Tegmo : “J’ai envie de faire voir ces choses qu’on ne voit pas, l’invisible”
Rencontre avec le street artist Tegmo. Ce dernier ne crée pas de simples miroirs dans lesquels nous viendrions nous admirer mais il propose dans la rue une structure en trois dimensions, un espace dans lequel notre regard découvre le monde qui nous entoure.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Martin, aka Tegmo, et je suis street artiste. Mon truc est le travail du miroir façon vitrail. J’ai commencé par coller petit à petit dans la rue des formes géométriques simples voir très éclatées, accompagnées de plantes pour végétaliser un peu plus la ville.
D’où vient ton nom d’artiste ?
Le nom Tegmo est né d’une histoire avec un copain vendéen. Étant moi aussi de cette région, on a eu la bonne – et malheureuse – idée de trouver le mot “mogette” en verlan, ce qui a donné Tegmo. En gros, mon pseudo est le pur produit d’un foutu haricot blanc. Ce copain créait des circuits, YuRide, sur les plus belles descentes de Paris en skate et tout ce qui a des roues. Il souhaitait baliser les débuts et fins de pistes. Un soir, il m’a lancé sur ce projet de baliser avec une structure en verre. C’est là qu’ont émergé mes premières œuvres street art. J’ai pris goût à la liberté d’expression que la rue permet et j’ai continué à prendre ces petites doses de liberté.
Pourquoi intégrer des plantes dans tes œuvres ?
Je suis fleuriste de métier. La plante me touche. Au tout début, j’ai commencé par pratiquer en atelier, j’ai créé des terrariums, des grosses structures de verre. J’ai ensuite doucement dévié vers le miroir et les formes éclatées. Généralement, j’expose mes structures côté nord avec toujours un petit chouïa de lumière pour ne pas que mes plantes cuisent au soleil, et qu’elles restent protégées avec un peu d’ombrage. J’ai plaisir à les coller sur un mur avec une touche de verdure en plus, voir apparaître un miroitement au détour d’une rue.
Comment définirais-tu ton univers ?
Très chaotique, mais à la fois hyper maniaque et millimétré. J’ai plaisir à ce qu’on ne puisse pas se voir vraiment à l’intérieur de mes miroirs. On voit une petite partie de soi mais si tu regardes en face, tu vois autre chose, ce qui t’entoure. En extérieur, on découvre d’autres points, d’autres focales sur la ville autour de soi. On a parfois l’impression de voir un mirage : une sorte de porte vers un autre monde. La végétation des arbres aide beaucoup à ça, tout comme le bleu du ciel qui apparait d’un seul coup sur un grand mur gris. J’aime à imaginer un miroir plat, normal, mais qui s’éclate et prend du volume à cause de la racine qui pousse en son sein, la plante avec son volume racinaire crée une sorte de cassure qui fait découvrir une dimension végétale.
Souhaites-tu faire passer un message à travers tes œuvres ?
Que le végétal prédominera toujours, prendra l’ascendant sur l’Homme, nous l’oublions bien trop vite avec ces paysages façonnés par l’humain. Mes miroirs révèlent des choses qui sont censées être invisibles à l’œil nu, qui se reflètent sur une grisaille, un coin de rue. Voilà ce que j’ai envie de faire voir, ces choses qu’on ne voit pas, “l’invisible”.
Peux-tu nous parler de tes projets en cours ou à venir ?
J’expose actuellement à la galerie Echomusée à la Goutte d’Or avec le Collectif O², jusqu’au 31 mai 2021. Je prévois d’attaquer un peu plus Paris cet été. J’ai commencé à coller dans le quartier de la Butte-aux-Cailles pour tester mes structures trois mois avant le confinement, puis tout l’été dernier. Là je regarde comment les plantes repoussent avec le printemps. Au printemps 2022, j’aurai ma première exposition solo au showroom Cogedim, Cour Saint-Émilion à Paris. J’ai aussi une grosse pièce qui sera emmenée au salon d’art contemporain 2022 à Miami. La suite du programme viendra au gré du vent.
Mènes-tu la même réflexion sur l’emplacement de tes œuvres en intérieur et en extérieur ?
Pour les intérieurs je n’ai pas de limites, tout dépend du mur et de l’espace que l’on me donne. Je fais toujours des œuvres un peu biscornues, qui sont anguleuses et parfois même “éclatées”, je n’aurai jamais d’arrondis. Concernant les structures en extérieur, c’est un peu la même chose mais étant donné que c’est dans la rue et donc souvent pas légal, je dois poser mes pièces assez vite. Du coup, elles sont très souvent en une seule partie. Généralement, je flâne et lorsque j’ai un coup de cœur pour un endroit, je pose ma pièce. J’avoue que dernièrement, j’adorerais me faire une cage d’escalier afin qu’on se perde dans la réflexion des marches et qu’on ne comprenne plus très bien dans quel sens avancer.
As-tu une anecdote à nous raconter ?
Un jour je faisais un tour des pièces que j’avais collées le matin même, mon amie était avec moi pour prendre des photos et une petite dame d’un certain âge nous interpelle pour nous demander si on prenait les toits de Paris en photo. Nous lui avons répondu que nous prenions le street art en photo, elle ne savait pas ce que c’était. Nous lui avons expliqué que c’était ce qui était collé sur les murs, elle nous a alors rétorqué avec un air de dégoût que les gamins qui faisaient ça n’avaient vraiment aucune éducation et qu’à son époque au moins, on savait ce que c’était que l’Art ! Bref, cela nous a beaucoup amusés et la journée en fut d’autant plus belle.
As-tu des collabs prévues ?
Je n’ai pas fait beaucoup de collabs. C’est toujours un peu compliqué avec le miroir et ma méthode de collage. J’en ai fait une avec Mais oui tu es belle et Exposito, c’était une belle expérience. Les prochaines collabs suivront en fonction des opportunités, j’aime bien rencontrer les artistes pour envisager quelque chose. Si le feeling est bon tout est possible !
Plus d’informations sur le site Internet et le compte Instagram de Tegmo.
Propos recueillis par Anastasia Le Goff
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