.

Vous avez fait plusieurs collaborations avec François Ozon, qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce travail ? Est-ce une démarche particulière que vous ne retrouvez pas avec d’autres réalisateurs ?

J’aime déjà beaucoup les films de François Ozon, j’ai un goût pour son cinéma. J’aime la grande diversité de ses films, il change beaucoup de sujet, ça peut être très surprenant d’un film à l’autre, tout en retrouvant sa personnalité forte. J’aime beaucoup sa recherche dans le cinéma, sa façon de chercher des formes, des histoires, de travailler avec les acteurs. Et entre nous il y a une sorte d’immédiateté, on a les mêmes références et la même impulsion la plupart du temps, donc tout va très vite. Il a besoin d’écrire tout le scénario et ensuite de le confronter avec mon regard, de rajouter des choses, d’en discuter. Ce qui est je crois assez fondamental avec lui, c’est qu’assez vite on a la même idée de quel film ça pourrait donner, de quel film on a envie de faire.

En 2016, vous avez travaillé sur le film Frantz qui se passe pendant la Première Guerre mondiale. L’aspect historique d’un film est-il un point compliqué à traiter dans un scénario ?

L’aspect historique dans Frantz reste quand même un arrière-plan. Il est très important parce que ça pose les relations des personnages puisque ce sont des Français et des Allemands, donc un peuple qui a été vaincu et un peuple vainqueur de la guerre. De plus, c’est la Première Guerre mondiale et nous, spectateurs d’aujourd’hui, savons qu’il y en a eu une deuxième après donc tout ce contexte est important, et les détails historiques par rapport à cette situation sont importants. Mais malgré tout, ça reste un fond. Ce n’est pas un film historique qui explique l’époque, c’est un film de personnages, de sentiments, de relations entre les personnages, dans un cadre particulier. Le cadre historique est important, mais il ne prend pas le dessus. C’est comme dans Tout s’est bien passé, le cadre médical est important mais qui est-ce qui s’intéresse aux ondes ? C’est quand même ce que vivent les personnages, comment ils se confrontent à des situations, leurs réactions, qui intéressent les spectateurs.

Lorsque vous avez des contraintes liées au contexte du film, avez-vous besoin d’effectuer beaucoup de recherches pour ensuite commencer à écrire ?

Pour Frantz oui, ou même pour Grâce à Dieu, qui est un film sur la pédophilie dans l’Église. Là forcément, il y a un très grand fonds de recherche. Après, les recherches varient. Pour les films historiques, les gens ont disparu donc on lit des livres d’histoire ou les lettres de gens qui ont fait la guerre, pour se mettre dans un certain état d’esprit quand on écrit, être dans le bon contexte. Pour Grâce à Dieu j’ai travaillé à partir de témoignages directs, réels. Je connais vraiment leur histoire. Quand c’est autobiographique comme pour Tout s’est bien passé, c’est pareil. Après, il y a des scénarios de films de François Ozon qui sont dans l’imaginaire ou un peu fantastiques et qui se travaillent d’une manière complètement différente.

 

Propos recueillis par Amélie Maronat

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