Tawsen : “J’écris avec facilité sur l’amour et j’ai beaucoup à raconter”
Rencontre avec Tawsen, artiste belgo-italo-marocain et jeune prodige du néo-raï qui sort aujourd’hui son dernier EP, Al Najma, signifiant l’étoile. Réelle invitation au voyage, il nous emmène avec lui découvrir l’étendue de sa galaxie. Entre mélodies dansantes et entraînantes, et l’expression d’un amour entre espoir et mélancolie, ses morceaux vous laisseront un goût d’inédit !
As-tu découvert la musique par le rap et l’univers urbain ?
Pas du tout. J’écoutais autant Kelly Clarkson que les Black Eyed Peas… et bien d’autres. J’ai découvert la musique tout seul, je n’ai pas eu de grand frère qui te guide en te disant : “Écoute ça”. Je recevais des suggestions musicales par Bluetooth, ce qui s’écoutait à l’époque. Je téléchargeais les albums, peu importe les catégories. Et la musique m’a toujours accompagné, sur mes chemins d’école, dans le métro…
Te souviens-tu de la première fois où tu t’es entendu chanter ?
Quand j’étais très jeune et que je vivais encore en Italie, le truc musical qui se rapprochait le plus du chant était ce qu’on appelle des “anachîd”, qui sont des chants musulmans où l’on raconte des histoires sur une petite mélodie. À l’époque il y avait Sami Yusuf, un chanteur assez connu qui passait à la télé, et ma mère et moi aimions beaucoup chanter les refrains avec lui. J’ai réalisé que j’aimais jouer avec ma voix. Six ans plus tard, je suis dans le fond de la classe à écouter du Adele à fond et j’essaie d’imiter les mêmes notes, en chantant dans les aigus pendant un cours de maths !
On ressent beaucoup d’éclectisme et de mélanges dans tes morceaux. Est-ce l’influence de tes origines, ou des différents univers musicaux qui t’animent ?
C’est ça, c’est un mélange des deux et l’éclectisme est un mot qui me décrit très bien. Le mélange des origines, ce n’est pas quelque chose que l’on choisit. Je suis d’origine marocaine, quand je vais en vacances j’ai de la famille qui écoute un style de musique qui m’intrigue et qui fait maintenant partie de mon subconscient, même si je ne l’écoute pas de manière volontaire et régulière. Ensuite, en Italie, il y a un style de musique “variété italienne” qui est très différente de la française, c’est d’autres accords, une autre langue. Du coup quand je vais chez mes amis, leurs parents écoutent Ramazzotti, je l’entends encore une fois malgré moi et ça finit par faire partie de moi. Et personnellement, ce que j’aime c’est remplir mon téléphone de chansons, tout ce qui se présente à moi je le télécharge. Personne ne m’a jamais influencé. J’écoute vraiment de tout. Je n’ai pas de repères musicaux figés appartenant à une catégorie, et ma musique le transpire. Je m’imprègne de tout ce qui m’entoure, de mes diverses influences culturelles, sociales et musicales, qui ne sont pas contrôlées ou dirigées.
Peux-tu nous toucher quelques mots de la réalisation du clip La Météo – deuxième titre dévoilé de ton dernier EP – plus proche d’un documentaire sublimé que d’une mise en scène construite, donnant une ampleur et une profondeur à l’écoute ?
Ma première idée, c’était de faire un clip en noir et blanc. Je venais de regarder La Haine et ça m’a beaucoup inspiré. Ensuite, en scrollant sur Instagram, je suis tombé sur une vidéo de Yousra Dahry dans laquelle elle échangeait avec des jeunes de mon quartier et leur posait des questions sur l’amour. Je me suis dit que c’était un signe, je lui ai donc proposé d’écrire un scénario et d’inviter tous ces jeunes à tourner dans le clip. Ce qui finalement fait symbole dans cette réalisation, c’est l’amour dans les quartiers.
Les émotions, les sentiments, le lien, particulièrement amoureux, ont l’air d’être pour toi de réels trésors d’inspiration. Est-ce qu’on se trompe en te supposant un côté sensible et romantique ?
Bien sûr qu’on ne se trompe pas et je l’assume totalement. Je suis fier d’être ce que Drake appelle un “Certified Lover Boy”. J’ai grandi avec beaucoup de femmes à la maison, il n’y avait pas ce truc de “tu es un homme, il ne faut pas trop montrer ses sentiments”. Mon père n’était pas comme ça. Depuis tout petit, j’ai toujours couru derrière l’amour. Je suis du genre à regarder Vampire Diaries ou Gossip Girl, à pleurer à la fin de La La Land. Et ce côté féminin et sensible, je le porte avec fierté. Il y a parfois des gens sur les réseaux sociaux qui me disent : “Ah, mais tu es gay ?”, simplement parce qu’ils ne sont pas habitués à ça. Même aujourd’hui dans l’industrie musicale, là où en Amérique les sentiments ont pris beaucoup de place dans le côté urbain/hip-hop où ça parle de suicide, de criminalité, d’amour et de tristesse, sans vraiment de filtre ; ici dans le hip-hop, c’est davantage réservé aux femmes. Il n’y a pas encore ce truc de l’artiste urbain qui s’en fout. Moi, dès le début on m’a demandé : “Pourquoi les sentiments, pourquoi ce sujet ?”. J’aime ce sujet. Pour moi les meilleures chansons de l’histoire, ce sont des chansons d’amour. Et encore une fois, c’est lié à mon but d’aller toucher le plus de gens possible en plein cœur. J’écris avec facilité sur l’amour et j’ai beaucoup à raconter.
Le titre Habibati, qui signifie “ma chérie”, témoigne très bien de l’effet émotionnel inédit du mélange de l’arabe et du français lorsqu’il s’agit de te confier en musique. Est-ce important pour toi de mettre en voix tes textes par différentes expressions de langage ?
Oui, c’est important pour moi et je me trouve très chanceux d’être polyglotte, parler l’arabe, la darija ou l’italien… J’ai ce bagage, j’aime en user. J’utilise cette diversité car pour moi cette question de représentation de l’identité est très importante et ça passe aussi par la musique. Et il est vrai que ça m’aide aussi à faire passer des émotions, car quand j’écris mes chansons d’amour je n’aime pas aller dans les détails, sûrement par pudeur mais aussi dans une volonté de rester accessible. Quand j’ai commencé à écrire Habibati par exemple, je voulais monter en intensité au niveau du refrain, je ne trouvais pas vraiment comment exprimer ce climax en français donc j’ai été chercher des mots en arabe, jusqu’à avoir l’idée de reprendre Youm Wara Youm de Samira Said. Aujourd’hui, ce morceau est en top dans des pays qui ne parlent pas forcément l’arabe, et c’est ça mon intention.
Comment différencierais-tu tes deux premiers EPs, Al Warda et Al Mawja, de celui que tu nous présentes aujourd’hui : Al Najma ?
C’est Tawsen, en mieux ! J’ai plus été dans la profondeur, que ce soit dans les textes, dans les mélodies. J’ai élargi mon panel artistique. Avec cette trilogie d’EPs, je voulais une carte de visite où je montre l’étendue de mon univers musical : me voilà sur de l’afro, de la guitare-voix, du piano, de l’électro, du rap… Aujourd’hui avec l’expérience, j’ai pu aller chercher encore plus loin dans mes inspirations et je suis sûr de mon coup.
Sailor Moon est un titre entraînant comme Safe Salina, nous emmenant avec toi dans ces déclarations au parfum dansant. Peux-tu nous parler un peu du travail de composition et d’association musique–texte, créant cette synesthésie autour de tes mots ?
J’aime beaucoup Stromae, notamment Papaoutai où il associe un texte plutôt triste sur un père absent, à une prod qui nous a tous fait danser. C’est exactement ça que je veux créer comme symbiose, comme contraste. Personnellement, le travail autour du texte et de la mélodie se fait simultanément. J’ai conscience que je tends plus facilement vers des mélodies, des accords et des textes mélancoliques. Donc quand je rencontre un beatmaker, je lui dis tout de suite de commencer avec des basses, des notes plus joyeuses, pour soulever une énergie. Safe Salina par exemple, c’est une chanson de rupture, qui pourtant est écoutée dans les mariages. C’est l’énergie dansante, la rythmique qui vient avant tout toucher les corps.
Ton EP sort aujourd’hui, nous offrant la découverte du clip de Cherry Bye Bye. Je laisse donc nos lecteurs prendre la route avec toi et te laisse le mot de la fin :
Je les invite à monter dans le train Tawsen car le chemin vient de commencer et je pense que le voyage va être incroyable !
Pour découvrir le dernier EP de Tawsen, rendez-vous sur YouTube, Deezer et Spotify.
Propos recueillis par Joséphine Roger
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