Fabienne Berthaud : “La culture du chamanisme au cinéma”
Rencontre avec une passionnée de littérature mais aussi de cinéma. Elle est la réalisatrice du film Un Monde plus grand, tiré d’une histoire vraie.
Pourriez-vous vous présenter ?
Je suis réalisatrice, romancière et parfois photographe.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai fait mon premier long métrage toute seule. Je l’ai produit avec mes économies. Je me suis achetée une caméra grand public et j’ai tourné. J’avais une assistante et nous faisions tout nous-mêmes. Décors, costumes, lumière… C’était Frankie, avec Diane Kruger. Puis j’ai adapté mon roman Pieds nus sur les limaces.Il fut sélectionné à la quinzaine des réalisateurs à Cannes et remporta le Prix Art Cinéma Awards. En 2016, je suis partie aux États-Unis pour tourner Sky, toujours avec Diane Kruger. À sa sortie, la productrice Carole Scotta de chez Haut et court me propose Un monde plus grand, adaptation du livre de Corinne Sombrun : Mon initiation chez les chamanes.
Cette histoire m’a passionnée. Je suis actuellement en montage de Tom, l’adaptation d’un roman de Barbara Constantine : Tom petit homme tout petit homme. Mon travail de cinéaste interpénètre celui de romancière. Cafards (premier roman), Mal partout, puis Pieds nus sur les limaces et enfin Un jardin sur le ventre (Prix Françoise Sagan).
Vous constatez avoir fait une initiation chez les chamanes grâce à votre film qui date de 2019. En quoi cette initiation vous a enrichi et de quelle manière ?
Elle a changé ma perception du monde. Ce film m’a sensibilisé encore davantage au vivant. À la nature qui nous entoure, dont nous faisons partie. Le chamanisme a repoussé encore plus loin mes certitudes occidentales. Je vois le monde plus grand. L’aventure fut intérieure et extérieure.
https://www.youtube.com/watch?v=18UAANdUbmU
Vous avez choisi de réaliser votre film dans l’une des tribus les plus reculées de la Mongolie, les Tsaatans. Vous êtes touchée par ce lieu sauvage. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ce retour à la simplicité ?
La joie de vivre de ce peuple éleveur de rennes. Ce sont des gens qui rient tout le temps. Loin de la société de consommation, ils vivent à leur rythme, au rythme de leurs animaux, ils sont autonomes et libres. Ils ne sont pas confrontés à la violence et le stress que nous rencontrons dans les villes. C’est un peuple qui vit en osmose avec la nature. En harmonie.
Quelle est votre vision personnelle des rites chamaniques ?
Les Mongols croient aux esprits. Leur culture est chamanique. J’y crois, quand je suis là-bas, mais c’est plus difficile, quand je reviens dans notre monde cartésien. La transe chamanique, que j’ai expérimentée avec Corinne Sombrun, m’a permis d’accéder à une perception différente de la réalité. Quand on est en transe, il y a une sorte de relation amplifiée à ce qui nous entoure. C’est difficile d’aborder le sujet en quelques phrases : je dirais que comme la méditation et l’hypnose, c’est un outil de plus pour aller chercher des informations, des réponses à nos interrogations. C’est un état de conscience modifié. Les chamanes mongols entrent en transe par le son du tambour, ils n’utilisent pas de substance psychoactive. C’est aussi une raison pour laquelle j’ai fait l’expérimentation de cette transe.
Quels ont été vos critères de sélection pour ce film ?
Il me fallait trouver des acteurs et une équipe qui acceptent les conditions d’un tournage plutôt roots. Des gens prêts à l’aventure et capables de vivre plusieurs semaines, sans eau courante, sans électricité, sans connexion Internet. On vivait au milieu de la steppe à une heure du premier village, à la frontière sibérienne. On dormait dans des yourtes, c’était le retour à la vie simple, une aventure extraordinaire.
J’ai choisi Cécile de France pour son talent et son authenticité. C’est une femme sincère, vraie, qui ne triche pas avec ses sentiments. Elle est connectée avec la nature, enracinée dans la terre. C’est sa force. Cela m’a permis de l’emmener très loin dans son interprétation. Je savais que si elle touchait à l’invisible elle reviendrait toujours. Mes critères étaient finalement très “naturels”.
Propos recueillis par Aurélie Celdran
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