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Turner – Peintures et aquarelles au musée Jacquemart-André

9 janvier 2021
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En 2020, le musée Jacquemart-André a proposé une rétrospective de Joseph Mallord William Turner (1775-1851). Incontestablement le plus grand représentant de l’âge d’or de l’aquarelle anglaise, il en cultiva les effets de lumière et de transparence sur les paysages anglais ou les lagunes vénitiennes. 

Cette exposition a dévoilé le rôle qu’ont joué les aquarelles dans la vie et l’art de William Turner, des œuvres de jeunesse qu’il envoya à la Royal Academy aux fascinantes expérimentations lumineuses et colorées de son âge adulte. Ces dernières œuvres sont considérées comme les plus radicales et abouties pour le public moderne. Grâce aux prêts exceptionnels de la Tate Britain de Londres, qui abrite la plus grande collection de Turner au monde, le musée Jacquemart-André accueillit une exposition de 60 aquarelles et 10 peintures à l’huile, dont certaines n’avaient jamais été présentées en France.

Tout d’abord, il est important de préciser que l’exposition se concentre sur les aquarelles produites par le peintre, peut-être plus méconnues que ses peintures à l’huile. Plus qu’un support, l’aquarelle est pour lui un véritable champ d’exploration auquel il s’adonne au fil des années et de ses voyages. Turner est en effet un grand globe-trotter, il parcoure la Grande-Bretagne, puis part à la découverte de l’Europe. Avec quelques coups de pinceaux, il fait émaner sur son papier blanc les plus poignantes vues des paysages d’Italie, d’Allemagne, de France et de Suisse. Il est le maître de la lumière, et en joue comme nul autre.

SALLE 1 – DE L’ARCHITECTURE AU PAYSAGE : LES ŒUVRES DE JEUNESSE

Lorsque l’on pénètre dans la première salle, sont affichées les premières œuvres de l’artiste. On comprend alors que William Turner prend l’habitude de partir en voyage l’été avec ses carnets de dessins, il part en quête de sujets d’inspiration pour créer des œuvres destinées à alimenter les expositions de la Royal Academy ou à satisfaire diverses commandes. Au cours de ces années, la représentation par les artistes anglais du paysage et du patrimoine nationaux recèle des accents patriotiques. Turner devient un artiste recherché des collectionneurs, comme l’antiquaire Sir Richard Colt Hoare à Stourhead et le très fortuné William Beckford à Fonthill Abbey.

J. M. W. Turner- Vue des gorges de l’Avon, 1791 –  © Tate

 

SALLE 2 – NATURE ET IDÉAL : L’ANGLETERRE, 1805-1815

La deuxième salle nous rappelle le contexte géopolitique et historique de cette période, l’Europe continentale redevient inaccessible jusqu’à la défaite de Napoléon en 1815, si bien que Turner continue d’explorer l’Angleterre. Ces projets font connaître son art à un public plus vaste. En 1807, il est nommé professeur de perspective à la Royal Academy, tout en poursuivant sa production de compositions originales à l’aquarelle. Élaboré à partir de motifs à l’aquarelle,  il fonde des catégories de paysage, allant du naturaliste au paysage idéal : “architectural”, “historique”, “marin”, “montagneux”, “pastoral” et “pastoral élevé”.

Vue de Richmond Hill et d’un pont, exposé en 1808 –  © Tate

 

SALLE 3 – À LA DÉCOUVERTE DE L’EUROPE : 1815-1830

La salle numéro 3 établit un changement assez net avec les précédentes. En effet grâce à  l’application d’une paix durable en Europe, Turner parcourt en 1817 la Belgique, les Pays-Bas et la Rhénanie allemande. Suivent de nombreux voyages sur le continent durant près de trente ans, souvent dans des régions montagneuses ou le long de cours d’eau majeurs. En 1819-1820, il effectue un “Grand Tour” d’Italie de six mois, à Rome principalement, où il apprend les grands monuments, l’art et les antiquités, également à Naples et à Venise. On perçoit ici l’accentuation de son traitement déjà intense de la lumière et de la couleur.

L’Artiste et ses admiratrices, 1827 –  © Tate

 

SALLE 4 – LES VOYAGES DE TURNER : 1830-1840

Dans les années 1820, Turner a exploré la France au fil de la Seine et parcouru la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. Durant les dix années suivantes, il poursuit ses voyages en Europe. À cette époque, il aime peindre les paysages, les petites et les grandes villes à l’aquarelle et à la gouache, sur des papiers teintés qu’il transporte en liasses avec ses carnets habituels. On comprend dans cette salle que Turner travaille rarement à l’aquarelle en extérieur : il préfère ajouter les détails et la couleur dans un second temps.

La Vision de Colomb, pour les Poèmes de Samuel Rogers, vers 1830–1832- © Tate

On remarque grâce aux œuvres de cette salle, que Turner explore toujours les couleurs saturées comme base de gravures en noir et blanc. Ce sont les seules fois où il utilise la gouache et le papier coloré pour des images finalisées comme pour des croquis. “Finalisées” doit d’ailleurs être employé judicieusement : si plusieurs, notamment ses vues de Paris, se distinguent par un grand nombre de détails, d’autres sont rapides et sommaires, certaines particularités, n’étant que suggérées par des touches de couleur et des rehauts. Au-dessous, le papier de couleur joue le rôle d’une base à l’aquarelle, constituant la demi-teinte sur laquelle les accents sont placés.

SALLE 5 – LUMIÈRE ET COULEUR

Lorsqu’on entre dans cette salle, on appréhende le travail et les aquarelles de Turner d’un tout autre point de vue. Sa pratique de l’aquarelle amène Turner à exécuter des études en couleurs détaillées de même format que ses projets aboutis. Même pour ces compositions, il aurait déclaré : “qu’il ne travaille pas selon un processus établi, mais joue avec les couleurs jusqu’à ce qu’il ait exprimé les idées qu’il a en tête”. D’amples lavis aux couleurs intenses transparaissent souvent sous le fini délicat d’aquarelles achevées. Sa pratique de la peinture à l’huile suggère des procédés comparables. Les “ébauches colorées” peuvent tout à fait apparaître à des spectateurs modernes comme l’expression d’humeurs et d’atmosphères. Que Turner en ait conservé autant laisse supposer que lui-même retirait une satisfaction esthétique de ces expériences privées.

.JLe Rameau d’or, exposé en 1834 – © Tate

 

SALLE 6 – UNE APPROCHE SENSIBLE DE L’ART

Dans cette salle une palette et un cabinet à pigments ayant tous deux appartenu à Turner sont présentées. Ils témoignent de son audace dans l’utilisation des couleurs et en particulier d’un usage chronique des couleurs primaires, le rouge, le jaune et le bleu. Ce goût pour les coloris éclatants va s’exacerber dans les œuvres de sa maturité.

SALLE 7 – MAÎTRE ET MAGICIEN : LES ŒUVRES DE LA MATURITÉ

La salle 7 comporte une partie des plus belles aquarelles de Turner, de tailles plus importantes, elles prennent un caractère plus imposant et captivant. Elles datent de la dernière décennie de sa carrière, les années 1940. Au fur et à mesure que la pression des grands projets d’estampes diminue, Turner redevient plus prolifique dans sa production privée.

Quai de Venise, palais des Doges, exposé en 1844 – © Tate

SALLE 8 – LA MAIN ET LE CŒUR : LES DERNIÈRES ŒUVRES

La dernière salle comporte le résultat de plus d’un demi-siècle de travail et de voyages. Durant ses dernières années, Turner se rend régulièrement dans la ville balnéaire anglaise de Margate. Là, les limites de la Tamise se confondent avec l’horizon infini de la mer sous les ciels “les plus beaux de toute l’Europe”, selon ses propres mots. Devenues de vraies méditations de l’artiste sur le monde, elles sont teintées de lumière.

Son style se fait plus vif, la touche plus empâtée et les compositions figuratives cèdent le pas à des toiles qui suggèrent plus qu’elles ne décrivent, en s’appuyant sur une estimation subtile de la lumière, de la couleur et des effets atmosphériques. Cette dissolution des formes au profit d’effets sensibles, d’abord visible dans ses marines, est également à l’œuvre dans les dernières toiles que l’artiste expose au public à la Royal Academy en 1850. Turner s’éteint l’année suivante, en laissant derrière lui un fond d’une richesse et d’une variété exceptionnelle.

Venise : vue sur la lagune au coucher du soleil, 1840 – © Tate

Profitez d’une visite virtuelle sur le site du musée. 

Propos de Victoire Vauris

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