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Heeka : “Je voulais un EP fidèle à ce qui se passe sur scène”

Elodie Pochat 23 décembre 2020
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© Christel Rodriguez

Heeka, jeune chanteuse de 24 ans, nous a dévoilé ce 27 novembre 2020 son premier EP Black Dust. Entre folk intimiste et blues-rock sans filtre, Hanneke Hanegraef de son vrai nom nous emmène dans son univers à l’image de sa voix à la fois douce et si puissante.

Quel est ton parcours ? Comment en es-tu arrivée à la musique ?

Je suis partie à 15 ans pour faire un lycée option cirque à Châtellerault. Ensuite, je suis rentrée à l’ENACR, l’École Nationale des Arts du Cirque à Rosny-sous-Bois, puis au CNAC, le Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne. Entre les deux écoles, je me suis fait opérer du genou à la suite d’une blessure. Après ça, je ne pouvais pas reprendre un parcours circassien normal car j’aurais toujours eu peur que mon genou me joue des tours. Alors j’ai choisi de faire autre chose. J’ai mis deux ans pour me décider à me lancer dans la musique qui faisait déjà partie de ma vie depuis plusieurs années. Je jouais du piano dans ma chambre mais j’étais très timide et c’était dur pour moi de le faire devant un public. Maintenant, je me suis confrontée à cette peur, ce qui explique que je peux défendre mes chansons sur scène et à travers ce premier EP.

Tu composais déjà à cette époque ?

Je n’ai jamais vraiment fait de reprises. Quand je jouais chez moi, c’était en faisant de l’improvisation. Je composais un peu au lycée, par ordinateur, et je chantais par-dessus mais c’étaient des compositions que je comptais garder pour moi. Je ne pensais pas du tout à les défendre sur scène. J’ai toujours fait de la musique de cette manière, en composant et en improvisant.

Comment est né le projet Heeka ? Qu’est-ce qui t’a finalement donné envie de partager tes chansons ?

Il y a eu un événement important pour moi, qui m’a obligée à me confronter à ma peur. Lorsque j’étais à l’École de cirque de Rosny, on m’a un jour demandé si je pouvais faire un morceau guitare-voix pour accompagner une performance de danse au cours d’un spectacle. C’était la première fois que je me retrouvais seule avec ma guitare et un micro, à devoir me lancer. Je dois bien avouer que j’étais assez en panique mais après coup, je me suis dit qu’avec du temps, j’arriverai à le faire en stressant beaucoup moins. C’est comme ça que ma vie de musicienne a commencé. Par la suite, j’ai été prise dans une formation qui s’appelle “Parcours d’artiste” à Toulouse et qui a duré trois mois. J’y ai appris ce qu’il fallait savoir et savoir faire pour développer un projet musical. Cette formation m’a vraiment été très utile. C’est durant cette période que j’ai commencé à monter “Heeka” car c’était un défi que je voulais relever. Je me suis dit : “Allez, n’aie pas peur et vas-y !”

Sur les morceaux de ton EP, il n’y a pas de musique par ordinateur. Pourquoi ce choix ?

C’était une réelle volonté. Je n’avais pas du tout envie de fonctionner avec des boucles et des ordinateurs. Sur scène aussi il n’y a que des vrais instruments. C’est quelque chose qui se perd un peu je trouve. C’est triste parce que c’est vraiment ce qui rend la musique vivante pour moi. En plus, ça permet de garder la liberté de changer son morceau, même en live. Dans “Heeka”, je suis principalement à la guitare et au chant. L’enregistrement est très réaliste. Je verrai pour les suivants mais j’avais envie de garder cet EP très brut et fidèle à ce qui se passe sur scène.

© Laura Bec

Jouais-tu déjà ces morceaux en concert ?

Oui, ainsi que d’autres qui ne sont pas encore sortis. Cet EP, je l’ai pensé comme un objet que les gens pourraient rapporter chez eux après les concerts, dans lequel ils pourraient reconnaître les morceaux joués sur scène. Comme il n’y a pas de concerts en ce moment, j’ai dû repenser toute la communication autour du projet.

Quand as-tu enregistré ton EP ? Est-ce que sa sortie a été décalée à cause de cette période ?

En musique, il faut toujours beaucoup de temps pour faire un EP ou un album. Avec Manu Panier (bassiste), Joris Ragel (guitariste électrique) et Pablo Echarri (batteur), les trois musiciens qui m’accompagnent, on a enregistré le premier morceau en janvier et les autres en mars donc ça fait presque un an maintenant. On a eu de la chance car on a fini d’enregistrer en studio le 6 mars et on était confiné le 13. Ça aurait été bien plus compliqué avec le confinement. L’EP devait sortir un peu plus tôt mais j’ai fait le choix de décaler sa sortie pour le 27 novembre. Finalement avec le second confinement, c’est revenu un peu au même mais j’ai décidé de le sortir quand même car je voulais aller de l’avant. C’était aussi une manière de rester motivée.

Ce premier EP est en autoproduction. Tu peux nous dire comment tu t’es organisée ?

J’arrive dans un milieu dans lequel je n’ai pas grandi donc je n’ai pas énormément de réseau. C’est pourquoi je me suis dit qu’il fallait que je me lance en autoproduction. Je suis signée chez le label Koala Records pour la distribution numérique. Pour les CD physiques, je suis en distribution indépendante donc j’ai mon carton de CD chez moi. J’avais envie de faire cet EP sans attendre, de me lancer et d’aller de l’avant, malgré cette période difficile.

© Christel Rodriguez

Quel est ton processus de création ? Comment écris-tu tes morceaux ?

Ça dépend des fois. Pendant un certain temps, je fonctionnais en écrivant les paroles en même temps que je composais. Récemment, j’ai commencé à écrire des morceaux pour lesquels j’avais déjà écrit les textes avant. Il peut m’arriver de mélanger un texte et un morceau de guitare qui étaient tous deux indépendants à l’origine. Je teste encore plein de choses. Ça vient naturellement, je laisse au morceau la liberté d’éclore à sa façon.

J’entends tes morceaux comme des poèmes mis en musique, Never Alone est par exemple presque a capella. On sent une grande force dans ta voix lorsque tu chantes. Quel est ton état d’esprit quand tu composes ?

L’état d’esprit de chacun de mes morceaux est lié à mes émotions. Pour moi, la musique a toujours été un exutoire, un moyen de m’exprimer. Avec elle, je peux sortir des sentiments qui sont complètement coincés en moi et souvent, il s’agit de la colère, de la tristesse ou du dégoût envers des aspects de la société ou d’histoires personnelles. Ce sont toujours des sujets qui me touchent profondément.

© Laure Marin

Pourquoi le choix de chanter en anglais ?

Ma langue maternelle n’est pas le français car je suis Flamande et les sonorités flamandes sont plus proches de celles anglaises que de celles françaises. Il y a une musicalité intéressante dans la langue anglaise. En français, ce sont plus les chansons à texte qui me touchent. Mais j’écoute assez peu de musiques en français.

Et il t’arrive d’écrire en flamand ?

Pas encore, mais je pense que je le ferai un jour, ça me donne déjà plus envie que de chanter en français.

Quels sont les artistes qui t’ont inspiré ? Quelles sont tes références musicales ?

Je n’ai pas écouté énormément de musique étant petite, alors j’ai découvert plein de genres musicaux, de groupes et d’artistes ces dernières années, comme par exemple le blues et le rock il y a trois ans. C’est donc assez récent. Parmi les artistes que j’aime bien, même si je ne peux pas dire que j’ai grandi avec, il y a Fink et le groupe All Them Witches, plus rock. Je découvre aussi petit à petit PJ Harvey car on me l’a souvent citée en fin de concert. Pendant le confinement, même si j’ai bien été occupée par la sortie de l’EP, j’ai pris le temps de bien me poser pour écouter de la musique, de m’imprégner de l’univers de certains groupes et artistes. C’est du temps qu’on a de moins en moins.

Tu as aussi trouvé le temps de réaliser tes clips.

Oui, j’ai réalisé un clip à chaque confinement. Je me suis retrouvée avec une caméra et je voulais sortir un clip avant la sortie de l’EP. Comme le premier clip était en stop motion, je voulais faire le deuxième différemment. Je me suis mise au défi de réaliser un clip en trois semaines à partir de presque rien. J’ai fabriqué mes petits bonshommes avec du papier mâché, du carton et du fil de fer. J’y ai passé beaucoup de temps mais j’adore me mettre dans une bulle, fixée sur un objectif.

Le premier clip Elsewhere :

Le deuxième clip Black Dust :

Est-ce que tu as d’autres idées de projets en tête ?

Oui, je réfléchis déjà à un premier album qui aurait donc beaucoup plus de titres. Je laisse l’idée mûrir dans ma tête, mais ça ne sera pas pour tout de suite. Il faut d’abord que je développe le projet et mon réseau en faisant des concerts. Un de mes premiers objectifs dans mon entourage professionnel, ce serait de trouver un booker ou une bookeuse, donc une personne qui pourra chercher des dates auxquelles je pourrais jouer. C’est un travail monstrueux et un métier où il faut savoir se vendre, et j’ai un peu de mal avec ça. J’aimerais énormément déléguer ce travail à quelqu’un d’autre. Au début, quand on développe un projet musical, je pense qu’on fait à peu près sept métiers à la fois donc c’est difficile de tout faire très bien. En plus, dans tout ça, il peut être compliqué de trouver du temps pour faire de la musique à proprement parler, et c’est un peu frustrant. C’est pourquoi ce serait déjà un accomplissement énorme pour moi de réussir à faire ça, dans les mois ou l’année qui suit.

Vous pouvez retrouver Heeka sur Facebook et Instagram

Pour écouter l’EP Black Dust complet, cliquez ici et pour commander la version CD .


Propos recueillis par Elodie Pochat

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