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Pierre Notte se paye Harvey Weinstein au Rond-Point

© Giovanni Cittadini Cesi

Au Théâtre du Rond-Point, l’auteur et metteur en scène Pierre Notte revisite le phénomène #metoo en se travestissant sur la grande scène en mâle dominateur en voie d’extermination, entre Jules César et roi de Peau-d’Ane, alors que ses deux acolytes féminines, Marie Notte et Pauline Chagne, se muent en Elisabeth Badinter et Gisèle Halimi. Tout y passe pendant qu’on fait sauter des crêpes, bienvenue dans ce cabaret délirant.

Jeu de massacre

Pierre Notte est un garçon qui adore mettre le pied dans la fourmilière, bousculer les codes, les genres, les sexes, la temporalité, tout en maniant la langue française à la perfection Il se trouve aussi être une excellent musicien, ce qui rend ses textes, musicalement orchestrés et soutenus au piano ici par Clément Walker-Viry, brillants et virtuoses. D’un sujet brûlant et grave, la condamnation publique du producteur de cinéma Harvey Weistein et la ribambelle de réactions et de condamnations que cette affaire a depuis déclenché dans le monde médiatique avec le phénomème #metoo, il créée un spectacle burlesque en forme de cabaret musical, où des personnages vrais côtoient des fantômes de l’histoire, des faits scientifiques croisent des histoires salaces, bref, où les conversations de bistrot percutent en pleine face les souffrances des femmes de tous âges.

Transgenre

© Giovanni Cittadini Cesi

Dans ce défilé de monstres et de prédateurs en tous genres, Gabriel Matzneff, Roman Polanski, Woody Allen, Harvey Weinstein sont confrontés à Elizabeth Badinter, Christine Taubira, Nafissatou Dialo, Gisèle Halimi, Vanessa Springora et la propre maman d’Harvey Weinstein. Mais l’auteur ne rentre pas dans le travers du tribunal populaire et du simple règlement de compte. Il distord sans cesse le réel, tisse d’innombrables digressions, des pas de coté, pour brouiller les pistes et nous rendre tous un peu coupables, gentiment, de cet état de fait. Son personnage de mâle #alpha, qui contemple la flétrissure de ses attributs, mesure la cellulite de ses cuisses, ne se fait pardonner son outrecuidance que par son désir de se transformer en femme. 

Ring de catch

©GiovanniCittadiniCesi

Il y a dans ce spectacle une énergie revigorante, une effervescence musicale et textuelle qui peut étourdir le spectateur, mais allume sa vigilance en le séduisant par sa brillance et sa pétulance artistique. Sans aucun temps mort et avec beaucoup de talent, Marie Notte et Pauline Chagne jouent, chantent et dansent avec une parfaite maîtrise sous l’oeil avisé du pianiste Clément Walker-Viry, drôle et très inspiré. Pierre Notte, victime lacérée mais qui travaille patiemment sa transfiguration féminine en participant vocalement à cette tragi-comédie, veille au grain dans des accoutrements ridicules. On rit beaucoup, on s’informe, un flot de mots et de notes pleuvent sur un rythme effréné. Après des mois de sommeil le spectacle reprend, et nous réveille sacrément.

Hélène Kuttner

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