Onie : “J’aimerais arriver à être totalement libre dans ma création”
Rencontre avec Onie, un artiste plein de talent qui s’inspire de la vie. Entre maîtrise et liberté, il nous fait découvrir son univers.
Pouvez-vous nous raconter comment vous en êtes arrivé à faire de l’art ?
J’ai commencé petit, pas forcément de mon plein gré, j’étais très turbulent, hyperactif. Ma mère m’a très vite inscrit en cours de dessin. Dès l’âge de 5 ans, j’ai commencé à suivre des cours de dessin. Finalement, ça a continué toute ma scolarité. Un matin en allant au collège, j’ai découvert le graffiti. J’ai vu plein de tags partout j’ai trouvé ça incroyable, cela m’a passionné, j’ai arrêté tous les cours classiques. Comme je n’étais pas très bon à l’école, cela me donnait de la reconnaissance. Ensuite, j’ai monté une galerie sur Orléans avec des amis. Dans notre galerie on ne vendait rien, on s’est vite rendu compte que c’était un métier. La vie avançant, l’aventure s’est arrêtée. Après, je suis parti dans mon métier de graphiste. Je n’en pouvais plus de passer ma vie devant un écran, avoir des appels d’offre la nuit et de bosser le jour pour des clients, qu’on me demande de mettre du jaune à la place du orange. Bref, le métier de graphiste. J’ai tout arrêté pour me remettre dans ma peinture. J’ai eu la chance que ça ait commencé à marcher assez rapidement. J’ai pris un boulot de nuit, en tant que veilleur de nuit à l’hôpital psychiatrique d’Orléans, pour pouvoir peindre la journée. Ce qui m’a permis, sereinement, d’avancer mes peintures.
Vous faisiez beaucoup de graffitis puis des toiles en grand format, pourquoi changer de support ?
En fait le graffiti, ça m’a impressionné. À l’époque, ça a été une révélation. Pour moi c’était quelque chose de révolutionnaire, comme je dessinais beaucoup, les deux se sont rencontrés. Ça me correspondait. Dans le graffiti, j’ai toujours fait beaucoup plus de décors et de personnages que les autres. Le graffiti je l’ai toujours perçu comme du dessin. Il n’y a pas eu de transition, de changement, quand je suis passé à la toile. Maintenant tout le monde reprend les graffitis, les vêtements, les marques. Je ne trouve plus ce qu’il ’était au début. Il fallait à l’époque aller chercher dans des terrains alors qu’aujourd’hui avec internet, on trouve tout.
Vous avez repris vos études en design graphique et communication visuelle. Cela vous a-t-il aidé dans la réalisation de vos œuvres ?
Ça m’a apporté beaucoup. Il y a des choses qui me sont restées, même si je ne fais pas forcément attention. Je suis toujours à me justifier, si je mets quelque chose dans ma peinture, il faut que ce soit justifié. J’essaie de me détacher de la technique mais ça n’est pas facile. J’aimerais arriver à être totalement libre dans ma création. Si un jour j’ai envie de faire un tableau qui ressemble à Rembrandt, un tableau classique, j’ai techniquement la possibilité de le faire. Je veux m’en détacher, mais en même temps je suis content de savoir faire beaucoup de choses. C’est paradoxal, je veux être plus libre et en être détaché.
On remarque un peu de Picasso dans ce que vous faites, est-ce volontaire ?
Ma mère a toujours été passionnée par Picasso et avec le temps, j’ai moi aussi découvert l’art moderne. Elle m’emmenait dans les expositions. À mon école de graphisme, je n’allais pas aux cours d’histoire de l’art, j’ai raté beaucoup de choses. Pendant quasiment un an, j’ai repris toutes les toiles de tous les peintres de l’art moderne. Je n’ai pas arrêté, jusqu’à ce que je me sente à l’aise avec cela. Forcément maintenant quand je peins, ça ressort. Au début, ça m’embêtait que les gens se disent que mon travail ressemble à un tel ou un tel. Maintenant, je fais et je ne me soucie plus de savoir à qui ça ressemble. De toute façon, Picasso piquait plein de choses à plein de gens, moi aussi je pique des choses à d’autres.
Vos personnages semblent souffrir, on ressent une vraie empathie pour eux. Pourquoi créez-vous ce genre d’univers ?
L’hôpital psychiatrique m’a mis une vraie claque, je ne pensais pas que certaines personnes étaient dans une telle souffrance perpétuelle. Je trouve qu’il y a plus de beauté dans les moments pas faciles, plus de tension. Je ne sais pas trop comment l’expliquer. Je ne fais jamais les yeux, je n’ai pas envie qu’on les sonde. Je n’arrive pas, pour le moment, à mettre des couleurs trop flashy, c’est peut-être la couleur qui donne cet effet-là.
Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?
Tout m’inspire, je réfléchis tout le temps. Quand j’arrive à l’atelier, je ne sais pas vraiment ce que je vais faire. Comme tous les peintres je suis centré sur ma vie, je peins mon actualité de vie. D’habitude je ne m’inspire pas de l’actualité et là exceptionnellement, j’ai fait une peinture en lien avec George Floyd. Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait, les gens l’ont mal perçu… Ce n’est pas grave. Je ne le referais pas tout de suite, ça a été fait innocemment et ça n’a pas été pris comme tel. Beaucoup de commentaires m’ont dépassé.
Avez-vous envie de faire autre chose ?
Là, j’ai envie de me mettre à la sculpture. L’autre personne qui est dans l’atelier avec moi est sculpteur, je le vois faire et j’aime bien ce qu’il fait. Je trouve que ça fait plus vivant que mes peintures. C’est ma prochaine étape.
Vous utilisez plusieurs techniques sur une œuvre, qu’est-ce que cela vous apporte ?
Ça me permet d’avoir des contrastes, pas simplement dans les couleurs, mais aussi de matières. On est deux dans l’atelier, j’aime bien être dehors, revenir au fusain et au pastel. Je n’aime pas m’ennuyer.
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Propos recueillis par Pauline Chabert
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