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Léa Rouaud : “Je mets une part de moi dans chacune de mes réalisations”

Elodie Pochat 15 décembre 2020
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© Marie-Mélodie Ramirez

Léa Rouaud, jeune réalisatrice talentueuse de 26 ans, se construit une place bien légitime dans le monde de l’audiovisuel. Elle a par exemple réalisé toutes les vidéos LowCost d’Alex Ramirès ainsi que sa mini-série Profession. Elle est également co-créatrice du collectif audiovisuel féminin Les Nébuleuses. À l’occasion de son nouveau clip Poodle’s, elle revient sur son parcours et nous explique tout sur la genèse de sa nouvelle création.

Peux-tu nous parler de ta formation et de ton parcours ?

J’ai fait un bac littéraire puis une école privée d’audiovisuel à Montpellier qui s’appelle Studio M où j’ai suivi une formation de réalisation pendant 2 ans. Cette formation nous a appris à toucher à tous les métiers de l’audiovisuel : l’image, le son, le montage… En tant que réalisateur/trice, on doit connaître tous les postes pour mieux savoir les approcher et les utiliser. La première année, j’ai fait un stage dans une boite de production à Nîmes qui s’appelle K-Prodz. J’ai été 1re assistante réalisatrice sur un de leurs courts métrages et comme je me suis bien entendue avec Quentin Uriel, le créateur et patron de la boite, j’ai continué à travailler avec eux tous les week-ends sur des courts métrages et autres projets audiovisuels. J’y ai fait des clips, de la fiction, des documentaires, de la série, de la pub…, je bossais bénévolement pour eux. C’était très prenant car en plus de ça, la semaine j’étais à l’école et de 5h à 9h chaque matin, je faisais le pain pour la boulangerie d’Intermarché. Bien sûr c’était intense mais c’était vraiment cool et très formateur.

C’était génial d’avoir une expérience qui me permettait de mettre en pratique la théorie que j’apprenais en cours pendant la semaine. C’est là que j’ai commencé à apprendre le métier. À la fin de ma formation, Quentin m’a engagée dans la boite. Cela m’a permis de travailler dans le milieu directement après l’école. Ce qui était aussi très formateur, c’est que j’étais la seule fille de l’équipe et que j’avais 18 ans alors que tout le monde en avait 30 et se connaissait depuis plus de 10 ans. C’est là que j’ai dû trouver ma “voie” et ma place.

Maintenant tu écris, réalises, montes, produis… Est-ce que c’est courant d’être multi-casquette à ce point ?

Quand tu es réalisateur en France, souvent tu écris tes propres projets. Pour le montage, normalement, tu as un monteur, mais moi pour l’instant c’est juste que je n’ai pas encore trouvé ma “perle rare”. J’ai aimé l’audiovisuel avec le montage parce que j’en faisais au collège, donc j’ai eu l’habitude de monter tout ce que je filmais. Comme avec chaque chef de poste de son équipe, c’est important d’être en osmose avec son/sa monteur.se, et rencontrer les bonnes personnes peut prendre du temps. De plus, je peux avoir une idée en tête tellement précise, ce qui était le cas pour Poodle’s, que je préfère faire le montage moi-même. Cela dépend donc des projets mais il y a quand même des réalisateurs qui font les trois. Pour ce qui est de la production, c’est surtout parce que je n’ai pas encore trouvé de producteurs pour financer mes projets donc je le fais moi-même. On n’a pas trop le choix au début. C’est vraiment un investissement.

Pour ce qui est de ton clip Poodle’s, il met en scène la collection d’Anaïs Blanc. Quel a été le point de départ de votre collaboration ?

Cela fait trois ans que nous nous connaissons et nous sommes proches. On avait déjà travaillé ensemble, comme lorsqu’elle a fait le stylisme de mon court métrage Inhumain et du clip Créneau. Il y a un an, elle a été appelée par la Fashion Week afin de créer une collection de huit tenues pour un défilé. Elle m’a montré les dessins de sa collection et, alors que rien n’était encore fait, je suis tombée amoureuse du style. Dès le premier coup d’œil, je me suis dit qu’il fallait absolument en faire un clip parce que c’était beaucoup trop beau ! Il fallait que je mette sa collection en scène.

© Marie-Mélodie Ramirez

Qu’est-ce qui t’a le plus plu dans cette collection ?

Quand elle est devenue styliste sur mon court métrage, on a appris à se connaître et on est devenu très proche. On a compris qu’on avait les mêmes goûts pour tout, que ce soit sur la pop culture, le cinéma, les séries, les vêtements… On est vraiment très similaire, c’est pour ça que je lui fais entièrement confiance. Du coup, quand j’ai vu sa collection, forcément c’était aussi dans mes goûts. Pour moi, elle est très avant-gardiste et très colorée. Elle est très moderne tout en utilisant des coupes, des techniques et des couleurs des années 60, 70, 90. Ce sont des époques qu’on aime beaucoup voir revenir aujourd’hui. Elle ose faire plein de choses que de nombreux stylistes n’osent pas faire, comme par exemple, une tenue entièrement faite avec des motifs de caniche. Cette tenue est super parce que c’est osé et c’est ça qui m’a plu. Je crois énormément en cette femme qui a pour moi énormément de talent.

Comment as-tu imaginé ce clip ?

J’ai commencé par voir les vêtements, ce qui m’a tout de suite donné une “image”, celle en introduction du clip avec tous les modèles dans le salon.

© Léa Rouaud

De là, il fallait que j’écrive une histoire pour que ce ne soit pas uniquement visuel. J’avais vraiment envie d’aller plus loin que des modèles qui posent et qui montrent les tenues. Je me suis donc dit que leur comportement devait évoluer au fil du clip : d’abord ils posent puis pètent un câble et à la fin, ils se moquent totalement de poser et s’éclatent en dansant. Pour bien le montrer à l’image, j’ai essayé d’imaginer chaque accessoire sur lequel le modèle pouvait s’énerver. Mais il fallait que ces accessoires soient dans les décennies qui ont inspiré les tenues. Je voulais donc du mobilier des années 60 et des accessoires des années 90. Je cherchais des références sur Internet et je les envoyais à mon chef décorateur. C’est lui qui m’a dessiné la majorité des décorations de la pièce que l’on voit dans le clip. Pendant des mois on a cherché des objets sur Le Bon Coin, eBay, dans les brocantes. Il y a aussi eu un travail intensif concernant la recherche des modèles car il fallait qu’ils puissent également jouer la comédie. On voulait aussi qu’un homme pose parmi les modèles féminins car selon Anaïs et moi, ses tenues peuvent être portées par toutes les personnes qui le souhaitent.

© Léa Rouaud

Vous avez lancé un crowdfunding en début d’année pour aider à la production. Cela a bien marché ?

Oui ! On était bien avancé dans le projet quand je me suis dit qu’il nous fallait plus d’argent pour avoir le meilleur rendu possible. Je ne voulais pas qu’on mette autant d’énergie sur un projet qui ne nous aurait pas plu à la fin. Alors, j’ai proposé à Anaïs et à Laurie, la directrice de production et la deuxième créatrice du collectif Les Nébuleuses, de lancer un crowdfunding. En une semaine, l’objectif-budget que l’on s’était fixé était rempli !

Laurie Ravaux, Léa Rouaud, Yolaine Deste, Anaïs Blanc (Alexia Duboeuf et Manon Girardi complètent ce collectif) © Marie-Mélodie Ramirez

Cela fait un an maintenant que tu as lancé ce projet. J’imagine que le confinement du printemps l’a retardé ?

Au début, on devait tourner en avril mais avec le confinement on a du tout décaler. En plus, c’est difficile de convenir aux emplois du temps de tout le monde, surtout dans un projet bénévole. Finalement, on a pu faire nos deux jours de tournage en septembre. Le confinement a rendu le décalage de la date complexe mais en échange, on a eu plus de temps pour rassembler des accessoires et de la décoration en plus. Pour le clip, c’était un mal pour un bien. Je suis très contente du résultat.

Qu’allez-vous faire du clip maintenant, comment comptez-vous l’utiliser ?

Pour l’instant, il fait sa petite vie sur Internet et j’ai beaucoup de retours positifs donc je suis très contente. Ensuite, je pense qu’on le présentera à des festivals de clips. Mais le but originel était qu’Anaïs puisse avoir cette vidéo-là pour présenter sa collection, et moi, pour montrer un peu plus mon univers. En ce moment, on se lance sur la préparation d’un deuxième clip qui présentera deux de ses nouvelles tenues.

Le clip Poodle’s :

Est-ce que, lorsque tu choisis les sujets que tu souhaites traiter et réaliser, tu as une ligne artistique définie ?

Très honnêtement, je crois que j’ai vraiment un univers qui se crée au fur et à mesure du temps. J’aime aussi bien réaliser des clips qui mettent en scène de la danse ou une histoire, que de la fiction. Je n’ai pas vraiment de ligne directrice mais j’ai plus un univers que j’essaie de mettre dans des genres et formats différents.

Est-ce que la création de ton univers était quelque chose de conscient en toi ?

Au tout début, quand j’ai voulu devenir réalisatrice, je flippais pas mal parce que tous les réalisateurs parlent du fait d’avoir un univers bien à eux. Quand j’ai commencé, j’ai eu peur de ne pas réussir à avoir une patte à moi, que ce soit triste et plat. J’ai toujours beaucoup stressé sur ça mais je ne voulais surtout pas le forcer. Et au fur et à mesure que je réalisais des choses, je me suis rendu compte que je mettais souvent des miroirs, des paillettes, des néons et que je faisais souvent tel genre de plan. Il y avait vraiment des choses qui revenaient. Et depuis un an, il m’arrive de recevoir des messages de gens que je ne connais pas et qui me disent beaucoup apprécier mon univers, donc ça me rassure. C’est par des retours extérieurs que je me suis dit que quelque chose de bien se dégageait de mes réalisations. Quand tu veux montrer quelque chose aux gens et qu’ils apprécient ce que tu fais, c’est vraiment génial.

Et tu saurais décrire ton univers maintenant ?

C’est complexe… J’adore le côté vintage, j’aime quand c’est coloré… Il y a plein de choses différentes, ça dépend vraiment des projets. Là, je travaille sur un court métrage qui sera un thriller et je sais que je vais avoir envie de faire des longs plans en mouvement, de mettre des néons, des couleurs, du clair-obscur, des paillettes… C’est un peu un mélange de tout ça et je mets une forme dessus. Par exemple, j’aimerais aussi bien faire des séries comme Euphoria ou Mrs Maisel, qui ont vraiment tout ce que j’aime, que des films comme Lalaland. Je voudrais faire mes propres films avec ce mélange de références que j’aime tant. C’est un peu flou mais c’est là. Je mets une part de moi dans chacune de mes réalisations. Je pense que quand je réaliserai une comédie musicale, je serai totalement dans mon élément. J’aime aussi beaucoup la comédie, les films et séries un peu “feel good”, très pop, colorés, qu’on aime regarder et qui sont de vrais bonbons.

Quelles seraient tes ambitions pour les années à venir ?

Ce serait de faire un long métrage, une série, des pubs de mode et des clips pour des gens talentueux. Réaliser des choses avec des budgets qui me permettront de m’amuser et où je pourrais m’exprimer totalement. J’adore développer mes univers dans différents sujets. Tant que j’ai ça, moi, je suis bien. Et surtout, le faire entourée de mon équipe que j’aime.

Si vous voulez en savoir plus :

Le site Internet professionnel de Léa Rouaud : Léa Rouaud 〣 Director ・ Assistant Director ・ D.A

D’autres vidéos de Léa Rouaud :


Propos recueillis par Elodie Pochat

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