Elladj Lincy Deloumeaux : “Je décrirai mon univers pictural comme spirituel et pluriel”
Elladj Lincy Deloumeaux est un jeune artiste peintre encore étudiant aux Beaux-Arts de Paris. Son travail se caractérise par des portraits scénographiés aux couleurs vives. À travers cet entretien j’ai cherché à comprendre sa pratique artistique imprégnée de ses origines caribéennes.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Elladj Lincy Deloumeaux, je suis originaire de la Guadeloupe, j’ai 25 ans, je vis et travaille à Paris. Je suis artiste peintre
Tu es étudiant Beaux-Arts de Paris, comment se déroulent tes études, quelle relation entretiens-tu avec les autres élèves ?
Actuellement, je suis en 3e année et je passe mon diplôme cette année.
Avant les Beaux-arts de Paris, j’ai eu un parcours scientifique. Passionné par la biologie et la médecine, j’ai fait un BTS en Analyse en Biologie Médicale puis une licence en Qualité Sécurité et Recherche agro-alimentaire. À la suite de l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé pendant un an en tant que qualiticien. Ayant toujours baigné dans le domaine artistique, d’une part par le biais de ma famille et d’autre part par mon enfance, je souhaitais pleinement m’immerger dans ce domaine.
Après un long parcours du combattant, puis une école préparatoire, j’ai obtenu mon concours d’admission des Beaux-Arts de Paris.
Concernant ma relation avec les autres élèves artistes, aux Beaux-arts, j’ai pu y faire de très belles rencontres. Au sein des ateliers, toutes les années sont confondues. Cela nous permet d’échanger sur nos expériences respectives. On y apprend beaucoup des uns des autres, on y découvre des univers et des parcours très différents.
On ne le sait pas toujours, mais comme tu viens de le dire précédemment, les élèves des Beaux-Arts sont encadrés par des artistes dans des ateliers, peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?
Après l’obtention du concours, pour intégrer les différents ateliers, on passe des entretiens avec les chefs d’ateliers. Actuellement, je suis dans l’atelier de Tim Eitel.
Les chefs d’ateliers sont des artistes reconnus, avec des parcours établis et diversifiés.
Étant des professionnels, les élèves bénéficient de leur expérience. Ils nous accompagnent et conseillent tout au long de notre cursus.
Comment qualifierais-tu ton univers artistique ? Y a-t-il des artistes qui t’ont inspiré dans ta pratique picturale ?
C’est très difficile de décrire son propre univers artistique mais je le définirais comme un récit pictural, spirituel et pluriel.
Ce sont surtout des écrivains comme Franz Fanon, Édouard Glissant, Cheick Anta Diop, Kalala Omotunde et bien d’autres, qui m’ont inspiré. Leurs livres m’ont permis de comprendre certaines réalités présentes issues du passé. Il y a aussi des peintres comme Hernan Bas et Kudzanai-Violet Hwami qui m’ont également inspiré dans ma pratique.
Dans tes portraits, j’ai constaté que le regard de tes protagonistes est toujours, pensif, en pleine réflexion. Y a-t-il une volonté derrière cet acte que tu poses ?
Oui, peut-être inconsciemment. Mes tableaux sont le fruit de recherches et d’expérimentations autant picturales, symboliques mais aussi historiques. Je puise beaucoup dans mon patrimoine culturel en faisant mes propres recherches mais également en questionnant et dialoguant avec mon entourage. Ce patrimoine est une source inépuisable. Tellement riche, que nous sommes sans cesse entrain d’apprendre et toujours en pleine réflexion.
J’ai également remarqué une présence assez forte des plantes dans ton travail, as-tu un rapport particulier à la nature ?
Ces paysages végétaux se nourrissent des souvenirs d’enfance, de mes expériences personnelles. À travers des représentations de paysages verdoyants des Antilles, la nature a une dimension symbolique, ancestrale et apaisante pour moi. Picturalement, peindre cette nature me permet de prendre de grandes libertés au niveau du geste, des textures ainsi que des couleurs.
Sur Instagram, tu as posté tes photographies qui sont aussi des portraits. La photo, est-ce un médium que tu cherches à explorer /approfondir en plus de la peinture ?
Selon moi, la frontière entre ces deux médiums est très infime. Je compose mes photos de la même manière que mes peintures. Que ce soit en terme de cadrage ou même de fond, je construis ma scénographie, crée mes textures, sélectionne ma palette de couleurs. Je peins également avec mes propres photos issues de mes voyages, de la vie quotidienne ou de scènes familiales.
En décembre prochain, la Galerie Cécile Fakhoury à Abidjan va inaugurer ta première exposition personnelle. Quel est ton ressenti ?
Ha ! C’est une immense joie vraiment ! J’exprime énormément la relation de mon afro-descendance à travers mon travail. Partir pour la première fois sur le continent et en plus dans le cadre de ma pratique artistique me touche énormément.
L’exposition se nomme Un est multiple, pourquoi ce titre ?
Un est multiple fait référence à la cosmogonie africaine. Je m’intéresse beaucoup aux spiritualités afro-caribéennes en m’attachant aux images matrimoniales, symboliques, mythologiques ou encore iconographiques. Le titre de l’exposition fait également référence à la créolisation de Glissant, à ce monde pluriel, où dialogue mes imprégnations, mes inspirations, mes écritures picturales et graphiques, mes racines géographiques ou mentales qui se mettent en contact au sein de mon travail.
As-tu d’autres projets pour la suite ?
En ce moment, pour fin décembre, je travaille sur un projet d’installations artistiques avec la région Pays de Loire. Pour 2021, je travaille également sur un projet de duo show avec l’artiste Johanna Mirabel. Je travaille également sur d’autres projets avec un collectif d’artistes.
Un grand merci à Elladj Lincy Deloumeaux.
Propos recueillis par Nora Diaby
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