Philippe Lafeuille : “J’aime montrer la versatilité d’un artiste avec le défi de la transformation”
Rencontre avec le choréagraphe et directeur de la compagnie Chicos Mambo : Philippe Lafeuille, il nous transmet son humour et sa joie de vivre grâce à sa création Tutu.
Comment avez-vous commencé la danse et quel est votre parcours artistique ?
J’ai commencé la danse avec un cours de claquettes, une heure par semaine ; j’ai découvert et apprécié la danse lorsque je suis allé voir le cours de ma voisine de palier. C’est après un spectacle de Maurice Béjart et avoir compris le rapport à la musique des danseurs que j’ai voulu exercer ce métier ; à 14 ans j’ai commencé à m’exercer plus intensément, c’était surtout le corps que je devais travailler. À 18 ans première audition et premier engagement : ma vie de danseur était lancée. J’ai travaillé dans différentes compagnies, de néo classique à contemporaine. C’est un métier où l’on se forme constamment au gré des rencontres avec les professeurs et chorégraphes. J’ai toujours pensé être un bon interprète mais je ne me pensais pas être assez créatif pour être chorégraphe. J’ai déménagé en Espagne à Barcelone où j’ai commencé à le devenir, puis j’ai créé la Cie Chicos Mambo.
En 2016, vous avez réalisé la “Valse du public” à la Maison de la danse à Lyon : en quoi les spectateurs tiennent-ils une place importante au sein de vos spectacles ?
Je fais danser cette “Valse du public” après chaque représentation de Tutu. La première Valse du public, au Quai d’Angers était un prolongement de la danse vers le public, c’était déjà après Tutu. La réponse du public a été si puissante que j’ai continué, mon travail leur est dirigé. D’ailleurs, mon travail est gratifiant car le public répond toujours présent à mes spectacles. Le but de mes pièces, c’est de rendre heureux ou émerveiller les spectateurs car je leur délivre un message. Ensuite cette Valse du public représente parfaitement “le vivre ensemble”, une expérience forte où les spectateurs deviennent acteurs et s’expriment. Je trouve que l’on ne donne pas assez la parole au public. Quelqu’un a écrit un jour qu’avec Tutu je rendais le pouvoir aux spectateurs, ça ne pouvait pas me faire plus plaisir.
En quoi les costumes et les décors sonores et visuels traduisent une atmosphère loufoque dans Tutu ?
Dans tous les spectacles des Chicos Mambo il y a des costumes, des lumières, des musiques mais surtout des interprètes. L’humour commence tout d’abord par l’interprétation, le clown : la situation scénique et l’interprètes sont les premières clés du rire pour moi. Les costumes, la musique ou la lumière peuvent aussi ajouter un aspect comique. Cette atmosphère humoristique donne vie aux personnages et à l’intrigue, mais il faut aussi un petit grain de folie de la part des danseurs.
Dans quels théâtres et dans quels émissions Tutu a été représenté ?
La prochaine saison 2021/2022 sera la 8e saison de Tutu en tournée ; en novembre 2021, nous allons célébrer la 500e représentation, qui restera 3 semaines à l’affiche à Paris. Tutu a aussi participé à des émissions de TV pour sa promotion en 2014 lors de sa création ; elle a été filmée pour France 2 et a été diffusée dernièrement sur France 4. Je reçois aussi beaucoup de demandes pour participer à des émissions comme Got Talent. J’ai reçu l’année dernière des demandes d’Angleterre, des USA, de Roumanie, d’Espagne ou d’Allemagne. Nous avons participé à une seule de ces émissions en Italie car ce sont les seuls qui ont proposé une rémunération.
Depuis 2015, Tutu a voyagé en Italie et en Belgique, avez-vous pour but de faire une tournée dans d’autres pays ?
Tutu a aussi voyagé en Angleterre, en Suisse, en Espagne. Le spectacle dansant propose un langage universel qui s’adapte à tous les lieux. L’année dernière, nous devions aller à Hong Kong et Taïwan mais hélas cela a été annulé à cause de la crise sanitaire. Nous avons des projets au Portugal, au Danemark… Tutu n’a pas fini de voyager !
Tutu est une représentation de danse pluridisciplinaire où les danseurs interprètent différents rôles, pourquoi ?
Je dis toujours que mes interprètes sont des artistes polymorphes, ils peuvent et doivent pouvoir interpréter différents rôles. J’aime montrer la versatilité d’un artiste avec le défi de la transformation. Ces artistes interprètent différents rôles car il y a une multiplicité d’histoires à recréer au sein du spectacle, cela rejoint aussi ma vision : “Un être humain est multiple, à l’opposé d’être mis dans une seule case”.
Comment vivez-vous cette année particulière en période d’épidémie ?
C’est un moment difficile où il y eu arrêt sur image. Moi qui suis toujours en tournée, dans les théâtres ou sur différents projets et donc toujours en mouvement, d’un seul coup plus rien. Cela a été assez inédit pour moi, et aussi assez violent. Avec la peur de la maladie, ce que je redoutais le plus, c’était l’immobilisme causé par cette peur avec la crainte que le public ne revienne plus au théâtre. En septembre /octobre 2020, quand nous avons pu reprendre les tournées, j’ai vu que le public était toujours au rendez-vous, donc soulagé. Pour moi, cette année en suspens a été le moyen de prendre un certain recul sur mon travail, j’ai pu envisager l’avenir. Les théâtres et le public m’ont beaucoup manqué.
De quelle manière avez-vous commencé vos actions culturelles dans les milieux scolaires ?
Ce sont principalement des théâtres partenaires qui m’ont fait commencer les actions culturelles. Beaucoup de théâtres ont une politique très forte en matière d’action culturelle, ce qui m’a permis de constater qu’une pratique artistique est essentielle, notamment en milieu scolaire. J’aime beaucoup la transmission et je défends le corps en mouvement. J’ai aussi développé des projets personnels d’action culturelle comme dans les crèches avec mon projet Bébé Tutu. Avec cette pandémie et l’étiquette “non-essentiel”, l’action culturelle a permis de démontrer l’inverse. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir et je crois que la place de l’artiste est aussi de descendre de la scène pour aller rencontrer toutes ces personnes qui se sont éloignés de l’art et du spectacle, le but étant de leur faire vivre une expérience artistique qui peut être révélatrice.
Plus d’informations à découvrir sur son site Internet et son Instagram
Infos pratiques :
- Car/Men – du 15 décembre 2021 au 30 janvier 2022, au Théâtre Libre
- Tutu – du 17 novembre au 12 décembre 2021, au Théâtre Libre
Propos recueillis par Aurélie Celdran
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...