Jean Roubieu : “Je me donne les moyens pour faire ce métier alors j’ai confiance en l’avenir !”
Encore étudiant à l’École Nationale de Cirque à Montréal, Jean Roubieu est en voie de devenir un véritable artiste de cirque accompli. Spécialisé dans le cerceau-contorsion, il nous présente son parcours et nous livre ses espoirs sur la vie qu’il compte mener.
À quel âge t’es-tu rendu compte que tu étais particulièrement souple ?
C’est au collège de Clapiers que je me suis rendu compte que j’avais une souplesse naturelle pendant les cours de gym. Une amie très souple m’a donné envie d’essayer et de voir ce que j’étais, moi aussi, capable de faire. En quelques jours, j’ai eu mes grands écarts. C’est à partir de là, que j’ai voulu faire quelque chose de cette souplesse. J’ai tout d’abord pensé à la danse car ma mère vient de la danse, mais c’était compliqué de commencer à mon âge. J’ai aussi pensé à la gym mais de même, à 14-15 ans on est déjà un peu vieux pour les compétitions. Et finalement, une amie m’a encouragé à aller vers le cirque. Elle m’a fait remarquer que j’avais un côté créatif que je pourrai y développer. Elle a réussi à attiser ma curiosité et à la rentrée 2015, je me suis inscrit dans ma première école de cirque à Zepetra à Castelnau-le-Lez.
Par quelle discipline as-tu commencé ?
J’ai commencé par le trapèze. Depuis le début je voulais faire de la contorsion mais je ne savais pas comment m’y prendre car il n’y avait pas de prof. Alors j’ai travaillé ma souplesse tout seul et j’ai cherché dans les aériens. J’aimais bien ça ! J’ai d’ailleurs fait mon premier numéro de cabaret en trapèze. J’ai aussi fait du tissu aérien et à la rentrée de ma deuxième année de cirque, j’ai découvert le cerceau. J’en suis tombé amoureux immédiatement ! C’est là que j’ai senti que j’avais envie de continuer le cirque avec le cerceau, sans mettre de côté la contorsion pour autant.
Qu’est-ce qui t’a permis de franchir le cap et de rentrer au Centre des Arts du Cirque Balthazar ?
J’avais déjà en tête le fait de faire du cirque dans ma vie dès ma première année à Zepetra mais pour moi, ce n’était pas encore concret ni réalisable. Puis lors de ma 2e année, j’ai fait un cours de création. On se retrouvait un week-end par mois pour travailler sur un spectacle. Au cours de l’année, on a passé une semaine en résidence pour peaufiner le spectacle et on a fait dix jours de tournée pendant l’été. Je pense que c’est à partir de cette expérience-là que j’ai décidé que je voulais vraiment en faire mon métier. J’avais deux amis dans mon groupe de cirque qui étaient dans la même situation que moi, dont une qui était également dans ma classe au lycée. On était donc trois à vouloir présenter des Écoles et c’est ce qui m’a vraiment motivé. Ce sont eux qui m’ont poussé au début, ils étaient un exemple auquel me rattacher. Si j’avais été seul, je pense que j’aurais été un peu perdu. J’aurais aussi eu plus de mal à m’opposer à mes parents qui avaient certaines réticences.
Après un an au centre Balthazar, tu as donc intégré l’École Nationale de Cirque à Montréal (ENC) !
Oui, le centre Balthazar étant une école préparatoire, rentrer ensuite dans une école supérieure comme l’est celle de Montréal est un choix qui m’était proposé. En revanche, cela m’est arrivé un an plus tôt que ce que je ne le pensais. Il y a normalement deux ans à suivre en école préparatoire, mais la directrice de ma formation m’avait conseillé de passer les concours à partir de la 1re année. Le but était que je m’en fasse une idée et que je puisse au mieux m’y préparer pour l’année suivante. Je ne pensais vraiment pas être pris cette année-là mais il se trouve que ça a été le cas. J’ai alors suivi l’année de mise à niveau à l’ENC.
Et pourquoi le choix de l’ENC ?
C’est une école vraiment incroyable ! Ils ont beaucoup de moyens, entre les locaux et les agrées, que les écoles préparatoires n’ont pas. On a par exemple des services de physiothérapie : on peut prendre deux rendez-vous par semaine avec un physiothérapeute si on a des blessures. En plus, l’enseignement y est réputé et on progresse énormément ! J’en avais déjà entendu parler pour les cours de contorsion. Pour mon profil, c’était la meilleure école que je pouvais espérer car en plus, toutes ne proposent pas la contorsion. Pour l’emploi par la suite, c’est aussi une chance de pouvoir passer par l’ENC.
Y a-t-il une différence d’enseignement entre les deux écoles ?
Pour moi, c’est surtout l’encadrement. Au Centre des Arts du Cirque Balthazar, la politique de l’école rend les élèves plus autonomes. Par exemple, en cours de spécialité, la majorité du temps en cerceau était en autonomie, et de même en contorsion où je n’avais qu’un cours par semaine avec une prof. C’est très bien car ça permet de faire davantage de recherche mais je suis aussi content actuellement d’être plus encadré. Nous avons un coach pour deux élèves ce qui fait qu’on avance vite. C’est pour ça que j’adore être ici à L’ENC.
Quelle est la particularité de ta discipline ?
Le cerceau est un agrée aérien, comme le trapèze, le tissu aérien ou la corde. Il peut n’avoir qu’un seul point d’accroche, donc une seule attache, ou deux. Il y a des possibilités différentes pour les mouvements selon le type de cerceau. Moi j’ai toujours travaillé celui avec deux attaches. C’est plus stable, même si le premier est plus manipulable. J’aime beaucoup le “deux points” car l’espace entre les deux sangles en haut du cerceau est utile pour la contorsion. Le cerceau est également une discipline qui demande beaucoup de souplesse, même sans être contorsionniste.
Comment crées-tu tes numéros ? Quel est le rôle des profs pour cela ?
En ce moment, mes numéros sont surtout des présentations techniques. Je travaille avec ma coach des figures et enchaînements puis on crée la séquence technique. C’est à partir de la deuxième année que l’on a des cours avec des conseillers artistiques. Ils nous aident à développer un univers artistique au sein de notre spécialité, ce que j’ai hâte de faire ! Au centre Balthazar, on avait plus de temps pour la recherche artistique. J’y ai par exemple fait un duo autour de la question du genre. En général, les profs peuvent nous diriger en cherchant à améliorer nos propositions. Comme ils ont chacun fait beaucoup de scènes, ils savent ce que le public attend dans les numéros et nous orientent donc par rapport à cette attente.
Fais-tu beaucoup de représentations ?
Au centre Balthazar, on avait deux grosses représentations dans l’année : au Festival d’hiver du Domaine d’O et lors du Printemps des Comédiens. En dehors, on avait des représentations à chaque fin de semestre pour voir notre évolution au fil de l’année. Il pouvait arriver que l’on participe à des événements en extérieur dans Montpellier. À l’ENC aussi on fait des représentations assez régulièrement. On a l’évaluation de nos spécialités à chaque fin de semestre et des créations collectives tout au long de l’année. Il y a une semaine de création avec plusieurs représentations dans la semaine : on travaille avec des créateurs sur un concept, une idée, et on présente le soir même notre création devant toute l’école. Ces représentations font partie de l’apprentissage car il faut avoir l’habitude de performer devant un public. Il faut savoir assurer une représentation, gérer son stress, le rapport avec le public… Mais ça fait partie de ce que l’on aime, c’est pour les moments sur scène avec un public que l’on fait ce métier !
Y a-t-il un parcours classique pour devenir artiste de cirque ?
C’est vrai qu’il y a une voie royale : on commence par une école préparatoire puis on rentre dans un école supérieure de cirque. À la fin de cette formation, tu peux commencer ta carrière. Mais il y a tellement de façons différentes pour réussir à faire ce métier, les possibilités sont infinies ! On peut s’entrainer tout seul, sans école, avec un coach extérieur. Cela peut être parce qu’on n’a pas réussi le concours d’entrée mais aussi parce que le type de formation proposé ne convient pas à tout le monde : certains décident d’arrêter l’école en cours et arrivent quand même à faire du cirque par la suite.
Comment faire pour intégrer une compagnie ?
J’avoue que c’est encore un peu flou pour moi. Le monde après l’école me parait tellement loin ! Je sais que les compagnies peuvent démarcher elles-mêmes dans l’école pour rechercher des artistes. Au Cirque du Soleil, il y a des auditions. Plus les compagnies sont grosses et connues, plus elles peuvent se le permettre mais en général, ça se fait au contact. Ça peut se faire dans les deux sens : on peut contacter les compagnies ou alors elles peuvent venir nous faire des propositions. Les rencontres ont un rôle très important.
Quelle est la différence entre le cirque traditionnel, le nouveau cirque et le cirque contemporain ?
La grande différence, c’est le degré artistique. Le cirque traditionnel est un enchainement de numéros techniques alors qu’avec l’apparition du cirque nouveau, il y a une plus grande recherche pour trouver un univers artistique qui va lier les numéros entre eux. Le Cirque du Soleil en est le plus gros représentant. Le cirque contemporain quant à lui valorise le fond par rapport à la forme. La technique est mise au profit du sens.
N’as-tu pas peur du statut d’intermittent du spectacle ?
Oui bien sûr j’ai un peu d’appréhension, mais j’ai aussi confiance en mon école ! Je sais que la grande majorité des étudiants qui en sont sortis trouvent du travail. J’ai de l’appréhension car c’est quelque chose d’inconnu pour moi mais d’un autre côté, je me donne les moyens pour faire ce métier alors j’ai confiance en l’avenir.
Comment te vois-tu dans 10 ans, ou plus généralement quelle serait ton ambition ?
J’ai un peu réfléchi à la carrière que je voudrais faire. Pour mes premières années, j’aimerais intégrer une grande compagnie qui me permette de faire une tournée internationale ! Ensuite, j’irai certainement dans une compagnie plus intimiste de cirque contemporain. Elle me permettrait de pouvoir y développer mes propres idées. Mais j’aimerais aussi beaucoup retrouver mes amis et fonder une compagnie avec eux. Au-delà des compagnies, je pense que j’enseignerai car c’est quelque chose qui me donne vraiment envie !
Propos recueillis par Élodie Pochat
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