Sébastien Lis : “Il y a une vraie richesse humaine et un échange culturel qui se fait”
Entretien avec Sébastien Lis, co-fondateur du LaBel Valette festival, qui rassemble chaque année les cultures urbaines au château de Pressigny-les-Pins dans le Loiret. Cette année, le festival revient pour sa troisième édition les 28 et 29 août prochain.
Peux-tu nous parler de la création du festival LaBel Vallette ?
Nous sommes deux à l’origine du projet : Matthieu et moi même. Nous sommes de vieux amis du lycée, pour ne pa dire les meilleurs amis mais aussi associé dans la vie professionnel. L’origine du festival est née de notre amour pour le territoire qui nous a vu grandir. Je viens de la région que l’on nomme le Gâtinais où se situe le domaine de la Valette, j’ai grandi ici et mes parents habitent toujours dans un village proche du festival. Matthieu lui, vient d’un peu plus haut à Fontainebleau. À tout juste 18 ans, on a pris la voiture pour découvrir le coin et nous sommes tombés sur le site, déjà abandonnée à l’époque. C’était notre première rencontre avec le domaine de la Valette, aucun de nous 2 à ce moment n’était encore pris du virus du graffiti.
Ensuite, quasiment 10 ans plus tard, je co-fondé l’association Urban-Art Paris, un média sur le street-art et le graffiti et un collectif de passionnés et d’artistes qui oeuvre pour la démocratisation de l’art urbain. Via UAP que je préside maintenant depuis 3 ans, on avait fait un projet à Vitry-Sur-Seine qui s’appelle “La Belle Vitry’n” et qui avait comme but d’investir une maison qui allait être détruite. On a invité une vingtaine d’artistes pendant un week-end qui ont repeint toute la maison en amont et pendant le week-end, on a ouvert les portes au public. On a eu à peu près 1500 visiteurs ce qui était énorme pour nous à l’époque et surtout, on avait très peu communiqué. Le clin d’oeil, La Belle Vitry’n dont les initiales sont LBV sont les mêmes que pour LaBel Valette.
2 semaines après le projet à Vitry, je rentre chez moi à la campagne. Je me balade et je retombe sur le domaine par hasard. Et c’est à ce moment la que j’ai eu le déclic : il faut de nouveau faire vivre ce lieu à l’abandon. Du coup, je me suis renseigné pour trouver les coordonnées du propriétaire, je l’ai appelé, on a eu rendez-vous et je lui ai proposé le projet d’investir artistiquement ce site dont il ne s’occupe pas. Il a étonnamment accepté et c’est à partir de ce moment qu’est née l’histoire du LaBel Valette. C’était un soir d’octobre 2016.
On a invité la première année une centaine d’artistes de différents pays pour investir les dortoirs et une partie de la façade. L’édition qui devait avoir lieu en 2017 n’a pas eu lieu, car la mairie sur lequel est le domaine est, nous a mis des bâtons dans les roues. On a du repousser le projet, il y a une citation qui est assez magique de la mairie que je cite : “nos villages n’ont pas à être l’exutoire des névroses urbaines et nos administrés aspirent à la tranquillité”. L’année d’après, avec un travail exceptionnel des bénévoles et de nos soutiens on a pu inaugurer la première édition, c’était sur 3 jours, le 7,8 et 9 septembre 2018.
J’étais la dernière génération à aller à l’école de ma commune, il n’y a plus de tabac, plus de superettes, nos villages sont devenus des villages dortoirs ; et surtout il y a un patrimoine local avec des châteaux, des belles demeures qui tombent à l’abandon par manque de moyens pour l’entretenir, désengagement des pouvoirs publics… Ce qu’on s’est dit avec Matthieu c’est soit on laisse faire, et petit à petit, une partie de notre passé s’efface et une partie de notre identité, ou soit on agit. Notre seul moyen d’action, c’est par l’intervention artistique sur les bâtiments dans l’espace public.
Notre défi à été de montrer qu’avec l’art et notamment le street-art, on peut redynamiser et réinsuffler quelque chose de positif dans ces territoires ruraux. T’as pas la mer, t’as pas la montagne, t’es loin des villes donc t’as très peu d’atouts ; par contre t’as un tas de lieux qui sont quand même exceptionnels. Et par rapport à ça, on s’est lancé dans ce challenge, donc c’est un pari qui est en passe d’être gagné car au fil des années il ya de plus en plus de personnes qui viennent, on a fait National Géographic, on a fait le Guide du Routard, Konbini…
Le projet suscite de l’intérêt parce qu’il met des choses qui sont paradoxalement opposés : le patrimoine et l’art mural.
Qui êtes-vous et qui est l’équipe derrière le festival ?
Alors déjà, il y a Urban Art Paris, qui porte principalement le projet et on est aussi accompagné d’une autre structure qui s’appelle All Mecen, un site mettant en relation des personnes qui souhaitent soutenir et aider financièrement des artistes émergents. L’équipe se connait très bien, nous sommes une bande d’amis. Urban Art Paris c’est une petite famille, nous sommes 30 dans l’association à être des membres actifs et on a 400 adhérents. Il faut savoir qu’on est tous bénévoles, qu’on a tous des obligations professionnelles à côté, donc c’est un jeu d’équilibriste continu qu’on met en place chaque année pour mener à bien les projets. Le LaBel Valette c’est 6 mois de préparation, 6 mois de logistique. C’est une aventure humaine qui est assez unique parce qu’on vit sur place, avec les artistes muralistes qui sont en résidence. Il y a une vraie richesse humaine et un échange culturel qui se fait, comme dans le film L’Auberge Espagnole. À tous les niveaux, chacun trouve sa place et contribue directement et concrètement au festival.
Quelles sont les nouveautés pour cette édition ?
Artistiquement d’abord avec les nouveaux artistes sélectionnés sur la thématique “Demain c’est loin”, comme L’Atlas, Le Diamantaire, Perrine Honoré, Olias et Bouda ou bien encore Dourone. 17 artistes en tout réaliseront des fresques sur leurs espoirs et craintes en l’avenir.
Ensuite avec le “Hors-les-Murs” à Montargis, cela consiste à la réalisation de 7 façades sur des immeubles du quartier de la Chaussée. C’est le festival off du LaBel Valette.
Il y a aussi le “Village Urbain” avec l’invitation envoyée à douze associations qui font la promotion des cultures urbaines, de Toulouse, à Lille, en passant par Clermont-Ferrand et Lyon. Ce sont des structures qui font bouger les choses, qui s’impliquent sur le territoire. Se retrouver “entre nous” n’a jamais été fait avant, il y a un vrai besoin de se rencontrer, d’échanger sur les opportunités à venir et pourquoi pas se fédérer. L’idée est donc d’envoyer un message fort envoyé aux collectivités, aux élus ainsi qu’aux autres acteurs du mouvement. Il faut faire entendre la voix de ces structures qui sont à la base de tout ; parce que sans associations, les artistes et les projets sont plus difficiles à mettre en place.
Nous, on lance des artistes émergents, qui vont après faire des plus gros projets, vont rentrer en galerie etc… Cet écosystème est fragile, on l’a vu avec la crise, arrêtons de sous estimer le tissu associatif.
Comment définirai-tu le festival en 3 mots ?
Atypique, unique et humain.
As-tu un dernier mot à rajouter, un dernier sujet dont tu voulais parler ?
Rappeler que rien n’est impossible si l’on se donne les moyens de vivre ses rêves.
Retrouvez toute l’actualité du festival sur son site internet.
Propos recueillis par Briac Montet
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