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Marine Laclotte : “L’animation prend tout son sens lorsqu’elle sert le réel”

Rencontre avec la lauréate du Prix du Jury de la compétition internationale « Les Regards de l’ICART ». Marine Laclotte, jeune réalisatrice, revient sur son film « Folie Douce, Folie Dure », un documentaire animé qui nous plonge dans le quotidien d’un hôpital psychiatrique.

Qui es-tu ? Quel est ton parcours ?

Je m’appelle Marine Laclotte, je suis diplômée de deux écoles d’animation, le DMA Cinéma d’Animation de l’ESAAT à Roubaix et l’Ecole des Métiers du Cinéma d’Animation (EMCA) à Angoulême. À la suite de ma formation, j’ai été sélectionnée par France TV et Tant Mieux Production, qui avaient lancé un appel à projet, pour produire une collection de 13 courts métrages, s’adressant à des réalisateurs tout juste diplômés d’écoles d’animation françaises. C’était mon premier film professionnel : j’ai réalisé un court métrage basé sur un poème de Robert Desnos : Papier Buvard. En même temps, j’ai commencé à écrire Folie Douce, Folie Dure.

Le métier de ta mère, assistante sociale, t’a-t-il inspiré dans la réalisation de « Folie Douce, Folie Dure » ?

C’est effectivement à l’origine de mon envie d’écrire ce film. J’ai grandi à Cadillac en Gironde où se trouve l’hôpital psychiatrique dans lequel j’ai tourné le son. Cet hôpital a des appartements en ville pour des personnes qui ont besoin seulement d’y aller le jour. Cette ville est donc habitée par des gens un peu étranges, différents, qui circulent et étonnent.

Depuis que je suis toute petite, j’ai été amenée à côtoyer des personnes un peu différentes, d’autant plus que ma mère était assistante sociale dans cet hôpital. Je la voyais beaucoup parler avec ces personnes, elle m’emmenait à des expositions artistiques de patients. Elle me parlait de leurs vies, de leur sensibilité, de leur humanité, sans évoquer leurs pathologies. Ça m’a donné envie de les découvrir. J’avais l’impression que c’était des personnes qui valaient le coup d’être connues.

D’où vient ce choix du documentaire animé ? Pourquoi avoir traité ce sujet à travers ce format ?

J’ai eu l’occasion de réaliser un premier documentaire animé : Ginette, avec Benoit Allard qui était élève à l’école du CREADOC (master de documentaire) à ce moment-là. J’ai adoré cette expérience car j’avais l’impression que l’animation prenait tout son sens lorsqu’elle servait le réel. 

Dans ce film, avec l’image animée, je pouvais faire revivre des souvenirs de la personne qui racontait son histoire grâce à de simples évocations graphiques ou par le jeu d’apparitions disparitions d’images. Ce travail-là, qui part du son réel, m’a ouvert une voie.

En revanche, la rencontre humaine m’a manqué. Pour mon prochain film, je savais pour je voulais réaliser un documentaire animé sans être exclue de cette étape. C’est quand même le visage des gens qui inspire les émotions que l’on retranscrit dans le dessin. Alors faire partie de la phase de tournage et prise de son me paraît primordiale pour être juste.

Partir du son pour arriver à l’image : pourquoi avoir adopté ce processus de création ?

C’était une volonté car je ne pouvais pas écrire sans savoir ce que j’allais vivre, ce que j’allais enregistrer, qui j’allais rencontrer. Donc, le son allait évidemment être ma matière première, la base de mon scénario qui s’est écrit au fur et à mesure du tournage et qui n’a pas cessé de bouger jusqu’au montage définitif de l’image. Au moment d’animer, être en immersion dans du son m’a permis de donner de la chair aux personnes que je tentais de re-faire vivre sous mon crayon. Cette existence derrière les voix m’a permise de rester sincère, de ne pas oublier ce qui m’avait touché et que je voulais montrer. 

Combien de temps as-tu travaillé sur ce film ?

Quatre ans. L’animation demande beaucoup de temps. C’était nécessaire car ces années ont permis une maturation sur le choix des scènes à mettre en image. 

« Folie Douce, Folie Dure » : pourquoi ce titre ? 

J’avais envie d’évoquer les différentes nuances de folie, car j’ai trouvé différents degrés de maladie mentale chez les personnes rencontrées dans ces institutions. J’ai côtoyé beaucoup de douceur, des gens très touchants qui m’ont inspiré de la tendresse. En même temps, on ne peut ignorer la rudesse de la maladie. Ce titre évoque bien cette idée et en plus, c’est intéressant car on a tous un peu de folie en nous, il me semble. Dans le film, les soignants portent d’ailleurs cette folie douce : ils amènent, par des chansons, par des blagues, de la douceur dans le quotidien des patients. 

Ce film cherche-t-il à sensibiliser les gens, à donner un regard nouveau sur ce milieu ?

À mon avis, c’est un milieu que l’on connaît mal ! Dans la ville, il y a des grands murs autour de l’hôpital, derrière lesquels les gens se demandent bien ce qui s’y passe : c’est très mystérieux. On imagine beaucoup de choses, mais on ne sait pas vraiment qui sont ces personnes internées. J’avais envie de faire ce film pour révéler leur humanité et, de manière plus générale, pour donner envie aux gens d’aller vers les autres. La projection du film à Cadillac a désacralisé ce qui se passe derrière ces murs.

Propos recueillis par Juliette Martin-Garcia

Plus d’informations sur le travail de Marine Laclotte

Retrouvez Folie Douce, Folie Dure sur la plateforme Vimeo des Regards de l’ICART jusqu’au 1er mars 2021 !

 

À découvrir sur Artistik Rezo :

Exposition “Portraits” à la Galerie de l’Art Singulier, de Matthieu Péronnet 

 

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