Damien Mauro aka GoddoG : “Selon moi, il faut étonner pour rendre curieux”
À 36 ans, Damien Mauro aka GoddoG, issu du graffiti, développe une esthétique fascinante et intrigante composée de formes oniriques et de lignes, entre figuration et abstraction.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai commencé à pratiquer le graffiti à 16 ans afin de revendiquer une créativité dans laquelle je me retrouvais. Né à Châlons-en-Champagne, en province, je dévorais la presse spécialisée mais restais éloigné du fantasme de la culture parisienne du graffiti des années 90. Je n’excellais pas dans l’art du lettrage ; j’ai donc très vite évolué vers le post-graffiti, influencé par des artistes tels que RCF1, LEGZ ou TOAST qui proposaient une imagerie nouvelle basée sur le logotype et non plus sur la lettre. J’ai également beaucoup puisé mon inspiration dans la scène du “graffuturism”, mouvement qui présente des aplats de couleurs dynamiques, de l’ordre de la déconstruction figurative. Suite à des études d’éducateur spécialisé, j’ai mené durant dix ans une carrière de travailleur social tout en continuant à exercer l’art urbain et la peinture. Je n’ai jamais souhaité m’enfermer dans l’art urbain même si j’en ai toujours gardé le goût. J’ai toujours apprécié les grands peintres tels que Matisse, Kandinsky, ou Basquiat. Enfin, mes différents voyages ont permis de nourrir mon inspiration.
De ces différentes inspirations, qu’avez-vous voulu créer comme univers esthétique ?
Je travaille actuellement beaucoup sur l’articulation des formes, la façon dont celles-ci – tout en étant différentes – peuvent se répondre. Certaines formes peuvent être arrondies et dégager un message apaisant. Quant à d’autres, plus pointues, craquelées, désarticulées, elles vont créer un ressenti désagréable. J’insère derrière ces formes toute une symbolique afin de créer une narration au sein de mes œuvres, qu’il s’agisse de lien ou de fracture sociale. Vous pouvez ainsi retrouver dans mes compositions des silhouettes de visages. Je me préoccupe beaucoup de la condition humaine : je mets ainsi souvent en avant l’humain dans mes compositions. Par ailleurs, y apparaissent des formes végétales et architecturales. Des ponts sont présents pour créer des passerelles entre les individus : tisser du lien social me paraît particulièrement important de nos jours. D’autre part, on y retrouve des formes d’escaliers qui représentent à mes yeux l’ascension sociale. Armé de mes formes totémiques, je fais jouer l’équilibre de celles-ci avec des couleurs aux tons pastels afin de créer un monde onirique. Enfin, j’ai créé tout un langage universel de lignes, influencé autant par le lettrage issu du graffiti que par les pixaçāos brésiliens. Face à mes créations, le spectateur ne doit pas comprendre immédiatement ce dont il s’agit, au contraire, j’aime le faire réfléchir : selon moi, il faut étonner pour rendre curieux et la déconstruction quasi abstraite me permet d’en jouer – je qualifiais jusqu’alors mon travail d’”abstraction figurative”.
Aujourd’hui, vous travaillez en atelier tout en continuant à investir la rue. Comment appréhendez-vous le travail dans ces deux types d’espaces ?
Je n’aurais jamais réalisé mon travail d’atelier si je n’étais pas passé par un travail de rue. Aujourd’hui, j’adore encore peindre des murs, c’est un exutoire et puis il s’agit de l’essence de mon métier. Dans la rue, j’utilise une technique mixte (bombe et acrylique). En atelier, j’utilise essentiellement de l’acrylique. Si je ne peins pas de la même manière dans la rue que dans l’atelier, la démarche graphique reste la même. Par ailleurs, lorsque je peins à l’extérieur, il est toujours important pour moi de prendre en considération l’environnement urbain, ce qu’il y a autour du mur, à savoir la couleur d’un volet, d’une toiture, etc. Enfin, peindre des murs me permet d’amener l’art à des publics qui n’y ont pas ou peu accès, cet aspect m’étant primordial.
Vous aimez expérimenter de nouvelles techniques. De quelle manière vous y prenez-vous ?
En effet, au fur et à mesure de mon parcours, j’ai toujours aimé expérimenter les différentes techniques qui s’offraient à moi. Je prends paradoxalement plus de risques sur des murs que sur des toiles. Je me sens inconsciemment plus libre de peindre sur un mur, cela est peut-être dû à mes débuts dans le graffiti. De plus, cela me prend moins de temps de peindre sur un mur que sur une toile : c’est à mes yeux très différent. Je me suis ainsi toujours servi du mur pour développer et approfondir ma recherche d’atelier. Le mur me permet plus facilement de tester de nouvelles techniques. Une fois intégrées, je les travaille ensuite sur la toile.
Pouvez-vous nous dévoiler vos futurs projets ?
Mes œuvres sont actuellement exposées à Sète au Réservoir jusqu’au 31 juillet. J’aime la ville de Sète : c’est une ville qui est investie par de grands peintres depuis longtemps tels que Hervé Di Rosa, Robert Combas, André Cervera, tous issus de la figuration libre. Fin août, je serai au Festival Colors de Strasbourg. Ce lieu sera ouvert pendant un mois aux visiteurs. J’y peindrai aux côtés d’Ilk et de L’Outsider. Enfin, durant quelques semaines, il est prévu que je parte au Japon pour y travailler en collaboration avec l’Institut Français. À suivre donc…
Retrouvez le travail de Damien Mauro aka GoddoG sur son compte Instagram @_goddog_ et son site Internet en cliquant ici.
Propos recueillis par Annabelle Reichenbach
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