Faith, Hope and Charity : portrait poignant de l’Angleterre aujourd’hui
Au Théâtre de l’Odéon et dans le cadre du Festival d’Automne, le jeune metteur en scène Alexander Zeldin poursuit sa peinture sociale d’une société en crise et son travail avec des acteurs de tous horizons. Son dernier opus, créé avec succès au National Theatre de Londres, raconte le quotidien d’une salle des fêtes de quartier promis à une démolition prochaine : bouleversant d’humanité, d’amour et d’humour.
Une Big Mama au grand cœur
Une salle des fêtes en partie désaffectée, que Hazel, incarnée de façon prodigieuse par Llewella Gideon, s’efforce d’animer chaque jour pour des paumés et des êtres cassés par la dureté du système anglais. On peut y manger à sa faim, grâce à sa cuisine savoureuse, boire, échanger et même chanter avec Mason (Michael Moreland) casquette à l’envers et dégaine de grand enfant, un musicien qui s’improvise chef de chant pour la chorale. Il y a là Beth (Lucy Black), une mère privée de sa fille que les services sociaux lui ont pris, Bernard (Sean O’Callaghan) en quête de chaleur humaine, Carl (Dayo Koleosho) au comportement étrange, Marc, le jeune fils de Beth et son ange gardien, Anthony (Joseph Langdon) jeune homme fiévreux et pragmatique, Irène (Tricia Hitchcock), Sunny (Shelly McDonald), Tala (Tia Dutt) et Tharwa (Hind Swareldahab), jeunes gens en quête de nourriture mais aussi de lien social. On les cite tous car tous sont magnifiques, mangeant ou silencieux devant nous, spectateurs assis autour du cadre du plateau.
Tranches de vie et de grâce
Derrière les silences, les dialogues morcelés, les colères et les frustrations de chacun, on devine les malheurs et les injustices creusées depuis une dizaine d’années par un système qui a provoqué l’extension de la pauvreté en Grande Bretagne, coupant les aides sociales et déconstruisant dramatiquement les institutions de santé, un travail de sape initié par Margaret Tatcher. Le cinéaste Ken Loach raconte ces vies brisées au cinéma dans des films poignants. Alexander Zeldin, neveu de l’historien Théodore Zeldin, le fait à sa manière au théâtre, en évitant tout misérabilisme, mais au contraire en magnifiant et en amplifiant chaque émotion, chaque dialogue, allant chercher profondément à l’intérieur de chaque être, sur les traces des auteurs russes comme Gorki, sa beauté humaine.
Espoir
On rit donc beaucoup avec ces personnages hauts en couleurs, qui nous embarquent avec grâce dans leurs univers décalés, bribes de vie ouvertes et à vif, et auxquels Hazel, ange biblique qui avoue avoir envoyé en prison son fils pour maltraitance, donne tout. Mère nourricière, père autoritaire, cuisinière et assistante juridique et sociale, cette Big Mama se tient dans sa cuisine, alors que Mason, animateur en verve et au coeur débordant, organise une chorale en forme de résistance. C’est magnifique.
Hélène Kuttner
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