Lyes-Olivier Sidhoum : “La période de méditation est primordiale, l’artiste est le canal de l’inspiration”
Lyes est un artiste français connu à l’international pour ses pièces aussi colorées que ressourçantes. Cet amoureux des couleurs et praticien de la pleine conscience produit ses œuvres suite aux visions intérieures qu’il obtient lors de séance de méditation.
Quel est votre parcours artistique ?
Tout d’abord j’ai toujours dessiné depuis enfant. Le grand bouleversement a été la découverte du graffiti à l’âge de 11 ans, en 1989. C’était un art vraiment nouveau, très sophistiqué, presque surréaliste. On ne savait pas tellement d’où ça débarquait. J’ai tout de suite été séduit par le graffiti, sa fugue, son énergie, sa modernité et son lien avec le hip hop et la musique. Je me suis vraiment passionné pendant à peu près 22 ans. À partir de 18 ans j’ai déclaré une activité au Trésor public en tant qu’artiste indépendant. Et j’ai commencé à essayer de vivre de ma passion. Je réalisais des commandes de tout ce qu’on pouvait faire avec le graffiti ; vêtements, logos…, en travaillant pour des mairies, magasins, collectivités… Comme ça j’ai fait à peu près 400 projets dans le monde. J’ai travaillé pour les plus grands groupes. J’ai vécu 2 ans à New-York entre 2002 et 2004 avec mon épouse puis 9 ans à Hong Kong de 2007 à 2016. Ensuite nous avons passé quelques mois en Californie et nous sommes de retour en France. J’ai beaucoup appris de mes voyages et rencontres, mes expositions… J’ai réussi à développer mon travail comme ça. J’étais surtout muraliste, j’ai réalisé des centaines de murs peints. Par exemple, à Lyon c’est moi qui ait réalisé la raffinerie de Feyzin avec la Cité de la création. Puis il y a eu le projet Source qui arrive à une période charnière de ma vie ; l’attente de mon premier enfant. Suite à l’annonce de ma compagne, je me suis pris en main et je voulais proposer une meilleure vie à ma fille qui allait arriver, une vie saine. Alors j’ai fait un bilan pour essayer de voir, suite à mon parcours, ce que j’avais tiré de positif et de négatif. Donc je me suis arrêté de travailler pendant 4 mois pendant la grossesse de ma femme, ce qui n’était pas arrivé depuis 15 ans. J’étais un forçat du travail, J’étais sur 10 projets en même temps et je ne prenais jamais le temps de me reposer. Suite à cette période de vacuité et de réflexion, j’ai développé un nouveau mode de conscience et un nouveau mode de voir la vie. De là est né le projet Source. Le message qui se cache derrière, c’est une ode à la vie. Source vient célébrer la vie qui est en toutes matières, tous temps et toutes personnes. C’est l’énergie de vie qui constitue la réalité. Cette réalité qui aujourd’hui conserve une part de mystère et presque de spiritualité. J’ai travaillé sur ce projet dès 2011 mais s’est réellement lancé en 2015.
Quel est votre mode d’opération ? Quels matériels utilisez-vous ?
J’utilise un procédé de haute technologie, l’impression fine art qui a aujourd’hui une quarantaine d’année et qui est brevetée. Il existe une seule licence par pays. Je détourne ce procédé d’impression pour le transformer en sculpture murale par le biais de la composition et de la découpe, puisque par la suite je fais découper à l’intérieur des matières imprimées. J’utilise une technologique qui stoppe 99,9% des UV. Les couleurs tiennent dans le temps, on peut les garantir pendant 100 ans. C’est un procédé d’encapsulage qui permet la tenue des pigments de couleurs pendant 115 ans. À travers Source il y a un travail de pureté, de recherche de définition et de perfection. Je travaille avec le point central. De ce fait il est toujours possible de descendre plus loin dans le plus petit. On peut se demander où se situe exactement le centre. Alors pour définir les centres de mes sculptures murales, j’utilise un robot imprimeur qui est plus précis que je ne pourrais l’être à la main. Cela me permet d’avoir une qualité et une définition du centre. Je pense en fait que la conscience assistée de la technologie amène loin. On arrive à un travail de finesse et de définition remarquable. De même pour les couleurs, ce que vous pouvez voir sur Instagram c’est vraiment fidèle à la réalité, les couleurs sont lumineuses. Ce qu’il faut savoir aussi c’est que je suis un méditant, un praticien de la pleine conscience. Cela pourrait s’approcher du zen ou du bouddhisme même si je ne suis pas dogmatique. Je médite beaucoup et c’est à ce moment-là que les images de mes œuvres me viennent. Ensuite je les compose sur ordinateur, puis je les partage directement en ligne. Enfin, je les envoie dans une fabrication en Allemagne à Düsseldorf dans l’un des meilleurs studios. Ils font un travail remarquable. Puis de là, on expédie dans le monde entier pour des expositions ou des particuliers. Ma famille est au service de l’œuvre mais l’inverse est plus que vrai ; l’œuvre vient servir ma famille, il ne faudrait pas que ce soit au détriment.
Où est-ce que vous puisez votre inspiration ?
La période de méditation est primordiale. Un artiste est un canal de l’inspiration, il produit une œuvre qui apparait dans la matière que ce soit pour des vidéos, sculptures, peu importe. Il va traduire une pensée, une inspiration dans la matière. C’est déjà un geste alchimique, il vient inscrire dans la matière l’inspiration. In Spiritus, en latin, ça veut dire un esprit. Être inspiré c’est ne faire qu’un avec l’esprit. L’esprit c’est très large on pourrait parler de medium, de dieux mais en France je pense qu’on peut parler d’air du temps. En tout cas c’est ‘faire un’ que ce soit avec soi, un environnement, sa collectivité, sa famille… Le lien n’a pas de limite. Quand vous méditez, vous cumulez le fait d’être silencieux, d’être immobile et d’être aligné avec sa conscience et son cœur. À ce moment-là il peut se révéler des chemins neurologiques qui développent des visions intérieures. Ce sont des envies et pulsions. C’est comme ça que les œuvres ou envies de teintes me viennent en tout cas. La vie est un champ des possibles. Chacun d’entre nous possède un potentiel, une énergie, une conscience qui sont capables d’intégrer la notion d’infini, c’est-à-dire d’être capable de s’adapter et de se développer en créant en nous-même un mode de conscience qui trouve sa place dans ce monde. Il permet de trouver la joie, la paix, l’amour. Toutes ces ressources sont intérieures, on n’a pas forcément besoin d’aller les chercher ailleurs dans des divertissements, des paysages etc. Elles sont en nous. Bien souvent nous sommes nous-mêmes nos propres obstacles. On peut renaître de toutes situations dans l’existence car on a le potentiel. Il faut prendre soin de soi, être honnête avec soi-même, ne pas tricher. Accepter nos émotions, comprendre d’où elles viennent et les analyser. C’est ce qui amène à la méditation. Elle arrive à freiner le flot des pensées. Le cœur fait déjà tout alors il faut le suivre et être à l’écoute car il est capable de grandes choses.
Comment choisissez-vous les couleurs ? Que souhaitez-vous faire ressentir ?
Les couleurs sont limitées malheureusement mais j’adorerais en inventer une ! Je suis un amoureux des couleurs. Et c’est vrai que je me suis rendu compte que je suis synchronisé avec les saisons. C’est-à-dire que l’été j’ai envie de couleurs vives, alors que l’hiver je me dirigerai naturellement vers des bruns, des couleurs douces. Ça varie. Je suis un amoureux de la composition chromatique dans son ensemble. J’aime les couleurs très saturées ensemble mais aussi celles très douces. Les sculptures murales Source ont plusieurs fonctions. Soit amener du dynamisme, de l’énergie et de la joie avec des couleurs puissantes saturées, soit de l’apaisement et du calme. Pour cela j’utilise plutôt des couleurs chairs et douces. Je pense que ce sont deux choses dont les gens ont besoin dans leurs intérieurs. Les couleurs n’ont pas du tout les mêmes vibrations et impactent différemment une pièce. Ce sont des outils de centrage, des forces sereines. L’important c’est de savoir ce que l’on ressent face à ce point de fuite et cette couleur. Certains auront besoin de bleu pour se concentrer par exemple. Chaque être est unique et chaque sentiment est unique. C’est-à-dire que le même être pourra avoir différentes réactions face à l’œuvre dans la même journée. Ça va dépendre de l’état de conscience dans lequel il est. Il y a des gens qui voient de la vitesse, d’autres ressentent beaucoup d’émotions. C’est différent pour chacun. Egalement, quand on vit avec, elles changent selon la lumière du jour, le temps, la couleur des murs…
Vous avez travaillé et vendu dans le monde entier, observez-vous un changement de réaction de la part du public selon les pays ?
Oui forcément. Par exemple prenons le rouge : une pièce rouge ne sera pas ressentie de la même manière en France et en Chine puisqu’ici ce sera plutôt sanguin alors que là-bas c’est la joie. Ce n’est pas pour autant que je joue avec ces codes différents, j’ai vraiment un message universel. Après, les pièces parlent à certaines personnes et d’autres pas. Par exemple récemment j’ai vendu pas mal de pièces à Hong Kong et ils n’ont pas acheté que du rouge pour autant ! Il y avait du bleu, des couleurs célestes, des coucher de soleil etc. Chaque être est unique même à travers sa culture. Chacun a sa propre sensibilité. En plus j’ai la volonté de faire de l’abstrait justement parce que chacun voit dans mes pièces ce qu’il souhaite y voir. J’aime ce côté proposition et expérience que l’abstrait apporte. C’est pour cela que mes pièces ont une certaine taille. Par rapport au corps humain il y a un ratio à faire pour que l’expérience marche. Le but étant d’être plongé dans le prisme chromatique. J’en ai une de 2 mètres qui va arriver, c’est presque une porte : une porte vers votre propre conscience.
Quelle place accordez-vous aux réseaux sociaux ?
Instagram c’est magnifique. Vous savez j’ai été street-artiste à l’âge de 11 ans. J’ai essuyé toutes les gouttières de Lyon pour écrire mon nom, faire des graffitis. J’ai imprimé des centaines de stickers… on a toujours été dans la communication en tant que tagueur. Donc un outil de communication comme celui-ci c’est extraordinaire. Aujourd’hui en plus, un collectionneur sur deux est sur Instagram. L’ensemble du marché ne peut plus se passer d’Instagram tout simplement. Aujourd’hui, je réalise qu’une grande partie de mon chiffre d’affaire sur Instagram.
Enfin, quels sont vos projets en cours ou à venir ?
Je travaille sur un site de vente en ligne. Je suis en train de réfléchir à créer une sorte de galerie virtuelle où l’on pourrait acheter directement les œuvres en se promenant à l’intérieur. Également, je sors une grosse production d’une vingtaine de pièces. Aussi, je suis en train de faire un partenariat avec plusieurs galeries dans le monde entier. C’est beau d’ailleurs que l’art arrive à toucher pleins de gens différents dans le monde. Je travaille d’une certaine façon puisque je produis 4 collections de sculptures murales par an, ainsi qu’une dizaine de pièces. Comme un artiste qui crée des albums, moi ce sont des collections. En ce moment je travaille sur une collection d’arc-en-ciel, on peut le voir sur mon feed Instagram. J’avais vraiment envie de décliner 3 à 4 sculptures murales par couleur et de travailler la couleur. J’ai commencé par le rouge et j’en suis au bleu. J’ai déjà vendu quelques œuvres dans les rouges, ça suit son chemin. A la fin je sortirai la collection totale par PDF. Il devrait y avoir 21 pièces dans cette collection.
Découvrez le compte Instagram personnel de Lyes ici et celui du projet Source là.
Propos recueillis par Charlie Egraz
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