Philippe Leloup : “L’aventure musicale, c’est aussi tout seul”
Rencontre avec un musicien qui nous fait vibrer entre musique classique et musique jazz, et qui nous ouvre les rideaux sur les mystères de la composition.
Quelle a été ta rencontre avec la musique classique ?
La rencontre c’est très simple, mon père était musicien. Dès que j’ai au 7 ans tous les dimanche il nous réunissait, moi et ma soeur, et on faisait de la musique ensemble. Il était clarinettiste et guitariste, moi je fais de la clarinette et ma soeur fait de la guitare. Ça s’est fait comme ça, et tout de suite j’ai su que je voulais être musicien.
Quel a été ton parcours ?
J’ai suivi des cours au conservatoire jusqu’à mes 16 ou mes 17 ans, j’ai fait des classes musicales aussi, les toutes premières à l’époque. Après je suis devenu autonome petit à petit. En fait je me suis rendu compte que j’étais pas dans le moule, donc je m’en suis extrait pour suivre mon parcours en parallèle, presque en autodidacte. Je pense avoir appris plus de choses tout seul que ce que j’ai pu apprendre au conservatoire.
Quelle différence entre ce que tu as pu apprendre seul et au conservatoire ?
Au conservatoire on apprend la technique, un mode de travail et une certaine forme de littérature, d’étude. Mais le champ musical est tellement vaste qu’il faut l’appréhender seul, parce qu’au conservatoire ce n’est pas suffisant. L’aventure musicale, c’est aussi tout seul. C’est comme à l’école finalement, il faut savoir découvrir chez soi, selon ses envies et sa curiosité.
Comment as-tu commencé à faire des concerts ?
Les premiers étaient au conservatoire, il y avait un orchestre de jeunes et on faisait pas mal de concerts, aussi avec l’harmonie municipale de la ville. Ensuite j’étais à l’orchestre de l’armée, puis j’ai eu les concours pour être dans l’orchestre de la police, et c’est ce que je fais depuis. Mais je continue, de manière très éclectique, à faire pleins de choses différentes.
Est-ce que faire partie d’orchestres t’as changé au niveau musical ?
Ça m’a permis d’aborder des choses que je connaissais déjà, avec des musiciens de très haut niveau donc de façon plus pointue.
Quand et comment as-tu commencé à composer ?
Ça s’est fait progressivement, je me suis d’abord intéressé aux musiques improvisées, donc au jazz, et quand on est passionné par ces musiques-là, naturellement on en vient à l’écriture, c’est logique. J’ai pris des cours d’écriture de jazz, et c’était comme retourner à l’école, entouré d’étudiants. C’est après que je suis revenu mettre mon nez dans l’écriture classique, qui n’est pas la même façon d’écrire, et ça m’a passionné. J’écrivais de plus en plus et maintenant c’est quasiment mon activité principale. Comme j’ai une culture classique et jazz, les deux transparaissent dans ma façon d’écrire, ce qui peut parfois poser des problèmes à certains. C’est un peu le problème de l’entre-deux, on n’est pas dans une case et on risque de ne pas être joué.
Quelles sont les différences entre l’écriture classique et l’écriture jazz ?
C’est lié à plusieurs choses. À l’héritage, qu’il faut connaître, et principalement au rythme, à la pulsation, aussi à un espace de liberté qui est plus grand dans le jazz que dans la musique classique. La musique classique c’est de la musique écrite, très pointue. On écrit tout, alors qu’en jazz justement on laisse place à l’improvisation, mais pas que. C’est l’apport africain de cette musique là, il y a des rythmes que l’on ne peut pas écrire et il faut avoir une culture pour pouvoir les lire et les interpréter correctement, car c’est difficile à retranscrire par le papier. La musique classique c’est l’art de la lecture, alors que le jazz c’est plutôt l’art de parler. C’est très dur pour celui qui n’est pas habitué à parler de parler, de même que c’est très dur de lire pour quelqu’un qui n’est pas habitué à lire.
Combien de temps environ passes-tu sur une composition ?
Ça dépend. Des fois j’ai un temps limité pour écrire une pièce, donc si je dois écrire une pièce rapidement, je le fais. Mais ça peut me prendre parfois plusieurs années, surtout quand c’est de la musique d’orchestre. Plus il y a d’instruments plus c’est long, forcément.
Quelle était la première composition que l’on t’a commandé ?
Ma première vraie commande a été en 2006, une pièce pour orchestre et deux clarinettes solo pour un concert qui était prévu, donc j’avais une échéance. Pas facile, mais parfois les contraintes permettent aussi d’aller plus vite et d’être plus efficace.
As-tu une manière de travailler particulière ?
J’écris des fois sur des histoires, ou parfois de la musique “pure”, sans concept, sans sujet. Mais la plupart du temps j’aime bien avoir une idée qui me guide. Ça peut être un style de musique, une région géographique, ou alors un texte. Par exemple je suis en ce moment en train de mettre en musique Alice au Pays des Merveilles. C’est presque de la musique de film finalement, une musique qui suit l’image.
Où puises-tu ton inspiration ?
Ça peut être n’importe quoi. L’année dernière j’ai fait une musique sur les papillons par exemple. Ou bien pour un quatuor à cordes j’ai écrit sur l’escalier du Château de Chambord, l’idée de la spirale, de la progression. J’ai déjà fait sur l’eau, la nature, ce genre de choses.
Propos recueillis par Alix Plancade.
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