Murmure street : “Nous recherchons le juste équilibre entre sens, esthétique et singularité”
Le duo d’artistes Paul Ressencourt et Simon Roche parle aux murs comme personne et crée à quatre mains des scènes pleines de poésie et de sens dans la rue.
Pouvez-vous présenter votre parcours ?
Nous nous sommes rencontrés aux Beaux-Arts en 2006. Simon avait déjà de très bonnes bases en dessin ; quant à moi (Paul), j’avais plus de facilités dans les compositions. Nous étions complémentaires : c’est ce qui nous permet de collaborer encore aujourd’hui.
Votre style pictural a-t-il évolué depuis les Beaux-Arts ?
Notre style pictural a constamment évolué et, plus particulièrement, il y a trois ans. Auparavant, nous réalisions directement nos dessins pour la rue. Désormais, nous procédons à un travail de recherche en intérieur et ensuite créons nos dessins pour l’espace urbain. Enfin, nous avons évolué quant à la recherche de sens dans notre travail : notamment avec notre projet “Cueillette” qui représente deux personnes vêtues de combinaisons chimiques : vision contrebalancée par la fleur enfantine qu’elles cueillent. Nous avons alors amorcé un véritable virage. Nous travaillions jusqu’ici à la pierre noire, à l’encre de Chine et en noir et blanc. Nous avons ensuite introduit la peinture, les crayons de couleur et d’autres matières et textures que nous avons mélangées.
Quels messages souhaitez-vous véhiculer au travers de vos dessins ?
Nous traitons de l’écologie au même titre que nous pouvons traiter du consumérisme. De manière générale, nous souhaitons aborder des problèmes sociétaux, des absurdités que nous constatons. Nous ne tenons pas à réaliser un travail purement esthétique. Nous souhaitons que l’œuvre en elle-même mais également l’environnement urbain dans laquelle on la place, aient un sens. Nous envisageons notre travail d’artistes comme étant un travail de mise en exergue des problèmes sociétaux et ce, de manière onirique et poétique. Nous recherchons ainsi le juste équilibre entre sens, esthétique et singularité.
Quelles sont vos inspirations ?
Ces dernières années, nous avons été influencés par le travail de Pejac, le premier artiste à avoir fait du street art “écolo engagé” sans tomber dans le pathos. Mais initialement, nous sommes tous les deux tout particulièrement influencés par Ernest Pignon-Ernest. Il nous a fait comprendre l’importance du sujet d’une œuvre et le choix de son emplacement dans la rue : de manière générale, il nous a fait comprendre la justification de l’œuvre dans la rue.
Vous définissez-vous comme street artistes ? Et pour quelles raisons ?
Nous nous définissons comme street artistes : nous ne ressentons pas le besoin de se dire artistes contemporains. Toutes nos recherches actuelles, nous les pensons en tant que street artistes. Nous réfléchissons beaucoup à l’art à destination d’un public profane. Nous trouvons l’art contemporain très élitiste, presque inaccessible, fait “de références à des références de références”. Depuis le début, nous tentons d’offrir une esthétique élégante malgré les sujets traités tels que le sac poubelle. Nous ne souhaitions pas présenter un art qui constituerait une abstraction mentale, peu naturelle. C’est en cela que nous nous définissons comme street artistes, en proposant un art plus accessible sans être bête mais qui ne va pas piocher dans les tréfonds des archives de l’histoire de l’art. Le deuxième axe qui nous intéresse dans le street art est la réalité des “backgrounds” qu’on trouve naturellement dans la rue. Tout devient partie intégrante de l’œuvre : le passant qui déchire le collage, le passant qui s’arrête pour regarder le collage, les aléas climatiques qui peuvent parfaire l’œuvre, le recul qu’un passant peut avoir par rapport à une œuvre dans une rue étroite. Tous nos collages sont tirés de dessins que nous réalisons à l’échelle 1 – il ne s’agit pas d’agrandissement de petits formats : l’espace d’accueil présente donc un impact réel sur notre travail. Nous utilisons également la texture d’un spot afin que les grains du mur deviennent les grains d’une peau ou les craquelures des rides. D’ailleurs, si nous ne travaillons pas à la bombe, c’est parce que celle-ci donne un rendu trop lisse ; or, nous préférons des textures plus intéressantes sur lesquelles nous utilisons la peinture à la brosse par exemple.
Pouvez-vous nous décrire votre façon de travailler “à quatre mains” ?
Nous faisons tout tous les deux. Simon travaille plutôt le dessin de contour et moi (Paul) le dessin de masse qui s’attache au volume et à la texture. Nous nous remettons constamment en question. C’est dans la discussion et dans la réalisation à quatre mains qu’on arrive au résultat final. L’œuvre n’est finie que lorsque nous sommes satisfaits l’un et l’autre.
Pouvez-vous nous dévoiler vos futurs projets ?
Nous venons de terminer l’exposition “GARB-AGE”, notre premier solo show sur les conséquences écologiques de l’usage du sac poubelle : nous souhaiterions d’ailleurs placer une œuvre représentant une queue de baleine en sac poubelle dans un endroit faisant face à la mer pour y permettre des reflets. Nous sommes désormais représentés par deux galeries, une parisienne et une basée à Los Angeles qui travaillent ensemble mais présentent des cultures différentes. Enfin, nous collaborons avec la société d’édition “Graffiti Prints”. Nous sommes en effet tous deux passionnés par la lithographie et nous souhaitons réaliser une œuvre représentant un océan de sacs poubelles via le print.
Retrouvez le travail de Murmure street sur leur compte Instagram @murmurestreet et leur site Internet murmurestreet.fr.
Propos recueillis par Annabelle Reichenbach
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